L’aide fédérale à Volkswagen ne sera pas imposable, afin de concurrencer Washington

OTTAWA — Chrystia Freeland a déclaré mercredi que son gouvernement prévoyait d’exonérer d’impôt les subventions à la production qu’il offre à Volkswagen, afin de correspondre aux mesures incitatives offertes par la loi américaine sur la réduction de l’inflation.

La ministre fédérale des Finances a eu ces commentaires après que le directeur parlementaire du budget (DPB) a publié, mercredi matin, un rapport sur le contrat exclusif conclu par Ottawa avec le géant allemand de l’automobile Volkswagen pour la construction d’une usine de batteries de véhicules électriques dans le sud-ouest de l’Ontario. 

Le rapport du DPB conclut que cet accord coûtera au gouvernement fédéral jusqu’à 16,3 milliards $ au cours des dix prochaines années. 

Or, cette estimation est supérieure à ce que le gouvernement fédéral avait prévu dépenser en fonds publics — soit une contribution initiale de 700 millions $, dans le cadre du Fonds stratégique pour l’innovation, et jusqu’à 13,2 milliards $ en crédits d’impôt à la production par la suite. 

L’estimation du DPB comprend la contribution de 700 millions $ pour la construction de l’usine et 12,8 milliards $ en soutien à la production. Mais le directeur parlementaire du budget estime que pour que les subventions à la production soient équivalentes aux mesures incitatives offertes par les États-Unis, Ottawa devrait procéder à des ajustements fiscaux totalisant 2,8 milliards $. 

C’est que Washington offre des crédits d’impôt à la production qui ne sont pas imposables, alors qu’en vertu de la fiscalité actuelle, les subventions canadiennes devraient être imposées.

«Les crédits d’impôt [de la loi américaine sur la réduction de l’inflation] ne sont pas imposables, et il est donc logique que le traitement de nos mesures incitatives, qui visent à uniformiser les règles du jeu, soit comparable. Et c’est ainsi que nous allons procéder», a déclaré la ministre Freeland aux journalistes, mercredi. Elle a déclaré que son gouvernement modifierait la loi fiscale actuelle pour exonérer d’impôt ces subventions.

«Inacceptable», dit le Bloc

Le rapport du DPB publié mercredi fournit par ailleurs une analyse financière et économique de la phase de construction de l’usine, dont «les retombées sont marginales», laissant de côté la phase d’exploitation. 

Yves Giroux affirme que son bureau n’est pas en mesure d’entreprendre une analyse des coûts et des avantages découlant de l’exploitation de l’usine tant qu’il n’aura pas reçu l’autorisation du gouvernement fédéral et de Volkswagen. Il explique que l’accord comporte des informations confidentielles concernant les niveaux de production minimum, qui ne peuvent être divulgués directement ou indirectement.

«Il est très difficile d’évaluer [les coûts et les avantages découlant de l’exploitation de l’usine] sans faire d’autres analyses et sans être relevé des dispositions de confidentialité qui couvrent le calendrier de production», a expliqué M. Giroux lors d’un point de presse mercredi matin.

L’analyse de la seule phase de construction prévoit que l’accord créerait un pic de 3100 emplois au début de 2026, mais ce chiffre tomberait à 1400 d’ici la fin de 2027.

Le gouvernement fédéral a annoncé en avril les détails de cet accord, qui verrait Volkswagen construire sa première giga-usine à l’extérieur de l’Europe. Ottawa promettait que cette usine créerait jusqu’à 3000 emplois directs et 30 000 emplois indirects.

La ministre Freeland a par ailleurs précisé mercredi matin qu’elle n’avait pas encore analysé le rapport du DPB, mais elle a assuré que cet accord avait été pris en compte dans le plus récent budget fédéral. 

Le chef du Bloc québécois, Yves-François Blanchet, a quant à lui demandé à la ministre Freeland, mercredi, de revoir cette entente qui était déjà «étonnante» avant même les estimations à la hausse du DPB. 

«Onze millions de dollars par emploi créé, avec pour effet principal (…) de soutirer une filière batteries qui est profondément québécoise dans son essence, pour l’amener vers l’industrie automobile de l’Ontario (…) tout ça est inacceptable», a-t-il indiqué dans une déclaration préliminaire, avant de répondre aux questions des journalistes.