Des centaines de personnes ont manifesté contre le projet de loi 31 à Montréal
MONTRÉAL — Plusieurs centaines de personnes ont manifesté samedi à Montréal pour s’opposer au projet de loi 31 sur le logement, qui permettrait aux propriétaires de refuser plus facilement les cessions de bail.
Munis de pancartes, de sifflets ou d’instruments, les manifestants se sont réunis sur le coup de midi, malgré la grisaille, dans le quartier de Parc-Extension.
«On l’a démontré de façon répétée depuis longtemps, que le problème ce sont les hausses de loyer abusives entre changements de locataires. Au moment du déménagement, les propriétaires en profitent pour contourner la loi, et faire des hausses de loyers abusives», a déclaré au micro Matin Blanchard, co-coordonnateur du Regroupement des comités logement et associations de locataires du Québec (RCLALQ), avant que la foule ne débute la marche.
La manifestation a eu lieu alors que, plus tôt cette semaine, l’article concernant la cession de bail dans le projet de loi 31 a été adopté lors de l’étude détaillée du projet de loi, article par article, en commission parlementaire.
«On enlève aux locataires le seul outil qui marchait un tant soit peu pour calmer le jeu», a déploré M. Blanchard. En plus du RCLALQ, le Front de lutte pour un immobilier populaire (FLIP), ainsi que le Comité d’action de Parc-Extension ont pris part à l’organisation de l’événement.
Si le projet de loi 31 est adopté, un propriétaire pourra refuser une cession de bail pour un motif autre que sérieux. La ministre responsable de l’Habitation, France-Élaine Duranceau, s’est défendu cette semaine, arguant que si un propriétaire refuse la cession de bail, ce dernier sera tout simplement résilié. Le locataire sera donc libre de partir.
Elle a marteléque la cession de bail n’est pas une mesure de contrôle des loyers et que toutes les règles pour la fixation des prix vont continuer de s’appliquer.
Les organismes ayant mis sur pied la manifestation ont réclamé samedi la démission de la ministre Duranceau. Ils plaident également pour «gel des loyers immédiat et la socialisation de tous les nouveaux logements».
«À chaque article on essaie de voir comment on peut améliorer la situation des locataires dans un contexte de crise du logement. Le projet de loi n’est pas terminé, et on ne sait pas si on va réussir à le finir cette semaine. Moi j’ai plusieurs amendements, et les autres groupes d’oppositions aussi», a affirmé le député de Québec solidaire (QS), Andrés Fontecilla, lors de la manifestation. Le parlementaire, qui participe à l’étude détaillée du projet de loi, a dit ne pas savoir si le projet de loi sera adopté d’ici vendredi.
«La situation est grave, les loyers n’arrêtent pas d’augmenter, ça amène des pratiques comme les rénovictions, ça amène davantage d’itinérance, ça amène l’appauvrissement des ménages à plus faibles revenus, et aussi les ménages des classes moyennes», a-t-il déclaré, aux côtés de sa collègue députée de la circonscription de Verdun, Alejandra Zaga Mendez.
«C’est inacceptable»
Plusieurs locataires ont pris part à la manifestation de samedi, inquiets quant à leur sort dans un contexte de crise du logement.
«Pour moi c’est un enjeu parce que j’ai toujours (en arrière de ma tête l’idée) que ça pourrait m’arriver d’être évincée. Ce n’est pas rassurant de savoir qu’il n’y a pas tant de recours comme locataire», a affirmé Julia Stirling. La locataire, qui est aussi travailleuse sociale, dit percevoir comment la crise actuelle a un impact sur la population.
«Je suis vraiment enragée de voir comment le gouvernement ne se soucie pas des inégalités», a-t-elle confié.
Annie Charbonneau, intervenante dans des maisons d’hébergement qui viennent en aide aux femmes en difficulté, notamment victimes de violence conjugale, a raconté voir les conséquences de la crise du logement dans le cadre de son emploi.
«Il y a plus en plus de clientèle, on arrive de moins en moins à desservir, et il y a des gens qui n’ont jamais été dans la rue, qui n’ont jamais été sans domicile fixe, mais à cause des nouvelles hausses de loyer, elles se retrouvent sans domicile», a-t-elle expliqué.
En ce qui concerne les femmes victimes de violence conjugale, «ça se voit souvent une femme qui retourne avec un conjoint violent» faute de logement, a ajouté Mme Charbonneau.
«Considérant qu’il y a 40% de la population qui est locataire aujourd’hui, de piler, ou de faire reculer les droits de ces gens-là, à mon sens c’est inacceptable», a déclaré un autre manifestant, Simon Bilodeau.
Miet Verhauwaert, qui prenait également part à la manifestation, a dit être en mesure de payer son loyer actuellement, mais qu’elle craint le jour où elle devra déménager.
«Ce qui se passe aujourd’hui avec les loyers c’est ridicule. Moi j’ai peur, j’habite seule, et mon loyer actuel est correct encore, mais j’ai peur dès que je dois déménager que je ne vais plus pouvoir payer le loyer moi-même», a-t-elle indiqué.
– Avec des informations de Thomas Laberge