Des preuves admissibles malgré des enjeux liés à la Charte, tranche la Cour suprême

OTTAWA — La Cour suprême du Canada a confirmé la condamnation d’un homme pour infraction à la réglementation sur les stupéfiants, déclarant que les preuves dans son cas sont admissibles malgré les préoccupations concernant la violation de ses droits garantis par la Charte.

En février 2017, près de Banff, en Alberta, un policier a arrêté le camion de George Zacharias parce que les vitres étaient illégalement teintées et qu’une lumière ne fonctionnait pas.

Plusieurs facteurs ont conduit l’agent de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) à soupçonner une activité liée à la drogue, selon les documents du tribunal.

Le policier savait que l’autoroute 1 vers Calgary était un corridor connu pour le transport de stupéfiants.

M. Zacharias a déclaré qu’il allait rendre visite à sa sœur pour quelques jours seulement, mais avait une grosse valise dans la cabine du camion. Le fait que les bagages se trouvaient dans la cabine laissait supposer que l’arrière du camion était plein.

M. Zacharias semblait extrêmement nerveux lorsqu’il a présenté ses papiers d’identité. En outre, un autocollant sur l’une des vitres du camion portant la mention «Back the blue» a semblé suspect à l’agent, car les trafiquants de drogue affichent souvent des messages de soutien à la police.

En recherchant le nom de M. Zacharias dans les bases de données de la police, l’agent a appris que trois ans auparavant, quelqu’un s’était plaint qu’il était impliqué dans la distribution de grandes quantités de cannabis et de cocaïne.

L’agent a fait appel à des renforts et à un chien renifleur. 

Le chien a signalé la présence de drogues, ce qui a incité l’agent à arrêter M. Zacharias pour possession d’une substance réglementée.

La fouille du camion a permis de découvrir une grande quantité de cannabis et d’argent liquide. M. Zacharias a alors été arrêté une nouvelle fois pour possession de produits du crime dans le but d’en faire le trafic.

Il a ensuite été conduit à un poste de police, fouillé et arrêté une troisième fois pour possession de produits de la criminalité d’une valeur supérieure à 5000 $.

Des preuve admis en première instance

Le juge de première instance a conclu que l’agent n’avait pas de soupçon raisonnable pour détenir M. Zacharias et déployer un chien renifleur, notant la fiabilité inconnue de l’entrée de la base de données de la police datant de 2014.

En conséquence, le juge a estimé que la police avait violé les droits de M. Zacharias, garantis par la Charte, d’être protégé contre les fouilles, les perquisitions et les saisies abusives, ainsi que contre la détention arbitraire. Le juge a toutefois admis les preuves au motif que leur exclusion jetterait le discrédit sur l’administration de la justice.

M. Zacharias a fait appel de sa condamnation pour possession de cannabis dans le but d’en faire le trafic, arguant que le juge de première instance avait, à tort, omis de prendre en compte les conséquences découlant des violations de la Charte.

La Cour d’appel de l’Alberta a rejeté sa contestation.

Deux motifs

Trois des cinq juges de la Cour suprême du Canada qui ont examiné l’affaire ont déclaré que l’appel de M. Zacharias devait être rejeté. Deux motifs ont été invoqués vendredi pour parvenir à cette conclusion.

Dans leurs motifs, les juges Malcolm Rowe et Michelle O’Bonsawin ont déclaré que les autorités ne pouvaient pas s’appuyer sur les preuves obtenues illégalement lors de la fouille par le chien renifleur pour satisfaire à l’exigence de motifs raisonnables et probables pour les arrestations ultérieures de M. Zacharias.

La première arrestation étant illégale, les perquisitions qui ont suivi et les deuxième et troisième arrestations ont constitué des violations des droits garantis par la Charte, ont-ils déclaré.

Cependant, les juges Rowe et O’Bonsawin ont souligné que la question de savoir s’il y a eu violation de la Charte est distincte de celle de savoir si les preuves obtenues à la suite de cette violation doivent être exclues du procès.

Cette dernière question est traitée dans une autre section de la Charte, où le tribunal examine l’ensemble des circonstances afin de déterminer, tout bien considéré, si l’admission de la preuve est de nature à déconsidérer l’administration de la justice, ont-ils noté.

Pour déterminer si la preuve en question doit être exclue, le tribunal examine la gravité du comportement de l’État qui a violé la Charte, l’effet de la violation sur l’accusé et l’intérêt de la société à juger l’affaire sur le fond.

En fin du compte, les juges Rowe et O’Bonsawin ont estimé que les circonstances générales favorisaient l’admission de la preuve.

Dans des motifs concordants, la juge Suzanne Côté a convenu que l’appel de M. Zacharias devait être rejeté.

Elle a toutefois précisé que l’analyse concernant l’admission des preuves devait se concentrer sur la détention de M. Zacharias en attendant l’arrivée du chien renifleur pour la fouille.

L’existence d’autres violations n’a pas été débattue lors du procès et n’a que peu ou pas d’impact sur l’analyse, a-t-elle déclaré.