Comment les humains occupent-ils les 24 heures de leur journée?

MONTRÉAL — Les humains de la planète consacrent neuf heures chaque jour à s’occuper d’eux-mêmes et des autres, mais aussi neuf heures à dormir, révèle une étude inédite pilotée par un chercheur de l’Université McGill.

Les six heures qui restent servent entre autres à des activités comme la culture et la cueillette de nourriture, la préparation des repas et les déplacements.

«Nous avons réalisé que nous n’avons pas le même genre d’évaluation quantitative de ce que font les humains, comme nous en avons pour les portions non humaines de notre planète», a dit Eric Galbraith, qui est professeur en sciences du système terrestre à McGill et l’auteur en chef de l’article.

«Notre motivation était donc vraiment d’obtenir un aperçu à vol d’oiseau de tout ce que font les humains. Quelqu’un m’a dit que c’était un peu comme un guide pour les extra-terrestres de ce que fait l’espèce humaine.»

Le professeur Galbraith et ses collègues ont recueilli et analysé des données sur les activités économiques et non économiques exercées dans plus de 140 pays (représentant 87 % de la population mondiale), pendant la période de 2000 à 2019 (pour éviter les répercussions de la pandémie de COVID).

Les chercheurs ont réparti manuellement quelque 4000 activités parmi 24 catégories différentes, qui étaient elles-mêmes rassemblées au sein de trois grands groupes: les activités modifiant le monde extérieur, les activités consacrées au bien-être de l’esprit ou du corps humain, et les activités d’organisation au sein de la société.

Cela leur a permis de brosser le tout premier portrait d’une journée dans la vie de l’humanité.

L’étude a ainsi constaté que le temps affecté à des activités liées aux repas, aux déplacements quotidiens, à l’hygiène et aux soins de toilette ainsi qu’à la préparation des aliments ne varie pas systématiquement en fonction de la richesse matérielle d’une population.

Toutefois, disent les chercheurs, le temps passé à cultiver et à collecter de la nourriture varie beaucoup en fonction de la richesse: les humains y consacrent plus d’une heure par jour dans les pays défavorisés, mais seulement cinq minutes par jour dans les pays riches.

Fait étonnant, peu importe le pays où ils habitent, peu importe qu’ils se déplacent à pied, en vélo ou en voiture, les humains de toute la planète consacrent en moyenne 70 minutes par jour à aller d’un endroit à un autre.

«C’est très constant à travers le monde, a dit le professeur Galbraith, qui admet avoir été surpris par cette donnée. On dirait qu’il y a comme une cible psychologique pré-déterminée qu’on doit se déplacer pendant une certaine période de temps chaque jour, mais pas trop.»

Si on veut espérer confronter efficacement un jour les changements climatiques et la perte de biodiversité, si on veut s’adapter aux avancées technologiques et atteindre des objectifs de développement à l’échelle mondiale, il est crucial d’avoir une vue d’ensemble de l’activité humaine pour déterminer où il est possible d’apporter des changements, a poursuivi le professeur Galbraith.

«La crise climatique s’intensifie, mais les progrès sont tellement lents, a-t-il déploré. J’espère que cette étude nous aidera à voir où se trouvent, à travers toutes les activités humaines, les activités sur lesquelles on doit se concentrer si on veut faire des progrès face aux changements climatiques.»

Il cite en exemple les combustibles fossiles qui se retrouvent au cœur de la crise climatique et dont on doit absolument cesser l’utilisation si on veut sauver la planète. Ces combustibles, explique le professeur Galbraith, occupent en moyenne moins de cinq minutes de la journée humaine à travers le monde. Passer à des énergies non polluantes ne serait donc pas «une grande perturbation», a-t-il dit.

«Ça ne veut pas dire que ce serait facile, il y aurait plusieurs obstacles politiques et économiques, mais ça nous permet de voir que c’est à ça qu’on doit s’attaquer si on veut éviter une catastrophe mondiale», a précisé M. Galbraith.

L’équipe a déterminé que l’ensemble des activités économiques dans le monde occupaient environ 2,6 heures de la journée type. Sans grande surprise, l’agriculture et l’élevage de bétail arrivent en tête.

Et même si on y consacre si peu de temps chaque jour, a souligné le chercheur, on constate facilement l’impact qu’ont sur notre planète des activités comme l’exploitation minière ou la coupe des arbres.

«C’est parce que nous avons des machines incroyables qui multiplient l’impact de ce que nous faisons, a conclu le professeur Galbraith. Ça me montre que nous sommes tout à fait capables de réorganiser notre temps pour construire un avenir plus durable. C’est tout à fait possible de faire les changements nécessaires pour avoir l’avenir que nous voulons pour nous et pour la planète.»

Les conclusions de cette étude ont été publiées par le journal scientifique PNAS.