Rien n’a changé deux ans plus tard

En septembre 2021, bon nombre de distilleries québécoises, dont Miellerie King – distillerie et hydromellerie de Kingsey Falls, sortaient sur la place publique pour faire pression sur le gouvernement afin qu’il apporte des changements à la réglementation. Un peu plus de deux ans plus tard, rien n’a changé et le combat continue pour René Bougie, président de Miellerie King et ses acolytes.

Comme producteur artisan, René Bougie souhaite pouvoir vendre tous ses produits, non seulement chez lui, mais aussi dans les marchés publics. « J’ai le droit d’y vendre notamment mes hydromels et mes liqueurs, mais pour les spiritueux, mon gin et autres produits, la loi me l’interdit », rappelle-t-il.

La loi n’autorise la vente qu’à la distillerie ou dans une succursale de la Société des alcools du Québec (SAQ).

L’entreprise de René Bougie se voit limitée en raison de la directive sur les marchés publics qui n’inclut pas le mot spiritueux.

En entrevue téléphonique avec le www.lanouvelle.net, l’homme d’affaires de Kingsey Falls explique que cette directive gouvernementale est renouvelée tous les deux ans. « Le renouvellement doit se faire ce mois-ci. On essaie de rencontrer les responsables au gouvernement. On a effectué de nombreux appels, des représentations. Mais on ne réussit pas à simplement leur parler », se désole René Bougie.

Le président de Miellerie King a discuté avec l’équipe du député d’Arthabaska, Eric Lefebvre pour obtenir un contact. « Ils m’ont dit qu’ils avaient essayé de faire des démarches pour qu’on puisse leur parler. On s’entend qu’on est loin de changer la directive si on n’est même pas capable de parler au monde autour de la table », exprime-t-il.

Un blocage semble se situer au niveau de la Société des alcools du Québec. « Selon ce que j’ai su entre les branches, l’argument évoqué, avance René Bougie, c’est qu’aucune mesure ne viendra potentiellement faire une brèche dans ce mur, ce monopole de la SAQ. »

René Bougie dénonce l’incohérence gouvernementale. « Le gouvernement de la CAQ dit vouloir soutenir les producteurs québécois, favoriser l’achat local, les vrais produits locaux faits de A à Z sur le territoire. C’est exactement ce que nous faisons et on se fait mettre des barrières qui n’ont pas lieu d’être. Ce sont des aberrations qui sont frustrantes », peste-t-il. 

Le président de Miellerie King trouve inconcevable de se voir limité et de ne pouvoir proposer ses produits dans les marchés publics, des produits reconnus à l’international.

Sa crème alcoolisée Alvéole a remporté une médaille d’or ainsi que le prix de la meilleure crème alcoolisée au Canada lors de la World Liqueur Awards de 2023 à Londres.

En février, la Miellerie King avait décroché le prix du meilleur brandy au Canada pour son brandy Ruchette lors de la Canadian Artisan Spirit Competition de 2023.

« On décroche de nombreux prix à l’international et au Québec et on n’est même pas en mesure de les commercialiser dans nos propres marchés publics. Pourtant, les instances ne cessent de dire à tout vent l’importance de l’achat local  et d’encourager nos producteurs. On se bat contre une machine et on n’est même pas capable d’effectuer notre mise en marché dans les marchés publics. C’est un peu triste », confie-t-il.

Le silence du gouvernement irrite René Bougie. « On n’a même pas un accusé de réception de leur part, c’est ce qui est vraiment choquant. On peut comprendre, dans une certaine mesure, qu’ils ne soient pas d’accord, mais au moins qu’ils prennent le temps d’écouter nos arguments », plaide-t-il, ajoutant que les producteurs artisans comme lui, en générant plus de revenus, pourraient contribuer davantage aux économies régionales.

René Bougie n’est pas seul à livrer bataille, lui qui parle aussi à titre de président de l’Association des producteurs d’hydromels et d’alcools de miel du Québec. « L’Union québécoise des microdistilleries partage aussi ces revendications, les producteurs de cidre également. Il existe beaucoup d’associations, ayant des membres artisans dans leurs rangs, qui nous appuient », conclut-il.