Le plafond pour les émissions de la production pétrolière et gazière toujours attendu

OTTAWA — Le gouvernement libéral a dû retarder l’adoption d’une réglementation promise depuis longtemps pour plafonner les émissions de GES provenant de la production pétrolière et gazière au Canada en raison de deux récents jugements obligeant Ottawa à faire preuve de plus de prudence dans la politique climatique qui affecte les provinces, a soutenu vendredi le ministre de l’Environnement, Steven Guilbeault.

Le ministre est à Dubaï pour les négociations annuelles des Nations unies sur le pacte climatique mondial, qui se dérouleront au cours des deux prochaines semaines. 

Il a déclaré vendredi depuis les Émirats arabes unis qu’il s’attendait à ce que le Canada publie lors de cette COP-28 son cadre réglementaire concernant le plafond d’émissions, mais pas la réglementation elle-même.

La production pétrolière et gazière représente plus du quart des émissions totales de gaz à effet de serre (GES) du Canada, qui ont augmenté considérablement depuis 2005. Alors que les émissions provenant de la production de gaz naturel et de pétrole «conventionnel» ont diminué au cours de cette période, les émissions des sables bitumineux ont augmenté de 142 %. 

M. Guilbeault a clairement indiqué que sans des réductions substantielles des émissions dans le secteur pétrolier, le Canada ne pourra pas atteindre son objectif climatique national pour 2030, qui consiste à réduire les émissions de 40 à 45 % par rapport aux niveaux de 2005.

Plus tôt cette année, le ministre Guilbeault déclarait que les règlements concernant le plafond d’émissions de l’industrie des hydrocarbures – promis pour la première fois lors des élections de 2021 – se mettaient en place lentement parce qu’ils étaient extrêmement complexes. Il soulignait alors que le Canada était le seul grand producteur de pétrole et de gaz à envisager une telle politique de plafonnement.

En conférence de presse vendredi à Dubaï, il a soutenu que les récents jugements des tribunaux concernant la politique environnementale du gouvernement libéral ajoutaient à cette complexité.

La Cour suprême a invalidé en octobre certaines dispositions de la nouvelle loi fédérale régissant les évaluations d’impact environnemental des grands projets. Le plus haut tribunal du pays a conclu qu’Ottawa empiétait sur les champs de compétence des provinces. 

Le mois suivant, la Cour fédérale a de son côté invalidé la désignation par Ottawa des produits manufacturés de plastique comme étant des «substances toxiques» en vertu de la Loi canadienne sur la protection de l’environnement. Le tribunal a conclu que la catégorie des produits manufacturés de plastique était trop large pour une seule désignation. Mais le jugement touchait aussi à une certaine répartition des pouvoirs entre le fédéral et les provinces.

«Nos tribunaux nous ont dit que le gouvernement fédéral pouvait certes intervenir en matière de pollution, y compris la pollution climatique, mais qu’il fallait faire très attention à ne pas empiéter sur les compétences provinciales», a déclaré M. Guilbeault.

«(Cela) signifie que nous devons nous assurer que notre réglementation fait exactement cela: qu’elle s’attaque à la pollution sans empiéter sur les champs de compétence des provinces. Et c’est pour ça que ça prend un peu plus de temps que ce que nous avions peut-être initialement prévu.»

Pas de projet de règlement avant 2024

M. Guilbeault a déclaré vendredi qu’il avait espéré que tout soit fait plus tôt. Lors des négociations de la COP27 en Égypte, l’année dernière, il avait déclaré qu’un projet de règlement pourrait être prêt au printemps 2023 et que les versions définitives arriveraient d’ici la fin de cette année.

Depuis, le gouvernement a changé de discours. Il a commencé par dire qu’un «cadre» pour le plafond serait mis en place d’ici la fin de cette année. M. Guilbeault a déclaré vendredi que ce cadre indiquerait à quoi seront fixés les plafonds d’émissions et comment l’industrie pourra les respecter.

Le projet de règlement proprement dit n’est donc pas attendu avant 2024. Or, M. Guilbeault déclarait en septembre qu’il faudrait encore au moins un an après la publication du projet de règlement pour que les plafonds commencent à s’appliquer dans l’industrie.

Dans leur plateforme électorale de 2021, les libéraux promettaient de plafonner les émissions liées à la production pétrolière et gazière aux niveaux «actuels», mais ils n’ont jamais précisé où commencerait ce plafond ni jusqu’où il devrait descendre.

Le plan de réduction des émissions de l’année dernière, qui est la dernière feuille de route pour atteindre les objectifs du Canada d’ici 2030, prévoit que les émissions de pétrole et de gaz diminuent de 42 % par rapport aux niveaux de 2021. Mais le gouvernement avait déclaré à l’époque que ce n’était pas nécessairement le plafond.

L’industrie a déclaré à plusieurs reprises qu’elle ne pouvait pas atteindre cet objectif sans réduire la production, et la première ministre de l’Alberta, Danielle Smith, a déclaré qu’elle contesterait tout plafond d’émissions imposé au secteur.

Mme Smith et M. Guilbeault, qui se sont affrontés à plusieurs reprises ces derniers mois, devraient se rencontrer en personne à Dubaï.

M. Guilbeault a déclaré vendredi que des réglementations visant à réduire les émissions de méthane du secteur pétrolier et gazier pourraient également être adoptées lors de cette COP28. Le Canada a mis en place une réglementation sur le méthane qui prévoit une réduction de 40 à 45 % des émissions provenant de la production pétrolière et gazière d’ici 2030, mais Ottawa a l’intention de porter cette réduction à 75 %.

Le ministre a déclaré que cette politique à elle seule jouerait un rôle énorme dans la réduction des émissions globales de pétrole et de gaz. «Collectivement, à l’échelle mondiale, si nous sommes ambitieux dans nos efforts pour lutter contre les émissions de méthane, nous pourrions réduire de près de 1°C le réchauffement potentiel d’ici 2100», a-t-il déclaré. 

«C’est énorme. Et nous avons la technologie pour le faire, et il y a une véritable volonté mondiale pour le faire.»