Le juge Russell Brown, de la Cour suprême du Canada, démissionne

OTTAWA — Le juge Russell Brown a annoncé lundi sa retraite de la Cour suprême du Canada, ce qui met fin à l’enquête du Conseil canadien de la magistrature concernant des allégations de mauvaise conduite lors d’un banquet en Arizona, en janvier dernier. 

Le Conseil de la magistrature a précisé qu’en vertu de la loi, il n’a plus compétence à l’égard de la plainte déposée contre M. Brown sur les allégations de mauvaise conduite. Puisque M. Brown n’est plus juge, ces procédures sont donc terminées, indique le Conseil. 

M. Brown a vigoureusement nié les allégations selon lesquelles il était en état d’ébriété et avait harcelé des gens lors d’un événement organisé dans un complexe hôtelier haut de gamme à Scottsdale, en Arizona.

«Bien que mon avocat et moi-même soyons convaincus que la plainte aurait finalement été rejetée, ce retard persistant n’est dans l’intérêt de personne — ni de la Cour, ni du public, ni de ma famille, ni de moi-même», a expliqué lundi M. Brown dans un communiqué.

Le ministre fédéral de la Justice a déclaré que le processus de nomination d’un nouveau juge à la Cour suprême serait lancé «dans les prochains jours». 

M. Brown, qui avait été nommé juge à la Cour suprême en 2015 par le premier ministre Stephen Harper, était en congé depuis le 1er février, en attendant le résultat de l’examen du Conseil de la magistrature. Son congé n’avait été annoncé que le 7 mars.

Banquet pour Louise Arbour

M. Brown avait prononcé une allocution à Scottsdale lors d’un événement organisé par l’université d’État de l’Arizona en l’honneur de Louise Arbour, ancienne juge de la Cour suprême et défenseure des droits de la personne.

Selon un rapport de police obtenu par La Presse Canadienne, le policier qui a répondu à l’appel a enregistré son arrivée au centre de villégiature vers 1 h 30 du matin, le 29 janvier.

Selon ce rapport de police, Jon Crump accuse M. Brown, en état d’ébriété, d’avoir «dragué» ses amies. M. Crump affirme que M. Brown a suivi leur petit groupe jusqu’à leur chambre d’hôtel. Il a ensuite donné «plusieurs coups de poing» au juge pour l’empêcher d’entrer. 

La police a souligné que M. Crump était «hostile (et) antagoniste» et le policier qui l’a interrogé a écrit qu’il pensait qu’il était «sous l’influence de l’alcool». La police n’a pas été en mesure d’interroger M. Brown, mais a estimé qu’aucun délit n’avait été commis.

Lorsque Postmedia a souligné son absence inexpliquée du plus haut tribunal, M. Brown a publié une déclaration dans laquelle il qualifiait la version de M. Crump de «manifestement fausse». Il soutenait qu’il avait été invité à se joindre au groupe avant une «agression non provoquée».

«À l’extérieur du salon, M. Crump s’est opposé à ce que je rejoigne le groupe et soudain, sans avertissement ni provocation, il m’a donné plusieurs coups de poing à la tête. Pris par surprise, je n’ai pas pu me défendre», a soutenu M. Brown. Dans sa déclaration de lundi, il précise qu’il a autorisé ses avocats à divulguer des preuves qui «réfutent les affirmations faites à mon encontre».

«Un plan calculé»

«Les preuves découvertes au cours de l’enquête sur la plainte ont démontré que les allégations du plaignant étaient truffées de contradictions flagrantes, d’inexactitudes et d’embellissements», ont écrit les avocats Brian Gover et Alexandra Heine dans leur propre déclaration.

Ils soutiennent que les preuves montrent un «plan calculé par le plaignant pour concocter un récit dans lequel le juge Brown était l’agresseur — pour ‘prendre de l’avance’, selon les termes de l’un des proches du plaignant».

Selon les avocats, ces preuves comprennent des vidéos de surveillance, des témoignages du barman de l’hôtel et d’un agent de sécurité, un appel téléphonique au 911 et d’autres éléments.

Ni M. Crump ni les autres membres de son petit groupe n’ont répondu aux demandes de commentaires de La Presse Canadienne.

Le juge en chef Richard Wagner a déclaré que la Cour suprême continuerait à rendre des décisions en l’absence de M. Brown, mais il demande au premier ministre Justin Trudeau de «déployer tout le soin et la diligence nécessaires pour nommer un nouveau ou une nouvelle juge de la Cour suprême du Canada dans les meilleurs délais».

Depuis le 1er février, la Cour siège à cinq ou sept juges, comme le prévoit la Loi sur la Cour suprême. La Cour a d’ailleurs couramment siégé à neuf, sept ou cinq juges depuis de nombreuses années, souligne-t-on.

«Au nom de la Cour, j’aimerais reconnaître la contribution du juge Brown au cours des huit dernières années, et je lui souhaite le meilleur dans ses projets futurs», a souligné par ailleurs le juge en chef Wagner.