Périnatalité: faire plus de place aux pères

MONTRÉAL — Plusieurs organismes réclament que les services offerts aux parents québécois en période de périnatalité accordent une plus grande place à la coparentalité et à l’engagement paternel.

Réunis au sein du Comité de travail national sur les pères et la périnatalité, ces organismes ont présenté lundi, dans le cadre de la Semaine de valorisation de la paternité, des propositions qui touchent notamment la trajectoire de services; les politiques publiques, les programmes et les mesures; la recherche; la formation; et la promotion sociétale.

Des pratiques coparentales plus harmonieuses et un engagement paternel accru, font valoir ces organismes, «contribuent à une plus grande égalité entre les femmes et les hommes, au partage de la charge mentale entre les mères et les pères et au meilleur développement des tout-petits».

À ce titre, le collectif cite un récent sondage Léger selon lequel 96 % des parents estiment que les services doivent être conçus pour soutenir les pères; 94 % des pères et 97 % des mères pensent que l’engagement accru des pères dès la conception permet de mieux partager la charge mentale liée à l’enfant; et 94 % des pères et 95 % des mères reconnaissent que cet engagement accru favorise un meilleur développement du bébé.

«Ce qu’on voit, c’est que dans les documents, dans les formulaires, dans les services, les pères sont toujours comme en retrait et ça, ça a des conséquences très concrètes, a dit Raymond Villeneuve, le directeur général du Regroupement pour la valorisation de la paternité. Nos services hiérarchisent un petit peu les parents et ce genre d’élément-là est présent à toutes les étapes de la trajectoire de services.»

L’idée, poursuit-il, n’est pas de créer «des services en parallèle» pour les pères, mais plutôt de mieux les intégrer aux services existants en adoptant «une nouvelle approche». Lors du suivi de grossesse, mentionne M. Villeneuve en exemple, le médecin pourrait s’intéresser à la santé (physique et mentale) du père ou même à celle du couple, et non seulement à celle de la mère.

La société change, a dit M. Villeneuve, la famille aussi, et les rôles au sein du couple ne sont plus ceux d’il y a cinquante ans. Le système actuel reflète probablement une époque où l’implication du père consistait essentiellement à mettre du pain sur la table, tout le reste appartenant plutôt à la mère.

«Les jeunes parents de 18 à 34 ans vont vous le dire: ‘nous autres, on veut être engagés les deux, on a à cœur d’être ensemble dans ce processus-là’, a-t-il dit. Il faut juste être concordants avec notre projet de société.»

Nouvelle réalité, nouvelle volonté

Cette nouvelle réalité nécessite une nouvelle organisation, plaide Alex Dubert, le directeur de l’organisme CooPÈRE, qui offre des activités qui favorisent le développement du lien père-enfant.

Puisque l’information et les services disponibles sont souvent axés vers la mère, puisque le père pourra peiner à trouver et à prendre sa place, il se retrouvera souvent «à la remorque» de la mère qui lui dira quoi faire, «alors que ce qu’il souhaite, c’est d’être en avant à tirer la remorque en même temps que la mère», a dit M. Dubert.

«On peut constater qu’il y a un changement de paradigme dans la volonté des pères, voire des parents, de voir la paternité se déployer», a-t-il ajouté.

Environ 25 pères se trouvaient dans le giron de CooPÈRE au moment de son lancement il y a 15 ans, a dit M. Dubert; l’organisme en rejoint aujourd’hui quelque 650, dont plusieurs qui cherchent «à s’outiller, à faire des apprentissages concrets, techniques, factuels, ils veulent des éléments pratico-pratiques».

Ce sont des choses «qu’ils ont du mal à retrouver quand on fait un cours prénatal classique parce qu’on est dans un univers très féminin, donc les modalités sont très différentes», a-t-il ajouté.

Le père d’aujourd’hui recherche des «environnements dédiés et sécuritaires» où il pourra s’exprimer sans crainte de jugement, où il pourra partager ses craintes et ses inquiétudes. Il a «besoin de partager, de parler, de nommer ce qu’il vit, de cheminer en fait sur ses émotions, parce que c’est confrontant», a dit M. Dubert.

«Le gars donne l’impression d’être un peu je-m’en-foutiste, un peu nonchalant vis-à-vis des enjeux, mais en vérité, il ne l’est pas du tout, a-t-il précisé. En vérité, il est très préoccupé par ce qui se passe. C’est juste qu’éventuellement, il n’a pas d’espace pour en parler, il n’a pas la capacité de le faire, il n’a pas la confiance pour le faire.»

Au chapitre de la formation, le Comité suggère ainsi d’«intégrer des contenus liés aux réalités paternelles et coparentales dans la formation de base ainsi que dans la formation continue des personnes intervenantes, afin qu’elles puissent dès le départ développer un ‘réflexe paternité’».

Des intervenants mieux formés à la réalité paternelle seraient ensuite plus en mesure d’offrir aux pères des interventions plus pertinentes et de mieux comprendre les réactions et les attitudes des pères, qui seront inévitablement différentes de celles des mères, a fait valoir M. Villeneuve.

«L’idée, c’est d’encourager le système à présenter des propositions de services qui adoptent d’autres postures», a complété M. Dubert.