Unis, les syndiqués de l’enseignement se font entendre

Quelque 1800 membres des syndicats de l’enseignement, des professionnels et du personnel de soutien ont uni leurs voix pour se faire entendre, en fin de matinée mardi, tout près du Centre de services scolaire des Bois-Francs (CSSBF) sur le boulevard des Bois-Francs Nord à Victoriaville.

Dans une manifestation animée marquée par l’agitation des fanions, par de la musique, dont celle des Cowboys fringants et des slogans scandés, les grévistes ont tenu à faire entendre leur message et à dénoncer leurs conditions de travail. 

Première à prendre la parole, la psychologue Marie-Ève Rousseau, vice-présidente pour le Syndicat des professionnels de l’éducation du Cœur et du Centre-du-Québec (SPPECCQ), a fait valoir que les professionnels de l’éducation, pour la grande majorité, se retrouvent au quotidien dans les écoles, « au front, en première ligne ». « Pourtant, depuis un an, je constate l’absence de flexibilité de l’employeur à l’égard de nos conditions de travail. Depuis un an, je vois des collègues se questionner sur leur avenir professionnel, tomber au combat, quitter le navire », a-t-elle constaté. 

Le plus récent sondage mené en Mauricie-Centre-du-Québec révèle, a-t-il souligné, que 82% des 1000 professionnels de l’éducation de la région considèrent que les élèves ne reçoivent pas les services professionnels auxquels ils ont droit alors que les besoins sont de plus en plus grands.

« Les raisons de cette incapacité, a-t-elle précisé, c’est la pénurie au premier plan. Et notre grand souci actuellement, c’est qu’on peine, non seulement à attirer de nouveaux professionnels, mais on n’arrive pas à les conserver dans nos milieux. » 

Elle a qualifié de peu attrayantes les conditions de travail en milieu scolaire. « La charge de travail trop grande, le nombre d’écoles à desservir. Quel jeune professionnel a le goût d’accepter une tâche à quatre, cinq, sept ou neuf écoles en cinq jours? On parle aussi d’un horaire de travail peu flexible qui amène une conciliation vie personnelle, famille, travail hautement complexe. Que dire du salaire qui souvent n’est même pas proche d’être concurrentiel avec le privé!

Tout cela finit par avoir un impact sur la qualité des services offerts aux élèves », a-t-elle plaidé, tout en rappelant que les professionnels travaillent très souvent dans l’urgence et rarement en prévention. « On éteint des feux. Il faut toujours prioriser les priorités. À long terme, ça éreinte et ça ne fait qu’aggraver la pénurie », a-t-elle noté, tout en indiquant que les professionnels désertent le milieu scolaire. 

Au CSSBF, a-t-elle signalé, quatre postes de psychologue sont vacants. Et aucun psychologue ne se retrouve dans les écoles primaires de la MRC de L’Érable. « On a déjà dû composer avec plusieurs démissions cette année et on est juste en novembre. Si le Conseil du trésor ne prend pas de mesures concrètes dans cette négociation-ci, on risque d’en perdre davantage », a-t-elle prévenu.

« Il faut trouver une façon de garder nos professionnels dans les milieux scolaires. Portons notre message haut et fort parce qu’il mérite d’être entendu », a-t-elle terminé.

Soutien scolaire

Prenant le micro à son tour, Nathalie Lacourse, présidente du Syndicat du personnel de soutien scolaire des Bois-Francs, s’est réjouie de voir tout ce monde réuni « pour montrer au gouvernement que nous sommes unis dans cette négo qui est et sera mémorable ». Les quelque 420 membres sont « à bout de souffle, victimes de violence de plus en plus à chaque jour et doivent composer avec le manque de personnel ».

« Nos membres n’ont plus de belles conditions de travail, congés, vacances, retraite. Les membres sont épuisés », a-t-elle exprimé, tout en dénonçant l’absence d’ouverture du gouvernement qui pourtant a offert 21% aux policiers et 18% aux travailleurs des casinos. « Pour nous, on nous offre 10,3%, c’est vraiment ridicule, madame Lebel », a-t-elle lancé. 

La présidente a fait valoir que bien souvent ses membres doivent avoir un deuxième emploi et même avoir recours au service d’aide alimentaire pour réussir à boucler leur fin de mois.

« Ces postes sont souvent à moins de 20 heures par semaine, ce qui cause un appauvrissement marquant à nos travailleurs et travailleuses », a-t-elle exposé, signalant que les temps ont bien changé, qu’auparavant  les employés de l’État avaient de belles conditions de travail et de bons salaires. « Et quand tu disais que tu travaillais pour le gouvernement, c’était quelque chose. Maintenant les gens quittent, ne veulent pas travailler dans de telles conditions. On doit maintenant se tenir debout et être appréciés. C’est nous qui s’occupons des adultes de demain. On nous qualifiait d’anges lors de la pandémie, c’est maintenant le temps de montrer ce que tes anges méritent. Solidarité! », a-t-elle lancé.

Alléger la tâche

Pour sa part, la présidente du Syndicat de l’enseignement des Bois-Francs, Nancie Lafond avait un message pour le gouvernement : alléger la tâche. « Il faut alléger la tâche pour attirer la relève et lui donner le goût de s’investir dans la profession. Il faut alléger la tâche pour maintenir les profs d’expérience et leur donner les moyens de partager cette expertise. Il faut alléger la tâche pour que les profs obtiennent des conditions de travail humainement réalisables, pour que les élèves jeunes et adultes reçoivent des services qui répondent à leurs besoins et pour assurer au personnel une conciliation travail famille plus équilibrée », a-t-elle soutenu. 

La tâche, a-t-elle énoncé, passe notamment par la composition de la classe, une classe qui a bien changé. « La classe ordinaire n’existe plus, la classe régulière a disparu. Les années de coupure et de compression ont engendré des effets désastreux en éducation. On doit corriger le tir en formant des groupes qui tiennent compte des besoins des élèves et établir des ratios en fonction du profil des élèves dans tous les secteurs », a suggéré Mme Lafond.

La présidente du SEBF dénonce le gouvernement qui refuse de travailler sur la base des propositions syndicales et l’invite à négocier aux tables de négociations plutôt que sur la place publique et dans les réseaux sociaux.

« Madame Lebel, arrêtez de mentir sur le travail colossal et les offres généreuses et les bonnes intentions du gouvernement, c’est faux. Aujourd’hui, le personnel  du réseau scolaire est rassemblé devant le CSSBF pour rappeler à ses dirigeants qu’ils ont un rôle à jouer pour dénouer l’impasse. Mesurez l’ampleur de notre colère, de notre détermination, de notre frustration et de la détresse. Et dites-leur que nous, nous sommes unis, d’une seule voix, solidarité! », a-t-elle conclu.

Interrogée sur la nomination d’un conciliateur, Nancie Lafond estime qu’il s’agit d’une bonne nouvelle. « C’est la première fois que ça arrive, on n’a pas de comparable, mais je vois cela d’un très bon œil, car ça démontre le sérieux de la partie syndicale en ce qui a trait aux revendications », a-t-elle confié.

Mais pour le moment, un règlement n’est pas pour demain, mais elle demeure optimiste. « Actuellement, rien n’avance aux tables. Au moment où l’on se parle, on n’est pas à la veille d’un règlement, mais on sait que tout peut débloquer très rapidement. Il faut, non seulement de la bonne volonté, mais aussi une capacité de nous écouter, de venir vers nous. »

Les syndiqués exercent, pour le moment, trois jours de grève jusqu’à jeudi.