Les conservateurs ravivent les appels à la démission du président Fergus

OTTAWA — Les conservateurs ont relancé mercredi les appels à la démission du président de la Chambre des communes, Greg Fergus, le jugeant partial après qu’il a, la veille, expulsé de la pièce leur chef, Pierre Poilievre, en raison de ses refus répétés de simplement retirer ses propos traitant le premier ministre Justin Trudeau de «cinglé».

«Il doit démissionner. C’est une honte», a lancé en avant-midi le député albertain Michael Cooper, en s’engouffrant dans la salle où allait se tenir la réunion du caucus conservateur.

M. Fergus n’a pas cédé aux nouvelles pressions de l’opposition officielle, si l’on se fie à son porte-parole, Mathieu Gravel, qui a déclaré en après-midi que «le président (…) n’a aucune intention de démissionner».

Le député conservateur Michael Barrett a reproché au président Fergus d’avoir une approche de deux poids, deux mesures, n’ayant pas sanctionné le premier ministre pour des «insultes personnelles» à l’endroit de son chef.

John Brassard, un ancien leader conservateur à la Chambre, a jugé particulièrement «indigne» que M. Trudeau «laisse entendre et infère que nous sommes d’une manière ou d’une autre des nationalistes blancs ou des racistes» sans qu’il n’y ait de conséquence.

«Pouvez-vous imaginer le chef ou le premier ministre d’un pays du G7 faisant référence ainsi au parti d’opposition?», a-t-il demandé aux journalistes. Selon lui, ce «langage non parlementaire» de M. Trudeau le rend «davantage fautif» que le chef conservateur.

M. Trudeau n’a pas répondu, dans la journée, aux questions des journalistes.

Les conservateurs, eux, n’ont pas déposé mercredi de motion visant à ce que la Chambre des communes montre la porte à M. Fergus.

Lors d’une précédente tentative en décembre dernier, le président s’était accroché après avoir obtenu une mince majorité d’appuis grâce aux libéraux et aux néo-démocrates.

Débats plus civilisés

C’était le jour et la nuit lors de la période des questions, mercredi, par rapport à celle de la veille. Tant le chef conservateur que son adversaire libéral ont baissé d’un ton, voire deux ou même trois, si bien que le président a encouragé les élus à «continuer dans cette veine positive».

Lors des débats, M. Poilievre a gardé le cap avec ses questions sur les opioïdes malgré que M. Trudeau, notant au passage son «nouveau ton plus raisonnable», lui a demandé de confirmer «qu’il n’appuie pas les extrémistes, les organisations de suprémacistes blancs comme Diagolon ou qu’il veuille leurs votes».

«Cela est encore une fois faux», lui a rétorqué le chef conservateur sans préciser davantage.

Le président a interrompu la députée libérale d’arrière-ban Anju Dhillon, alors qu’elle posait une question plantée au premier ministre qui semblait s’inscrire dans la même lignée d’accusations, lui demandant «d’arriver à une question qui relève de l’administration du gouvernement».

L’élue montréalaise a poursuivi en invitant M. Trudeau à dire «comment le gouvernement va protéger le gouvernement contre les groupes extrémistes et quelle est la responsabilité de tous les dirigeants politiques».

Mme Dhillon a été l’un des trois députés libéraux à poser une question sur ce même sujet à Justin Trudeau. Précédemment, et à plusieurs reprises, le premier ministre a traité de l’enjeu d’extrémisme de son propre chef, en répondant à des questions qui ne portaient pas sur cela.

Un mince appui

Bien que le chef du Bloc québécois, Yves-François Blanchet, se soit amusé mardi en affirmant que l’expulsion du chef conservateur était une décision de «gros bon sens», la formation politique maintient avoir perdu confiance dans le président.

Greg Fergus s’était fait reprocher d’avoir non seulement participé à un événement partisan après avoir été élu président, mais aussi d’avoir pris part dans son accoutrement de président et dans son bureau à un vidéo pour féliciter un ami, enregistrement qui a été présenté à un congrès du Parti libéral de l’Ontario.

«On a fait notre lit déjà depuis longtemps», a résumé le leader bloquiste à la Chambre, Alain Therrien, questionné à proximité d’un édifice du parlement. Il a ajouté que les événements de mardi «confirment» que M. Fergus peine à maintenir la paix aux Communes.

Au Nouveau Parti démocratique, où l’appui est décisif, le chef Jagmeet Singh a réitéré avoir confiance dans le président. Il a comparé M. Poilievre aux «intimidateurs» qui «n’ont pas le courage d’accepter la responsabilité pour leurs actions» lorsqu’ils sont rappelés à l’ordre.

Pour le chef adjoint, Alexandre Boulerice, M. Fergus a simplement «appliqué les règles» face à un chef conservateur qui «savait exactement ce qu’il faisait».

«C’est une espèce de coup monté où il voulait avoir l’air d’une victime, puis d’un martyr. D’ailleurs, un courriel de financement est parti tout de suite après», a-t-il insisté.

Dans les rangs libéraux, le leader en Chambre par intérim, Steven MacKinnon, a exposé aux journalistes sa lecture similaire de la situation. Il en a rajouté une couche en dressant un parallèle entre les conservateurs de M. Poilievre et le «livre de jeu de la droite populiste extrême partout dans le monde».

Il a, du même souffle, fait allusion à l’ex-président américain Donald Trump en évitant de le nommer. «Les conservateurs, (…) ils rentrent dans les institutions démocratiques, brisent les règles et, lorsqu’on fait un rappel à l’ordre, ils sortent et se disent victimes. (…) Vous aurez remarqué qu’il y a un autre leader qui a fait ça hier, sorti d’une Cour à New York, dire qu’il a été muselé», a lancé M. MacKinnon.

Interrogé à savoir si les libéraux jettent de l’huile sur le feu, le lieutenant de Justin Trudeau pour le Québec, Pablo Rodriguez, a plutôt défendu son chef en affirmant qu’il n’a fait qu’énoncer des faits.

«M. Poilievre est allé rencontrer des suprémacistes blancs, des gens de l’extrême droite. On demande juste qu’il les dénonce, il n’arrive pas à le faire. C’est un problème en soi», a-t-il déclaré.

Mardi, après avoir qualifié d’«honteux et sans colonne» le leadership de M. Poilievre, M. Trudeau en a profité pour faire allusion à la récente rencontre de ce dernier avec des manifestants qui auraient des liens avec l’extrême droite.

M. Rodriguez a, en répondant à une autre question en mêlée de presse mercredi, repris l’expression «jeter de l’huile sur le feu» pour la retourner contre M. Poilievre.

«(M. Fergus) a demandé cinq fois à M. Poilievre de retirer ses propos indignes d’un parlementaire et qui jettent de l’huile sur le feu», a dit celui qui est aussi ministre fédéral des Transports.

Greg Fergus a été élu sous la bannière libérale dans la circonscription de Hull-Aylmer, mais dans ses fonctions de président de la Chambre, il se doit d’être un arbitre impartial des travaux aux Communes.