Les célébrités sur le ring : le son de cloche de Matthew Luneau

Depuis quelque temps, un phénomène prend d’assaut le monde de la boxe. En effet, des célébrités de différents horizons, par exemple les Youtubeurs Jake et Logan Paul, ont commencé à livrer des combats d’envergure internationale. Pour le boxeur et entraîneur victoriavillois Matthew Luneau, ce nouveau phénomène amène plus d’aspects négatifs que positifs à son sport.  

«Il y a deux côtés à la médaille avec ça. Ça amène beaucoup de visibilité à la discipline, ça, c’est certain. Le côté négatif cependant, c’est que ça enlève du sérieux. Pour ceux qui connaissent le sport, ça ne changera rien, mais pour les non-initiés…», a mentionné l’athlète de 20 ans.

Luneau explique que les personnes désireuses de boxer au niveau professionnel peuvent le faire dès l’âge de 18 ans. Les combats sont cependant sanctionnés pour éviter qu’il y ait un trop grand écart entre deux opposants. «En tant que tel, n’importe qui peut devenir professionnel du jour au lendemain. Chez nous, au Québec, on voit la boxe professionnelle comme le hockey, des sports où tu dois être repêché pour y jouer. La boxe, ce n’est pas comme ça. L’équivalent d’être repêché dans la boxe, c’est d’être signé par un promoteur. C’est le cas des bons boxeurs.»

Les promoteurs recherchent cependant des boxeurs qui seront en mesure de favoriser la vente de billets pour assister aux combats. C’est donc là que des célébrités d’Internet, comme Jake et Logan Paul, qui comptent des millions d’abonnés sur leurs différentes plateformes numériques, deviennent alléchantes. Au point de nuire à la visibilité d’étoiles montantes ou de boxeurs établis? «Je suis divisé. Les gens qui connaissent un minimum le sport savent faire la différence. C’est plus pour monsieur et madame Tout-le-Monde que ça peut changer quelque chose.»

Luneau donne l’exemple du premier combat de Logan Paul face à KSI. En sous-carte, il y avait Billy Joe Saunders, un champion du monde reconnu, qui était en action. «Ces boxeurs peuvent se faire voler leur place en tête d’affiche. C’est un danger monétaire pour ces gars-là, car ils pourraient être privés de combats plus payants, car c’est plus facile de prendre deux célébrités qui savent plus ou moins se battre.»

Dans les dernières semaines, l’ancien joueur de hockey Georges Laraque a notamment défié le légendaire boxeur des poids lourds Mike Tyson. Pour Luneau, de telles choses n’ont pas leur place dans le monde de la boxe. «Honnêtement, je trouve ça triste. C’est un coup de publicité. C’est un gars qui est à la retraite et qui veut se remettre sous le feu des projecteurs. Il ne devrait pas faire ça. Que Mike Tyson ait des combats d’exhibition, comme ce fut le cas contre Roy Jones Jr., je comprends ça, car il a tellement donné au sport. Il mérite de pouvoir faire ça. Ça, c’est mieux encadré, c’est plus sécuritaire. Il y a cependant deux mondes entre Georges Laraque et Mike Tyson. Ça a beau être deux gars très puissants, il y en a un qui sait se battre et un autre qui sait varger. Ce n’est pas la même chose.»

Des risques pour la santé personnelle

Certes, ces célébrités se livrent à des entraînements pour arriver au sommet de leur forme lorsque vient le moment de monter dans le ring. Malgré leur bon vouloir et le sérieux de leur démarche, ces personnes mettent leur vie en danger. Dans les dernières années, même un boxeur professionnel aguerri comme Adonis Stevenson était passé près de la mort à la suite de son combat face à Oleksandr Gvozdyk. Si Luneau fait valoir que la boxe de niveau amateur est trop bien encadrée pour qu’il y ait un danger, il concède que ça peut être le cas chez les professionnels. «Le plus dangereux, c’est les coups répétés. Ce qui est dangereux, c’est d’avoir 10 ou 12 rondes. À un moment, ton cerveau atteint sa limite quant à ce qu’il peut encaisser. Habituellement, tu ne dépasses pas ça en trois, quatre ou six rondes. Quand tu vas plus loin et que tu as encaissé de gros coups, c’est là que ça devient dangereux pour les commotions et même des caillots au cerveau.»

De par son essence, la boxe professionnelle a toujours été un sport dangereux. Ce n’est pas l’arrivée des célébrités qui a changé ça. «Dans la boxe, on monte des fiches. Les boxeurs qui ont du potentiel seront confrontés à des gars qui n’ont jamais boxé, mais qui sont prêts à se faire sacrer une volée pour un chèque de paie. La boxe professionnelle, c’est une business.»

Hâte que les combats puissent reprendre

Entraîneur de boxe au sein du programme sport-études de boxe à l’école secondaire Le boisé, Matthew Luneau a la chance de poursuivre l’entraînement de ses élèves. En dehors du sport-études, il est possible de faire des séances privées ou libres. Les combats sont évidemment interdits jusqu’à nouvel ordre. «Ça change toute la dynamique. La confiance que tu gagnes auprès d’un jeune quand tu es dans son coin pour un combat, ça ne se voit pas ailleurs. Le fait de ne pas pouvoir créer ce lien spécial, ça change la donne. Nous avons vraiment hâte que ça recommence afin que les jeunes soient plus motivés. Je les comprends, c’est une situation difficile pour tout le monde.»