Les forces israéliennes envahissent un hôpital où des otages auraient été détenus

RAFAH, Palestine — Les forces israéliennes ont pris d’assaut le principal hôpital du sud de la bande de Gaza ce jeudi, quelques heures après que des tirs israéliens aient tué un patient et blessé six autres personnes à l’intérieur du complexe. L’armée israélienne a expliqué qu’il s’agissait d’une opération limitée visant à retrouver les restes d’otages enlevés par le Hamas. 

Ce raid est intervenu un jour après que l’armée ait tenté d’évacuer des milliers de personnes déplacées qui s’étaient réfugiées à l’hôpital Nasser de la ville de Khan Younès, cible de l’offensive israélienne contre le Hamas au cours des dernières semaines. La guerre ne montre aucun signe de fin, et le risque d’un conflit plus large s’accroît à mesure qu’Israël et le Hezbollah libanais intensifient leurs attaques après un échange particulièrement meurtrier mercredi.

L’armée a indiqué qu’elle disposait de «renseignements crédibles» selon lesquels le Hamas avait retenu des otages à l’hôpital et que les restes des otages pouvaient encore se trouver à l’intérieur. Le contre-amiral Daniel Hagari, porte-parole en chef de l’armée, a déclaré que les forces menaient une opération «précise et limitée» sur place et qu’elles n’évacueraient pas de force les médecins ou les patients. Israël accuse le Hamas d’utiliser des hôpitaux et d’autres structures civiles pour protéger ses combattants.

Le mois dernier, une otage libérée a déclaré à l’Associated Press qu’elle et plus de deux douzaines d’autres captifs avaient été détenus à l’hôpital Nasser. Le droit international interdit de prendre pour cible les installations médicales, mais celles-ci peuvent perdre cette protection si elles sont utilisées à des fins militaires.

Le porte-parole du ministère de la Santé de Gaza, Ashraf al-Qidra, a déclaré qu’Israël avait lancé une «incursion massive» avec des tirs nourris qui ont blessé les personnes déplacées qui y trouvaient encore refuge. Il a indiqué que l’armée avait ordonné aux médecins de déplacer tous les patients dans un bâtiment plus ancien qui n’était pas équipé pour leur traitement.

«Plusieurs ne peuvent pas être évacués, comme les personnes amputées d’un membre inférieur, les grands brûlés ou les personnes âgées», a-t-il rappelé lors d’une interview accordée à la chaîne Al Jazeera.

Par ailleurs, Israël a lancé des frappes aériennes dans le sud du Liban pour une deuxième journée après avoir tué dix civils et trois combattants du Hezbollah mercredi, en réponse à une attaque à la roquette qui a tué un soldat israélien et en a blessé plusieurs autres.

Il s’agit de l’échange de tirs le plus meurtrier le long de la frontière depuis le début de la guerre entre Israël et le Hamas. Israël et le Hezbollah, allié du Hamas, échangent quotidiennement des coups de feu, ce qui accroît les risques d’un conflit plus large. 

Le Hezbollah n’a pas revendiqué l’attaque à la roquette de mercredi. Mais Cheikh Nabil Kaouk, un membre important du groupe, a déclaré que celui-ci était «préparé à la possibilité d’étendre la guerre» et qu’il répondrait «à l’escalade par l’escalade, au déplacement par le déplacement, et à la destruction par la destruction».

Les négociations en vue d’un cessez-le-feu à Gaza semblent entre-temps dans l’impasse, et le premier ministre israélien Benjamin Nétanyahou a promis de poursuivre l’offensive jusqu’à ce que le Hamas soit détruit et que les otages pris lors de l’attaque du 7 octobre, qui a déclenché la guerre, soient restitués.

SCÈNES DE PANIQUE DANS UN HÔPITAL

L’hôpital Nasser a été la dernière cible des opérations qui ont vidé de sa substance le secteur de la santé à Gaza, alors qu’il s’efforce de traiter des dizaines de patients blessés lors des bombardements quotidiens. 

La vidéo des suites de la frappe de cette nuit montre des médecins s’efforçant de transporter des patients sur des brancards dans un couloir rempli de fumée ou de poussière. Un infirmier utilise la lampe de poche d’un téléphone portable pour éclairer une pièce sombre où un homme blessé hurle de douleur alors que des coups de feu résonnent à l’extérieur. L’Associated Press n’a pas pu authentifier les vidéos, mais elles correspondent à ce qu’elle a rapporté. 

Le docteur Khaled Alserr, l’un des derniers chirurgiens de l’hôpital Nasser, a expliqué à l’AP que les sept patients touchés tôt jeudi étaient déjà soignés pour des blessures antérieures.

«La situation s’aggrave d’heure en heure et de minute en minute», a-t-il déclaré.

Le mois dernier, l’armée avait ordonné l’évacuation de l’hôpital Nasser et des zones environnantes. Mais comme pour d’autres établissements de santé, les médecins ont indiqué que les patients n’étaient pas en mesure de partir ou d’être relogés en toute sécurité, et que des milliers de personnes déplacées par les combats restaient sur place.

«Les gens se sont retrouvés dans une situation impossible, a déclaré Lisa Macheiner, de l’organisation humanitaire Médecins sans frontières.

«Rester à l’hôpital Nasser contre les ordres de l’armée israélienne et devenir une cible potentielle, ou sortir de l’enceinte pour se retrouver dans un paysage apocalyptique où les bombardements et les ordres d’évacuation font partie de la vie quotidienne.»

Le groupe d’aide internationale, également connu sous son acronyme français MSF, a déclaré que son personnel avait dû fuir l’hôpital jeudi, laissant des patients derrière lui, et qu’un membre du personnel avait été détenu à un poste de contrôle israélien situé juste à l’extérieur de l’établissement. 

PAS DE FIN EN VUE POUR LA GUERRE QUI DURE DEPUIS DES MOIS

La guerre a commencé lorsque les militants du Hamas ont fait irruption dans les formidables défenses israéliennes le 7 octobre et se sont déchaînés sur plusieurs communautés, tuant quelque 1200 personnes et en prenant 250 autres en otage. Plus de 100 d’entre eux ont été libérés lors d’un cessez-le-feu l’année dernière en échange de 240 prisonniers palestiniens.

Il reste environ 130 captifs à Gaza, dont un quart serait mort. M. Nétanyahou est soumis à une forte pression de la part des familles des otages et de l’opinion publique pour obtenir leur libération, mais ses partenaires de la coalition d’extrême droite pourraient faire tomber son gouvernement s’il est considéré comme trop tendre avec le Hamas.

Israël a réagi à l’attaque du 7 octobre en lançant l’une des campagnes militaires les plus meurtrières et les plus destructrices de l’histoire récente. Plus de 28 000 Palestiniens ont été tués, 80 % de la population a fui son domicile et un quart meurt de faim dans une catastrophe humanitaire qui ne cesse de s’aggraver. De vastes zones du nord de Gaza, première cible de l’offensive, ont été complètement détruites.

Le Hamas a continué d’attaquer les forces israéliennes dans toutes les parties de Gaza et affirme qu’il ne libérera pas tous les prisonniers restants tant qu’Israël n’aura pas mis fin à son offensive et ne se sera pas retiré. Le Hamas exige également la libération d’un grand nombre de prisonniers palestiniens, y compris des militants de haut rang.

M. Nétanyahou a rejeté ces demandes, les qualifiant de «délirantes». Il a prévenu qu’Israël étendrait bientôt son offensive à Rafah, la ville la plus méridionale de Gaza, à la frontière égyptienne. Plus de la moitié des 2,3 millions d’habitants de Gaza ont trouvé refuge à Rafah après avoir fui les combats qui se déroulaient ailleurs dans l’enclave côtière.

Au moins 28 663 Palestiniens ont été tués depuis le début de la guerre, principalement des femmes et des enfants, selon le ministère de la Santé de Gaza, qui ne fait pas de distinction entre les civils et les combattants. Plus de 68 000 personnes ont été blessées au cours de la guerre.

Des frappes aériennes menées mercredi en fin de journée dans le centre de la bande de Gaza ont tué au moins 11 personnes, dont quatre enfants et cinq femmes, selon les registres de l’hôpital. Des proches se sont rassemblés autour des corps enveloppés dans des linceuls blancs à l’extérieur de l’hôpital des Martyrs d’Al-Aqsa, dans la ville centrale de Deir al-Balah, avant que les dépouilles ne soient placées dans un camion pour être enterrées.

Un homme a lutté pour ne pas lâcher prise, s’allongeant et tenant l’un des corps dans le camion tout en pleurant.