De plus en plus de navires circulent dans le passage du Nord-Ouest

MONTRÉAL — De plus en plus de navires traversent le passage du Nord-Ouest, dans l’océan Arctique. Le réchauffement climatique a ouvert un corridor aux navires en faisant fondre la glace.

«C’est en train de se réaliser à un rythme fou», lance Bernard Funston, ancien président de la Commission canadienne des affaires polaires. 

Selon des données d’un groupe de travail du Conseil de l’Arctique, le nombre de bateaux ayant traversé l’Arctique canadien a grimpé de 35 % de 2016 à 2022, atteignant 212.

Les chercheurs estiment que le passage du Nord-Ouest pourrait ne jamais être en mesure de concurrencer d’autres voies commerciales comme le canal de Panama à cause d’une saison de navigation instable, de l’absence de ports et des conditions toujours dangereuses.

Toutefois, la guerre en Ukraine et une plus grande exploitation des ressources du Nord ont incité des cargos, des paquebots et des bateaux d’aventuriers à naviguer dans cette voie jadis cartographiée par l’explorateur norvégien Roald Amundsen, il y a environ 120 ans.

«La saison de navigation s’allonge et les bateaux sont de plus en plus grands», constate Hjalti Hreinsson, un gestionnaire du Conseil de l’Arctique. Les navires de croisière figurent parmi les plus importants vaisseaux à emprunter cette voie.

Toutefois, cette augmentation de la circulation maritime n’est pas sans inconvénient. Un plus grand nombre de navires signifie une hausse du bruit sous-marin et une plus grande pollution. Une telle situation peut affecter les communautés et l’environnement vivant dans la région.

«La biodiversité dans cette région est directement menacée, non seulement par le passage des très grands bateaux, mais aussi par les tests sismiques proposés et d’autres activités», avait déclaré Peter Ittinuar, le premier député inuit de la Chambre des communes en 2017.

À Pond Inlet, les résidents partaient à la chasse aux narvals pendant un jour ou deux. «Aujourd’hui, ils doivent attendre cinq ou six jours avant même d’apercevoir un narval», raconte Michael Wenger, chef de la direction du Polar Journal AG. Les bélugas et les baleines boréales fuient le son des moteurs tandis que les phoques se retirent en même temps que la banquise.

Les craintes des chasseurs locaux et des armateurs peuvent coïncider. Si un bateau tombe en panne ou subit un accident, les petits villages côtiers ne sont pas équipés pour accueillir une armée de secouristes ou pour servir de base à une opération de nettoyage.

Certaines parties du passage sont encore trop étroites pour permettre la navigation des très gros cargos. Il n’existe aucun port où ces vaisseaux pourraient déposer leur marchandise, comme ils le font habituellement à chacune de leurs escales. 

«Il y a un manque total d’infrastructure. Il est risqué pour une entreprise de s’y aventurer. Ce n’est pas sans danger (…), souligne Jackie Dawson, de la Chaire de recherche du Canada sur les dimensions humaines et politiques des changements climatiques. Il y a un problème d’imprévisibilité. Et si un accident survient, aucune aide immédiate n’est disponible.»

Toutefois, les données parlent d’elles-mêmes. «Même le nombre de bateaux de plaisance augmente rapidement, dit Mme Dawson. Les gens sont emballés à l’idée de traverser le passage du Nord-Ouest. Dans mon milieu, plusieurs scientifiques qui auraient voulu travailler en Russie veulent maintenant travailler ici. Il y aura plus de bateaux scientifiques.»

C’est déjà le cas. L’an dernier, 13 navires de recherche ont circulé dans les eaux de l’Arctique canadien l’an dernier. Il y en avait quatre en 2016, selon le groupe du Conseil de l’Arctique.