Covid longue: au tour du mycobiote d’être mis en cause

MONTRÉAL — Les chercheurs disposent dorénavant d’une nouvelle pièce pour tenter de résoudre le puzzle de la Covid longue: celle du mycobiote, les milliards de champignons qui colonisent notre organisme et que l’on retrouve notamment dans les intestins.

Des chercheurs américains ont ainsi constaté que des patients atteints d’une forme sévère de la Covid présentaient un déséquilibre de leur mycobiote ― le petit cousin moins bien connu (et moins bien étudié) du microbiote ― lorsqu’on les comparait à des sujets en santé.

Des patients atteints d’une forme grave de la Covid ont aussi développé une dangereuse infection fongique dans les poumons.

«Le lien est clairement démontré, c’est très élégant comme étude et c’est une des premières que j’aie vue dans ce contexte-là», a commenté la docteure Emilia Liana Falcone, qui dirige la clinique de recherche post-COVID-19 de l’Institut de recherches cliniques de Montréal et dont l’équipe travaille justement à la détection des éléments fongiques dans le sang de patients souffrant de la Covid.

Les auteurs de l’étude ont notamment mesuré dans le sang des patients des niveaux environ quatre fois plus élevés d’anticorps face à trois espèces de champignons qu’on retrouve couramment dans l’intestin, permettant de croire que ces champignons étaient présents en très grandes quantités.

Un de ces champignons est Candida albicans, dont la présence a déjà été associée à une activation du système immunitaire et à la présence d’inflammation.

Des souris à qui les chercheurs ont injecté aussi bien le SRAS-CoV-2 qu’un C.albicans provenant de patients souffrant d’une Covid grave ont présenté une réponse inflammatoire plus importante que celle de souris uniquement infectées par le virus de la Covid. 

L’administration d’un médicament antifongique aux premières souris s’est révélée utile. Cela pourrait un jour être aussi le cas pour les humains.

«(Les chercheurs) ont montré qu’ils étaient capables de recréer le même phénomène que quand les souris avaient des éléments du mycobiome humain dans leur corps, qu’on était capable de provoquer les mêmes changements immunitaires, a souligné la docteure Falcone. Quand on peut voir vraiment une causalité dans un modèle murin, ça nous donne vraiment le goût d’aller investiguer les informations plus en profondeur.»

La Covid longue, a rappelé la docteure Falcone, est une maladie qui peut être très «hétérogène»; une étude comme celle-ci pourrait éventuellement permettre de mieux caractériser les patients, et donc de leur offrir le traitement le plus approprié pour leur condition.

Les auteurs de la nouvelle étude ont enfin constaté que des patients frappés par la Covid grave continuaient à présenter des niveaux élevés d’anticorps face à C.albicans même après la disparition de leurs symptômes, parfois jusqu’à un an plus tard.

Cela pourrait vouloir dire que les changements subis par le mycobiote pendant la Covid contribuent à l’inflammation qui a été associée à la Covid longue.

Les conclusions de cette étude ont été publiées par la revue scientifique Nature Immunology.