Le Canada veut «en faire plus» pour Haïti alors qu’une intervention se prépare

OTTAWA — Le Canada a pris note de l’approbation par le Conseil de sécurité des Nations unies d’une mission multinationale en Haïti menée par le Kenya et est déterminé à «en faire plus» pour aider le peuple haïtien, soutient la ministre des Affaires étrangères, Mélanie Joly, sans préciser quelle forme d’implication Ottawa pourrait envisager.

«Nous prenons note de ce qui s’est passé au Conseil de sécurité hier. Vous savez que le Canada a toujours été impliqué sur les questions liées à Haïti. Nous allons continuer de l’être», a-t-elle dit mardi en mêlée de presse.

Mme Joly a rappelé que le Canada a annoncé, en mars dernier, un financement supplémentaire de 100 millions $pour renforcer les capacités de la police nationale d’Haïti.

«Mais nous voulons en faire plus. Alors, par conséquent, nous allons continuer (nos) conversations diplomatiques et je vous dirais que nous allons continuer aussi à soutenir des solutions qui sont par et pour les Haïtiens», a-t-elle poursuivi.

La ministre a mentionné s’être entretenue, lundi, avec l’ambassadeur du Canada à l’ONU, Bob Rae, ainsi qu’avec son vis-à-vis kenyan, Alfred Mutua, avec qui elle est «en contact de façon très régulière».

Le Conseil de sécurité de l’ONU a voté, ce jour-là, pour l’envoi en Haïti d’une force multinationale dirigée par le Kenya afin de lutter contre les gangs violents dans ce pays des Caraïbesen proie à une crise d’insécurité.

La résolution autorise le déploiement de la force pour une durée d’un an, avec un réexamen au bout de neuf mois. Ce serait la première fois qu’une telle mission est déployée en Haïti depuis celle approuvée par l’ONU il y a près de 20 ans.

Alors que l’ampleur de l’intervention doit encore être précisée, la Jamaïque, les Bahamas et Antigua-et-Barbuda se sont déjà engagés à épauler le Kenya avec l’envoi de personnel. L’administration américaine de Joe Biden a aussi promis de fournir de la logistique et 100 millions $ US.

Le Canada n’a, pour sa part, pas précisé quel rôle il pourrait jouer. Washington a, par le passé, demandé à Ottawa de mener une telle mission multinationale. La demande pour une telle force est d’abord venue du premier ministre haïtien non élu, Ariel Henry, il y a près d’un an.

Le premier ministre Justin Trudeau a, depuis, insisté à plusieurs reprises sur les échecs des interventions onusiennes antérieures, de même que sur la volonté du Canada d’éviter de refaire des erreurs qu’il a commises par le passé.

En mars, le chef d’état-major de la Défense, le général Wayne Eyre, a dit que les Forces armées canadiennes n’avaient pas les ressources pour être à la tête d’un déploiement militaire en Haïti.

Aux yeux du député libéral Emmanuel Dubourg, l’envoi de soldats canadiens n’est, en fait, pas du tout dans les cartons. «Je dirais que non, mais, par contre, (au niveau de) l’assistance technique à partir d’ici ou à partir des pays avoisinants, je pense que oui, le Canada peut jouer un rôle», a dit mardi l’élu d’origine haïtienne. 

Il ne fait aucun doute, selon lui, que le Canada s’impliquera dans la mission menée par le Kenya. Questionné sur le fait que la population haïtienne s’est montrée divisée face à l’idée de l’envoi d’une force multinationale, M. Dubourg a répondu qu’il estime que cela appartient au passé.

«C’est vrai qu’au début les Haïtiens ne souhaitaient pas avoir de bottes, comme on dit, de l’armée sur le terrain, mais avec le temps, on voit tout ce que les ces gangs criminels là font comme crimes, donc c’est important que maintenant ils acceptent, d’une certaine façon, que ces gens-là viennent (prêter) main-forte parce que la police nationale d’Haïti ne peut pas à elle seule résoudre ce problème», a-t-il dit.

Le porte-parole bloquiste en matière d’affaires étrangères, Stéphane Bergeron, croit que le fait que la mission proposée par le Kenya ait obtenu l’aval du Conseil de sécurité de l’ONU «dédouane peut-être un certain nombre de critiques à l’égard de l’idée même» d’une intervention internationale.

«J’imagine que le gouvernement canadien examine les meilleures avenues pour apporter la contribution qui soit la plus pertinente et utile, et j’ose espérer que c’est ce qu’on fait actuellement dans les officines gouvernementales: non pas de s’interroger (à savoir si) on doit ou non prendre part à cette mission, mais plutôt s’interroger sur (la) façon (dont on) doit y prendre part», a-t-il soutenu.

Aucune date de déploiement n’a été fixée pour la mission menée par le Kenya. Le ministre Mutua a indiqué à la BBC que la force devrait être en Haïti dès le 1er janvier 2024, «si ce n’est pas avant».

– Avec Dylan Robertson, La Presse Canadienne et avec l’Associated Press