François Legault ressuscite les espoirs du 3e lien

QUÉBEC — Après sa défaite cinglante dans Jean-Talon lundi soir, le premier ministre François Legault – visiblement ébranlé – dit maintenant qu’il veut consulter la population de Québec sur le troisième lien. Et toutes les options sont sur la table, ce qui signifie qu’on pourrait voir le retour du volet autoroutier du projet. 

«On a eu un message hier. Les citoyens ne sont pas satisfaits du gouvernement de la Coalition avenir Québec (CAQ) et je pense qu’il y a un lien avec le troisième lien», a affirmé le premier ministre en point de presse à l’Assemblée nationale, mardi. 

Arguant que la décision de l’abandon du troisième lien autoroutier avait fait très mal à son gouvernement, M. Legault affirme qu’il veut voir ce que la population a à lui proposer. «Il n’y a rien d’exclu», a indiqué le premier ministre. 

Le Parti québécois (PQ) a obtenu une victoire décisive contre la CAQ lundi soir. Les derniers chiffres d’Élections Québec indiquent que Pascal Paradis a obtenu 44 % des votes contre 21 % pour sa plus proche rivale, Marie-Anik Shoiry. 

Argumentant que l’achalandage post-pandémie ne justifiait plus un tel projet, le gouvernement a annoncé en avril dernier qu’il renonçait au volet autoroutier pour plutôt opter pour un tunnel réservé au transport en commun. C’est d’ailleurs la ministre des Transports, Geneviève Guilbault, qui a eu la lourde responsabilité d’annoncer la décision du gouvernement.

Mardi, elle se rangeait derrière son chef. «L’important, c’est d’entendre le message et de consulter les gens et voir ce qu’ils ont à nous dire», a-t-elle dit. 

«Il faut voir ce qu’il y a derrière le lien de confiance qui est ébranlé», a pour sa part affirmé le ministre de la Capitale-Nationale, Jonatan Julien. 

Le recul du gouvernement sur le troisième lien avait provoqué de vives réactions. Le ministre de l’Éducation, Bernard Drainville, s’était excusé à ses électeurs les larmes aux yeux. Le maire de Lévis, Gilles Lehouillier, favorable au projet, s’était dit sidéré par la décision de la CAQ. 

Le premier ministre a toujours refusé de qualifier sa volte-face de promesse brisée et avait assuré que la nouvelle mouture du projet était un engagement ferme. 

Le fédéral ne s’est jamais montré très chaud à l’idée de financer le projet du troisième lien autoroutier. 

«C’est n’importe quoi!»

Les partis d’opposition n’ont pas tardé à réagir aux déclarations du premier ministre. 

«C’est n’importe quoi! François Legault qui ouvre à nouveau la porte à un troisième lien autoroutier. Comme pour de nombreux enjeux, le premier ministre est difficile à suivre. Il tire dans toutes les directions. En fait-il une autre promesse?! Que vaut sa parole aujourd’hui?», a lancé le chef libéral Marc Tanguay. 

«Le premier ministre a-t-il vraiment compris le message? Au-delà du fond des décisions, c’est surtout cette habitude de ne pas respecter l’intelligence des gens qui a été sanctionnée par les citoyens hier. Aujourd’hui, il récidive: une énième démonstration que ses décisions sont prises sur le coin d’une table, sur rien d’autre que l’humeur du moment. Comment expliquer que cette consultation n’a jamais été évoquée lors de la partielle?», s’est demandé le chef péquiste Paul St-Pierre Plamondon.  

Le député solidaire Sol Zanetti affirme que le gouvernement n’a plus aucune crédibilité sur la question du troisième lien. «Je pense que tout le monde dans le cabinet Legault devrait prendre une grande respiration», a-t-il affirmé. 

Le PQ veut plus de questions

Avec l’arrivée d’un nouvel élu dans ses rangs, Pascal Paradis, le PQ espère pouvoir questionner davantage le gouvernement à l’Assemblée nationale. 

«Étant donné qu’on élargit le groupe, on espère obtenir plus de questions. On pourrait maintenant obtenir une question par jour. (…) On pense qu’on va l’obtenir avec l’arrivée de Pascal Paradis, un député de plus», a affirmé Paul St-Pierre Plamondon. 

QS et le Parti libéral du Québec (PLQ) n’ont pas voulu commenter la demande du PQ d’avoir plus de questions, affirmant que cela relevait des leaders de leurs partis respectifs. Le leader du gouvernement, Simon Jolin-Barrette, ne s’est pas non plus avancé, arguant que la discussion devait avoir lieu entre les partis d’opposition.  

Il s’agit d’une victoire historique pour le PQ, puisque jamais un candidat péquiste n’a été élu dans Jean-Talon. La formation politique n’avait pas gagné d’élection complémentaire depuis décembre 2016. Presque entièrement rayé de la carte, il ne comptait que sur trois députés à l’Assemblée nationale, avant qu’un vent de sympathie ne le propulse récemment dans les sondages d’opinion.

Analyse de la défaite 

La journée de mardi a aussi été l’occasion pour les deux autres oppositions de faire leur analyse de leur défaite. QS affirme ne pas avoir réussi à faire sortir suffisamment le vote des jeunes. «Selon nos premières estimations, les jeunes ont voté à peu près deux fois moins que les 65 ans et plus», a affirmé le chef parlementaire solidaire, Gabriel Nadeau-Dubois. 

Le candidat OIivier Bolduc – qui en était à sa troisième tentative dans Jean-Talon – a terminé en troisième place alors qu’il avait obtenu la deuxième lors du dernier scrutin en 2022.

Le chef libéral intérimaire, Marc Tanguay, dit assumer pleinement la défaite se son parti dans Jean-Talon, mais affirme du même souffle qu’il interprète le résultat de lundi comme un «vote fort contre la CAQ». 

«Les gens de Jean-Talon ont envoyé un message très clair au gouvernement caquiste. Et en ce sens-là, ça explique, pour beaucoup, la victoire du PQ», a affirmé M. Tanguay. 

Jean-Talon était un château fort libéral jusqu’à l’arrivée de la caquiste Joëlle Boutin en 2019. En 2022, les libéraux ont fini en quatrième place avec 14 % des votes. Lundi, la candidate Élise Avard Bernier n’en a obtenu que 9 %.