Le Canada traverse une crise des soins aux enfants, prévient un nouveau rapport

MONTRÉAL — L’organisme pancanadien de défense de la santé des enfants, Santé des enfants Canada, tire la sonnette d’alarme en ce qui concerne les soins aux enfants et aux adolescents au pays. Il appelle le gouvernement fédéral à agir et à donner plus de financement aux provinces pour les aider. 

Santé des enfants Canada regroupe des experts de la santé pédiatrique de partout au pays. Sur le conseil d’administration, on retrouve notamment des personnes provenant du CHU de Québec-Université Laval, du CHU Sainte-Justine et de l’Hôpital Shriners pour enfants du Canada, situé à Montréal. 

Dans un rapport publié lundi, l’organisme dresse un portrait médiocre des soins prodigués aux enfants. Il indique que le Canada était classé en 2010 parmi les 10 meilleurs pays de l’Organisation pour la coopération et le développement économiques (OCDE) pour ses résultats sur la santé des enfants. Or, la position du Canada a chuté à la trentième place sur 38 pays, selon le Bilan Innocenti 16 de l’Unicef de 2020.

«Les organismes de soins de santé qui s’occupent des enfants et des jeunes font face à une demande de services sans précédent», souligne le rapport. De plus, la pénurie de personnel rend difficile de répondre à la demande d’une population croissante d’enfants et d’adolescents qui ont des besoins médicaux complexes. 

L’organisme exhorte le gouvernement fédéral à faire de la santé et du bien-être des enfants une priorité au pays, notamment en créant un poste d’administrateur en chef de la santé des enfants. 

Il recommande également à Ottawa de réserver des enveloppes budgétaires protégées pour que les provinces et les territoires renforcent leurs systèmes de santé pédiatriques dans tout le continuum des soins, y compris dans la recherche.

«Les voix de toutes les personnes qui travaillent de près ou de loin avec les enfants, en commençant par les familles et les jeunes eux-mêmes, disent qu’il y a un souci majeur au Canada. Et il est hors de question que ceci disparaisse dans des différends sur les juridictions fédéral-provincial. (…) On ne s’adresse pas plus à l’un qu’à l’autre, mais il est clair que dans un sujet comme celui-ci, l’idée de ne pas collaborer est absolument sans bon sens», a déclaré lundi lors d’un breffage Anne Monique Nuyt, cheffe au département de pédiatrie du CHU Sainte-Justine. 

Elle a fait valoir que les transferts en santé du fédéral ne se sont pas concrétisés pour beaucoup de provinces dans les soins pédiatriques. Seulement l’Ontario et la Nouvelle-Écosse ont utilisé les transferts en santé du fédéral pour investir dans la pédiatrie, indique Santé des enfants Canada. 

«Et devant la crise actuelle, pour nous, qui soignons les enfants, on est tout simplement incrédule que les choses n’avancent pas et qu’au bout du compte, ce sont les enfants qui ne reçoivent pas ce qu’ils devraient recevoir», dénonce Mme Nuyt. 

Elle réitère que le gouvernement du Canada doit lancer une stratégie nationale pour l’enfance avec des cibles claires à atteindre. «Cela nécessitera des fonds réservés et un rapport public qui mesure le progrès qui est fait», précise-t-elle. 

Il faut également faciliter la collecte de données fiables, identifier et intervenir tôt et sans délai pour répondre aux besoins de santé des enfants, «particulièrement pour la santé mentale et le développement des enfants», indique Mme Nuyt. 

La santé est de juridiction provinciale, reconnaît la cheffe du département pédiatrique du CHU Sainte-Justine. «Mais le gouvernement fédéral est un grand bailleur de fonds des soins de santé. Il a un rôle important à jouer pour catalyser et appuyer la transformation du système», dit-elle. 

Ressources insuffisantes 

Julia Hanigsberg,PDG de Holland Bloorview Kids Rehabilitation Hospital,a fait savoir qu’un collègue qui s’occupe d’un centre hospitalier dans le sud de l’Ontario lui a indiqué qu’il y a plus de lits de soins intensifs dans cet hôpital qui dessert les adultes qu’il n’y a de lits pédiatriques dans toute la province de l’Ontario. «Ceci a vraiment cristallisé le fait pour moi que quelque chose cloche. La taille des soins aux enfants n’est pas proportionnelle aux besoins. Ceci est une crise», affirme-t-elle. 

«Dans ma région à Toronto, mon hôpital fonctionne à plus de 100 % de sa capacité et ceci n’est pas particulier à l’Ontario, c’est une situation vécue partout au pays», poursuit Mme Hanigsberg. 

Elle signale par ailleurs que les enfants autochtones sont davantage touchés par la crise. Elle explique que les enfants qui vivent en région éloignée ou sur des réserves subissent de façon disproportionnée les lacunes en investissement des soins de santé aux enfants. 

Selon la PDG, cela requiert une approche innovante et une collaboration entre les Premières Nations, le gouvernement fédéral et les provinces. «Les enfants autochtones sont souvent les victimes des désaccords entre les gouvernements pour savoir à qui revient la facture. Ça ne devrait jamais être le cas dans un pays riche comme le Canada», plaide-t-elle. 

Emily Gruenwoldt, présidente et directrice générale de Santé des enfants Canada, a mentionné dans un communiqué que «les résultats en matière de santé des enfants au Canada se dégradent d’année en année». 

«Nous avons l’obligation morale et financière d’agir pour inverser cette tendance, pour nos enfants et pour notre avenir collectif. C’est le moment ou jamais», a-t-elle déclaré. 

Santé des enfants Canada espère que le gouvernement fédéral dirigera la stratégie nationale qu’il réclame et qu’il impliquera les provinces dans ce processus. 

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