Nulle part ailleurs
VICTORIAVILLE. Au lendemain de leur conquête de la coupe Memorial en 2012, la plupart des observateurs s’entendaient pour dire que la reconstruction des Cataractes de Shawinigan serait longue et pénible. Avec une banque de choix au repêchage dégarnie et un mince contingent d’espoirs au sein de l’organisation, l’avenir semblait sombre pour la formation mauricienne, rançon de la gloire pour savourer un premier championnat dans l’histoire de la concession.
Trois ans plus tard, force est de constater que ce fut loin d’être le cas. Le directeur général Martin Mondou a réussi une reconstruction rapide dans les circonstances.
Derrière ce tour de force se cache le Victoriavillois Alain Bissonnette, recruteur-chef et homme de confiance des Cataractes depuis de nombreuses années. Il a largement contribué à la relance de l’équipe.
Mondou a regarni la banque de choix. Bissonnette s’est chargé de sélectionner de futurs joueurs d’impact pour remettre la concession sur les rails. «Nous avions un plan et l’avons respecté. Au lendemain de la victoire de la coupe Memorial, nous n’avions pas beaucoup de choix. On savait qu’il fallait regarnir notre banque pour nous relancer. Martin n’a pas hésité à transiger. On s’est finalement retrouvé avec huit choix dans les trois premières rondes», a expliqué le recruteur-chef.
De cette séance de sélection s’est amorcée la reconstruction des Cataractes. Par-dessus tout, la formation mauricienne voulait éviter de rater un cycle, comme l’ont fait les Huskies de Rouyn-Noranda à l’époque où André Tourigny était à la barre de la formation. Tourigny avait tenté le tout pour le tout. La reconstruction avait, par la suite, été particulièrement ardue. «C’est d’ailleurs une discussion intéressante avec André sur la façon de rebâtir une équipe qui nous a permis d’établir notre plan de match», a raconté le Victoriavillois.
Bien beau miser sur une banque de choix appréciable, il reste qu’il faut dénicher les bons joueurs. À ce chapitre, l’équipe de recruteurs des Cataractes était consciente qu’elle avait une mince marge de manœuvre pour assurer la relance de la concession. «On ne pouvait pas trop se tromper. Notre moyenne au bâton se devait d’être supérieure à la norme», concède le recruteur-chef.
De la vingtaine de patineurs qui ont permis aux Cataractes de terminer au cinquième rang du classement général de la Ligue de hockey junior majeur du Québec cette saison, à peine six n’ont pas été repêchés par l’organisation. Anthony Beauvillier, Dennis Yan, Gabriel Sylvestre, Alexis D’Aoust, Dylan Labbé et Samuel Girard, entre autres, ont tous été réclamés par Alain Bissonnette et ses collègues. Les succès au repêchage des Cataractes leur permettront d’aspirer aux grands honneurs très bientôt, à moins d’une surprise.
Dès l’ouverture du prochain camp d’entraînement, peu de postes seront disponibles. Misant sur un solide noyau de jeunes patineurs tant à l’attaque qu’en défensive, on estime que seulement quelques rôles de second plan devraient être à l’enjeu. Il s’agit d’un signe indéniable que les Cataractes sont de retour sur la bonne voie.
Si les Cataractes misaient davantage sur le talent brut lors des derniers repêchages, la profondeur actuelle de l’organisation leur permettra, en juin prochain, d’opter pour une approche plus ciblée lors des assises, qui se tiendront à Sherbrooke. Alain Bissonnette ne cache pas qu’il tentera davantage de combler certains besoins de l’organisation.
«Il est vrai qu’il n’y aura pas beaucoup d’espace dans l’alignement, mais il y a toujours place aux surprises. Tous les joueurs présents au camp auront leur chance. Après tout, l’objectif est de mettre sur pied la meilleure équipe possible», a-t-il avancé.
Quoi qu’il en soit, la situation des Cataractes en fait saliver plus d’un. Au terme du prochain tournoi de la coupe Memorial, qui se tiendra à Québec, les observateurs s’entendent pour dire que la porte sera grande ouverte puisque plusieurs formations ont tenté leur chance cet hiver et seront affaiblies. Sans surprise, les Cataractes auront sans doute d’ambitieuses visées, comme leurs grands rivaux de division, les Tigres de Victoriaville.
Un recruteur dans l’âme
Alain Bissonnette n’est pas peu fier du succès de sa formation. Heureux tel un poisson dans l’eau dans ses fonctions, il ne se verrait pas faire autre chose.
Vieux routier dans le milieu, il s’est forgé une solide réputation au fil des ans, et ce, même s’il œuvre dans l’ombre. Ce n’est pas pour rien, d’ailleurs, qu’il est un des rares à être recruteur à temps plein dans la Ligue de hockey junior majeur du Québec. Martin Mondou, il y a quelques années, en a fait un employé permanent pour s’assurer ses services.
«Martin fait un travail incroyable. J’ai un patron hyper proactif. C’est motivant de travailler dans cet environnement. Il a toujours des idées. Il trouve toujours une façon d’arriver à nos fins. Il est un véritable passionné. On est toujours en mode solution. Quoi que l’organisation fasse, c’est toujours une réussite. La Classique hivernale en est un bel exemple. Je n’ai jamais douté du succès de cet événement», a-t-il lancé.
Bissonnette, après tant d’années passées à épier les jeunes hockeyeurs admissibles au repêchage du circuit Courteau, dit ne pas être lassé, au contraire, même si ce travail de patrouiller les arénas de l’est du Canada est parfois ingrat. Passionné par son travail, il aurait de la difficulté à quitter l’organisation des Cataractes, de son propre aveu. «Il ne faut jamais fermer de portes, mais disons qu’il faudrait que ce soit une offre irrésistible. Quoi de plus stimulant que d’amener une équipe à maturité ou de repartir un cycle de reconstruction?», a-t-il poursuivi.
C’est pour cette raison qu’il n’a jamais considéré de devenir directeur général. Il n’était donc pas un candidat potentiel chez les Tigres lorsque Yanick Jean a quitté pour les Saguenéens de Chicoutimi, ni même lorsque Jérôme Mésonéro a quitté pour l’Avalanche du Colorado. Bissonnette dit ne pas avoir la tête de l’emploi.
«J’adore ce que je fais. Je suis un homme plutôt low profile. Les amateurs voient le beau côté du rôle de directeur général, mais c’est beaucoup plus que ça. Derrière ce que l’on voit, il y a plusieurs facettes qui ne sont pas reliées au hockey. La gestion des budgets, les pensions, les agents et l’école, entre autres, sont une grande partie de la tâche. Ça fait assez longtemps que je vois les directeurs généraux à l’œuvre. Je suis certain que ce n’est pas fait pour moi», a-t-il lancé.
S’il acceptait une promotion, ce serait davantage au profit d’une formation de la Ligue nationale de hockey, mais encore… «Cette option serait davantage intéressante pour moi qu’un poste de directeur général dans la LHJMQ. Il reste que je me sens privilégié de pouvoir faire mon travail à temps plein», a enchaîné l’homme de hockey qui pratique, insiste-t-il, le plus beau métier du monde.
Alain Bissonnette, comme tous ses homologues, est dans le dernier droit en prévision du repêchage. Il multiplie les rencontres avec les espoirs. Le fait d’œuvrer à temps plein à titre de recruteur-chef lui permet, à la lumière de ses propos, de faire beaucoup plus d’entrevues individuelles que la moyenne. «Je rencontre près d’une centaine de patineurs admissibles au repêchage. Le fait de travailler à temps plein est un avantage certain. Lorsque j’assiste à un tournoi, je peux quitter plus tard. Alors que la plupart des recruteurs quittent le dimanche puisqu’ils travaillent le lundi, moi, je peux coucher une nuit de plus le dimanche et consacrer plus de temps au recrutement», a-t-il expliqué. La saison dernière, les Cataractes ont fait du défenseur Samuel Girard leur premier choix au troisième rang au total. Le petit arrière a connu une première campagne exceptionnelle dans la LHJMQ à .16 ans. Il a récolté 43 points en 64 matchs. Bissonnette admet que si Pascal Laberge, aujourd’hui avec les Tigres, avait toujours été disponible, il aurait possiblement jeté son dévolu sur lui au lieu de Girard. Laberge avait été réclamé au deuxième rang au total par les Olympiques de Gatineau. «Laberge figurait au premier rang sur notre liste. Un gros joueur de centre, c’est une rareté. On savait que Girard deviendrait aussi très bon, mais on ne se doutait pas qu’il s’adapterait aussi vite à la ligue. En raison de son gabarit (5’9 »), on pensait que ce serait plus difficile à un contre un et le long de la rampe. Or, grâce à son flair et sa mobilité, il s’est vite ajusté», a commenté le recruteur. Alain Bissonnette n’est pas seulement élogieux à l’endroit de son directeur général Martin Mondou. Il a également de bons mots pour l’entraîneur-chef Martin Bernard, qui a piloté les Tigres momentanément il y a quelques années. Selon le recruteur-chef, Bernard cadre parfaitement avec la philosophie de l’organisation. «L’esprit de famille et l’éthique de travail font partie de ses priorités. C’est exactement ce dont on avait besoin. Je l’ai vu jouer à 15 ans avec les Cantonniers de Magog. Il était un joueur de troisième trio qui se défonçait à chacune de ses présences. C’est le genre d’identité qu’on voulait donner à l’équipe», a-t-il expliqué. Lors du processus d’embauche, les Cataractes ont analysé la candidature d’une vingtaine de personnes. «Et Martin ne se fermait aucune porte. Il était même prêt à considérer les entraîneurs unilingues anglophones», a précisé Bissonnette. C’est finalement l’ancien pilote des Tigres qui a eu l’emploi. Alain Bissonnette file le parfait bonheur dans ses fonctions de recruteur-chef. Parmi les rares déceptions qui l’habitent, il compte le nouveau règlement de la Ligue canadienne de hockey qui empêche ses équipes de sélectionner un gardien de but européen lors de la sélection internationale annuelle. Il faut dire que les Cataractes viennent de connaître beaucoup de succès avec l’Allemand Marvin Cüpper, possiblement le meilleur Européen à avoir endossé les couleurs de l’équipe. «Oui, il faut développer les gardiens d’ici, mais les Européens permettent parfois de challenger les gars d’ici. Marvin, à titre d’exemple, a amené avec lui toute son expérience sur la scène internationale», a-t-il commenté. C’est Bissonnette qui a déniché Cüpper. Il avait aussi chaudement recommandé Anton Zlobin à son directeur général. Depuis deux ans, cependant, il a délaissé le dossier des joueurs européens, déjà surchargé par ses fonctions principales.