Conflit Israël-Hamas: au tour du Bloc québécois de réclamer un cessez-le-feu

OTTAWA — Le Bloc québécois change son fusil d’épaule. Il joint sa voix à celles du Nouveau Parti démocratique et d’une vingtaine de députés libéraux qui implorent Ottawa de réclamer un cessez-le-feu entre Israël et le Hamas, tout en insistant sur le caractère «temporaire» de sa version d’une trêve.

Quelques jours après avoir déclaré qu’un cessez-le-feu n’était «pas réaliste», le chef bloquiste, Yves-François Blanchet, a indiqué lundi que sa formation appuie la demande du secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, d’une trêve «afin que soit acheminée l’aide humanitaire» et suggère au premier ministre Justin Trudeau d’«en faire autant».

«Il s’agit en fait d’un cessez-le-feu multilatéral et temporaire devant être respecté par Israël, le Hamas et le Hezbollah», a détaillé M. Blanchet dans une déclaration écrite.

La semaine dernière, le chef bloquiste insistait plutôt sur «la nécessité de neutraliser le Hamas» et disait ne pas voir comment un cessez-le-feu pourrait se produire.

«Comment peut-on ne pas vouloir un cessez-le-feu? (…) Je dis juste que, pour l’instant, le dire pour le dire c’est une posture qui n’est peut-être pas réaliste», avait-il déclaré.

Lors de la période des questions, lundi, le porte-parole bloquiste en matière d’affaires étrangères, Alexis Brunelle-Duceppe, a développé sur le concept du «réalisme».

«Ce ne serait pas réaliste de demander un cessez-le-feu complet à Israël pendant que sa population n’est pas en sécurité, a-t-il soutenu. Par contre, ce serait réaliste que le Canada soutienne la demande plus nuancée des Nations unies.»

Il juge aussi qu’Ottawa devrait lancer un appel au calme à ses propres citoyens alors qu’il observe de plus en plus de cas de «graffitis haineux», de «croix gammées» et de l’«intimidation à répétition de gens de confession juive ou musulmane».

L’«équilibre» canadien

Face aux pressions grandissantes d’élus de son propre parti, la ministre des Affaires étrangères, Mélanie Joly, a expliqué, quelques heures plus tôt, que le Canada veut faire preuve d’équilibre dans ses positions.

«J’entends la position de plusieurs de mes collègues. J’entends le fait que les Canadiens s’attendent à ce que le Canada joue un rôle qui est équilibré et en même temps un rôle qui est basé sur notre position qui a toujours été celle d’être un joueur constructif, ami et allié d’Israël, ami du peuple palestinien», a-t-elle déclaré lors d’une conférence de presse.

La ministre a qualifié de «catastrophiques» les images en provenance de Gaza. Il s’agit présentement de l’«un des pires endroits où habiter au monde», a-t-elle dit.

Mme Joly, qui prenait la parole depuis Abou Dhabi, aux Émirats arabes unis, a ajouté que c’est pour cela qu’elle multiplie les rencontres avec ses homologues. Elle y discute à la fois de la «protection des civils», mais également d’en arriver à «plus de paix et de stabilité dans la région».

Le chef néo-démocrate Jagmeet Singh a lui aussi tenté d’accroître la pression sur le gouvernement libéral.

Son bureau a partagé lundi avec les médias une lettre envoyée la veille au premier ministre Justin Trudeau allant dans le sens de celle signée vendredi par 33 élus, dont 23 députés libéraux d’arrière-ban, l’implorant de réclamer un cessez-le-feu pour mettre fin aux violences au Proche-Orient.

«Un nombre croissant de députés vous demandent de plaider en faveur d’un cessez-le-feu. Ces élus, y compris certains de votre propre parti, ajoutent leur voix à un nombre croissant d’appels internationaux», a écrit M. Singh dans sa propre missive à M. Trudeau.

Il sollicite une «rencontre d’urgence» avec le premier ministre qui viserait à «discuter de la manière dont nous pouvons travailler ensemble pour mettre fin à la violence avec un cessez-le-feu, faire sortir les Canadiens et Canadiennes de la région, assurer le retour en toute sécurité de tous les otages et insister pour que le droit international soit respecté».

À la Chambre des communes, il a demandé au gouvernement Trudeau de prendre «au sérieux son rôle de protection des innocents» alors que des roquettes sont envoyées «de façon volontaire» sur des civils et que la situation humanitaire s’aggrave à Gaza.

Son député Brian Masse a renchéri en lançant: «à quel point est-il difficile de prononcer les mots « cessez-le-feu »?»

Questionné vendredi dernier au sujet des points de vue divergents au sein de son caucus, M. Trudeau a noté que le rôle des parlementaires est de «refléter les préoccupations et les espoirs de leur communauté».

Réagissant à la lettre de M. Singh, son bureau a déclaré lundi qu’il veille «à ce que tous les parlementaires aient accès à toutes les informations nécessaires». «Cela comprend les dernières séances d’information organisées par Affaires mondiales Canada», a-t-on soutenu dans une déclaration écrite.

Les conservateurs, de leur côté, n’ont consacré aucune de leur vingtaine de questions en Chambre à la situation dans la bande de Gaza, préférant presque exclusivement traiter du coût de la vie au pays.

À son arrivée au parlement, le député Joël Godin s’est fait demander de préciser la position de son parti. «Il faut comprendre qu’il y a deux groupes et ces deux groupes-là s’attaquent, et malheureusement il y a des victimes dans les deux camps, et ça c’est inacceptable», a-t-il répondu.

La semaine dernière, leur lieutenant pour le Québec, Pierre Paul-Hus, avait résumé qu’«Israël a le droit de se défendre» tout en respectant le droit humanitaire international.

– Avec des informations d’Émilie Bergeron et Dylan Robertson