La Tour de Londres a un nouveau ‘maître des corbeaux’

LONDRES — S’il faut en croire une ancienne prophétie, Michael «Barney» Chandler vient d’obtenir le poste le plus important d’Angleterre.

Cet ancien Royal Marine de 56 ans est le nouveau maître des corbeaux (ravenmaster) de la Tour de Londres, chargé de veiller sur les protecteurs à plumes de cette forteresse vieille de mille ans.

Selon la légende, si les corbeaux quittent la tour du XIe siècle située au bord de la Tamise, sa Tour blanche s’effondrera et le Royaume d’Angleterre tombera. Au XVIIe siècle, le roi Charles II a été informé de la prophétie et a décrété qu’il devait toujours y avoir au moins six corbeaux à la Tour.

«Nous prenons cette responsabilité très au sérieux, a déclaré M. Chandler. Et maintenant que je suis maître des corbeaux, cette responsabilité supplémentaire pèse sur mes épaules.»

Quant à la prophétie, «nous ne savons pas si elle est vraie ou non, car nous n’avons jamais laissé le nombre de corbeaux descendre en dessous de six ― et cela n’arrivera pas tant que je serai là».

M. Chandler, qui a officiellement pris ses fonctions vendredi, est l’un des célèbres «Yeoman Warders» de la Tour, qui font partie d’un corps fondé au XVe siècle. Connus également sous le nom de «Beefeaters», les gardiens sont tous des anciens membres de l’armée qui portent des uniformes noirs et écarlates distinctifs de style Tudor et jouent un rôle hybride : ils assurent la sécurité, dirigent des visites de la Tour et remplissent des fonctions cérémonielles.

Il dirige une équipe de quatre autres Beefeaters qui s’occupent des sept corbeaux de la tour ― les six décrétés par Charles II et un de rechange. Il s’agit de Jubilee, Harris, Poppy, Georgie, Edgar, Branwen et du dernier-né, Rex, nommé en l’honneur du couronnement du roi Charles III l’année dernière.

Les oiseaux d’un noir de jais sont une caractéristique familière du site, qui a servi d’arsenal, de palais, de prison, de zoo et, plus récemment, d’attraction touristique.

Construite par le roi Guillaume Ier après sa conquête de l’Angleterre en 1066, elle a servi de résidence royale pendant plusieurs centaines d’années, mais elle est surtout connue comme prison.

C’est à la Tour que les «princes de la tour», les fils du roi Édouard IV, ont été enfermés en 1483 et prétendument assassinés par leur oncle, le roi Richard III, et qu’Anne Boleyn a été exécutée en 1536 après qu’Henri VIII se soit lassé de sa seconde épouse. Parmi les autres détenus célèbres figurent la princesse Elizabeth, la future reine Elizabeth I; Guy Fawkes, qui a tenté de faire sauter le Parlement; et le lieutenant d’Adolf Hitler, Rudolf Hess.

Aujourd’hui, près de trois millions de touristes viennent chaque année s’imprégner d’un millénaire d’histoire et admirer les étincelants joyaux de la Couronne, qui sont conservés dans la tour.

Le titre officiel de maître des corbeaux n’a que cinquante ans, mais la fonction est bien plus ancienne, et M. Chandler est le sixième titulaire du poste. Il est chargé de veiller à la santé et au bien-être des oiseaux, qui se déplacent généralement en liberté dans l’enceinte de la tour le jour et dorment dans des cages la nuit.

Ses tâches consistent à entretenir les enclos des oiseaux, à organiser les contrôles vétérinaires et à les nourrir avec leur régime préféré de viande crue, complété de temps en temps par un œuf dur ou un biscuit trempé dans du sang.

«Ce sont des oiseaux charognards, explique M. Chandler. Ils mangent presque n’importe quoi.»

Les plumes des oiseaux sont taillées pour éviter qu’ils ne s’envolent, bien qu’ils s’échappent parfois. Selon Historic Royal Palaces, l’organisation caritative qui supervise la Tour, un corbeau appelé Grog s’est envolé en 1981 et a été vu pour la dernière fois à l’extérieur d’un pub de l’East End, le Rose and Punchbowl.

M. Chandler est inlassablement fasciné par ces oiseaux très intelligents qui, selon lui, sont aussi intelligents qu’un enfant de 7 ans. Lorsqu’on lui demande quel est son oiseau préféré, il nomme l’espiègle Poppy, qui sautille dans l’herbe sous la Tour Blanche et accepte volontiers de manger une souris morte qu’il lui offre.

Il affirme que les corvidés aux yeux vifs sont «probablement l’un des animaux les plus intelligents qui soient». Parfois, ici, «ils sont trop intelligents pour leur propre bien. Mais pour moi, c’est ce qui est attirant».

M. Chandler, qui a servi en Afghanistan et dans le monde entier pendant 24 ans dans les Royal Marines, a suivi des cours de manipulation des oiseaux et a reçu d’autres formations officielles pour son rôle. Mais il affirme que «toutes les formations du monde ne remplacent pas le fait d’être ici, de côtoyer les oiseaux et de connaître leurs habitudes».

«On ne sait jamais ce qu’ils vont faire, ajoute M. Chandler. Ils ont tous une personnalité totalement différente. Certains jouent le jeu, d’autres non. C’est l’imprévisibilité, et c’est aussi la partie intéressante du travail.»

«Ils essaient toujours de nous piéger, dit-il avec tendresse. Ils savent ce que nous faisons.»