Justin Trudeau parlera de l’ingérence étrangère et de l’invasion de l’Ukraine au G20

SINGAPOUR — L’ingérence étrangère au Canada et l’invasion de l’Ukraine par la Russie sont deux questions prioritaires pour le premier ministre Justin Trudeau au sommet de deux jours des dirigeants du G20, samedi et dimanche en Inde.

Le changement climatique, la sécurité alimentaire et énergétique mondiale et l’égalité des genres figurent également en bonne place à l’ordre du jour du sommet, mais l’invasion russe pourrait empêcher les dirigeants des plus grandes économies mondiales de parvenir à une déclaration de consensus à la fin de ce G20. 

M. Trudeau a déjà fait part de sa déception que le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, n’ait pas été invité à New Delhi ou au moins à prendre la parole à distance, et il a promis de maintenir le dossier ukrainien à l’ordre du jour. «Nous parlerons fermement en votre faveur», a promis M. Trudeau au président Zelensky lors d’un appel vidéo le 24 août.

M. Zelensky s’était adressé à distance au sommet du G20 à Bali, l’année dernière, mais le premier ministre indien, Narendra Modi, cherche à mettre davantage l’accent sur les impacts mondiaux de cette guerre sur les chaînes d’approvisionnement et l’énergie, et à éviter autant que possible les tensions géopolitiques.

M. Modi cherche également à faire des besoins de développement dans les pays du Sud un élément clé des négociations — il fait ainsi pression pour que l’Union africaine devienne membre du G20.

Un tête-à-tête de 10 minutes 

M. Trudeau aura par ailleurs un bref entretien en tête-à-tête avec M. Modi, dimanche, en marge du sommet, où il devrait faire part de ses inquiétudes concernant l’ingérence étrangère dans la politique canadienne. L’Inde n’a confirmé ce bref entretien qu’après l’atterrissage de M. Trudeau à New Delhi vendredi, et il ne s’agira que d’une conversation de 10 minutes pendant une pause du sommet, plutôt que d’une réunion bilatérale formelle.

L’Inde, aujourd’hui le pays le plus peuplé du monde, occupe une place importante dans la région indo-pacifique, où le Canada cherche à étendre sa présence commerciale, tout en réduisant l’influence croissante de la Chine dans ses chaînes d’approvisionnement.

Mais au printemps dernier, la conseillère à la sécurité nationale du premier ministre, Jody Thomas, a décrit l’Inde comme l’une des principales sources d’ingérence étrangère au Canada, notamment pour contrer au sein de la communauté sikhe au Canada les appuis à l’indépendance du Pendjab.

M. Trudeau avait plus tôt promis vendredi qu’il soulèverait la question de l’ingérence étrangère s’il obtenait une rencontre avec M. Modi. «Comme toujours, nous soulignerons l’importance de l’État de droit», déclarait M. Trudeau lors d’une conférence de presse à Singapour, avant de s’envoler vers New Delhi.

La Chine n’est pas le seul pays qui mérite un examen minutieux en matière d’ingérence étrangère, a déclaré M. Trudeau, dont le gouvernement libéral a annoncé jeudi une commission d’enquête publique très attendue sur les activités présumées de la Chine au Canada.

«Il est extrêmement important que nous continuions à protéger les Canadiens contre tout type d’ingérence, a déclaré M. Trudeau. L’une des choses sur lesquelles nous nous concentrons dans cette enquête est de reconnaître que, oui, la Chine et la Russie sont responsables d’ingérence, mais que d’autres pays s’y engagent également», a-t-il indiqué, ajoutant que la commission «ira là où les faits l’amèneront».

Bien que la COVID-19 ait figuré en bonne place dans les discussions lors des derniers sommets du G20, il ne fallait pas s’attendre à ce que ce sujet domine à nouveau les discussions à New Delhi. Mais la délégation canadienne n’a pas échappé à la résurgence du coronavirus: quatre membres de cette délégation en Asie cette semaine ont été déclarés positifs.

Ces responsables ont été contraints de rester sur place après les escales en Indonésie et à Singapour. Un porte-parole du premier ministre n’a pas voulu fournir d’autres commentaires pour respecter la vie privée des individus. M. Trudeau a été déclaré négatif.

Un communiqué final difficile

Un sommet du G20 se termine normalement par une longue déclaration commune répertoriant tous les domaines où les plus grandes économies du monde conviennent de collaborer. Mais parvenir à un tel accord devient de plus en plus ardu.

La Chine et la Russie, dont les dirigeants boudent le sommet et y délèguent des émissaires, ont déjà rejeté toute référence à une condamnation de l’invasion de l’Ukraine.

Il n’est pas clair si le Canada, les États-Unis et d’autres alliés du G7 accepteront une déclaration finale sans nouvelle condamnation. Le premier ministre britannique, Rishi Sunak, a déclaré qu’il avait l’intention de pousser les dirigeants du G20 à adopter une position plus ferme contre l’invasion russe.

Le haut-commissaire indien au Canada, Sanjay Kumar Verma, a expliqué que l’Ukraine n’avait pas été invitée parce que M. Modi souhaitait se concentrer sur les pays en développement, qui pourraient détenir la clé pour résoudre les problèmes de mondialisation.

«Nous pensons que le G20 est une plateforme à travers laquelle nous pouvons essayer de résoudre les problèmes des pays en développement», a déclaré M. Verma à La Presse Canadienne.

Il a également souligné que l’invasion russe de l’Ukraine n’en était «qu’une parmi d’autres» dans le monde. «Souvent, les discours internationaux se concentrent sur une question et pas sur d’autres. Il y a eu un conflit, une guerre civile en Éthiopie. Il y a toujours une guerre civile au Soudan. Il y a des famines au Congo, au Tchad, au Niger. Il y a donc de nombreux autres points chauds semblables dans le monde», a-t-il souligné.

M. Trudeau a aussi précisé aux journalistes vendredi que le G20 n’avait jamais été un G7, qui est un rassemblement de pays partageant les mêmes idées et les mêmes valeurs.

«Le G20 n’a jamais été une affaire de partage de valeurs ou d’alignement: il s’agit d’un forum, un forum vraiment important, créé en grande partie (…) pour se réunir et discuter de la façon dont (on peut) façonner collectivement la quasi-totalité de l’économie mondiale», a soutenu M. Trudeau.

— Avec des informations de Dylan Robertson, à Ottawa, et l’Associated Press.