Collision mortelle à Lyster impliquant un autobus : le coroner émet quatre recommandations
Le coroner Me Pierre Bélisle formule quatre recommandations dans son rapport entourant le décès d’un jeune garçon de 5 ans de Lyster survenu en décembre 2021 lors d’une collision entre un autobus scolaire et un camion-nacelle. Le soleil et une signalisation déficiente ont joué un rôle, selon lui, dans ce drame.
Le coroner analyse d’abord les événements, rappelant que la funeste collision s’est produite vers 15 h 30 le 14 décembre 2021 sur le rang 8 Ouest à Lyster.
Deux enfants prenaient place à bord de l’autobus au moment de l’accident, dont la jeune victime, décédée sur le coup, ayant été grièvement blessée à la tête.
La collision, précise le coroner Bélisle, s’est produite sur une chaussée asphaltée, sèche et en bon état.
De plus, le temps était clair à l’heure de l’accident, mais, pour les véhicules en direction ouest, le soleil éblouissant réduisait la visibilité. Le conducteur de l’autobus a fait savoir que le pare-soleil ne suffisait pas à protéger sa vue. Il s’est avancé sur son siège pour améliorer sa visibilité. Celle-ci, cependant, s’est détériorée lorsque le conducteur a dépassé le rang 11, au point où il a dû se lever de son banc alors que sa vision se limite à l’avant immédiat de l’autobus.
En apercevant quelque chose de gris devant lui, écrit le coroner, le conducteur de l’autobus a braqué son volant vers la gauche pour éviter l’obstacle. L’autobus a alors heurté l’arrière du camion-nacelle pour ensuite dévier vers la droite et s’immobiliser dans le fossé.
Les travailleurs s’affairaient à la pose de fibre optique. Les roues du côté conducteur du camion-nacelle touchaient la chaussée et les autres roues, côté passager, se trouvaient sur l’accotement en gravier.
Quelques minutes avant l’accident, a relaté un travailleur, un panneau orange a été placé pour signaler leur présence.
La Sûreté du Québec et la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST) ont fait enquête sur ce drame. Aucune défectuosité mécanique n’a été constatée sur l’autobus qui roulait à moins de 50 km/h au moment de l’accident, en deçà de la vitesse permise de 80 km/h. Le chauffeur de l’autobus était aussi un conducteur d’expérience qui connaissait très bien le parcours.
Les inspecteurs de la CNESST se sont penchés sur la conformité de la signalisation en place en regard des dispositions du Code de la sécurité routière et notamment des énoncés par le Tome V portant sur la signalisation routière.
Le rapport de la CNESST note qu’aucune firme de signalisation n’avait été retenue pour les travaux exécutés sur le rang 8 Ouest. Les deux travailleurs n’avaient aucune formation à ce chapitre et ne disposaient dans leur camion que de 10 cônes et 4 panneaux de signalisation avec leurs socles.
La seule signalisation en place annonçant les travaux aux abords de la route était le panneau installé par le conducteur à 38 m à l’arrière du camion dans l’accotement. « Cette signalisation ne rencontre ni les exigences réglementaires ni celles qui auraient pu être définies dans un plan conçu par un ingénieur », souligne Me Bélisle.
Dans le présent cas, note le coroner, la réglementation obligeait d’abord à ce que la route soit fermée en raison du niveau d’empiétement sur la voie de circulation. Cette fermeture impliquait la mise en place de feux de circulation temporaires, de même que des panneaux signalant les activités à différentes distances du site des travaux, le plus éloigné devant être placé à 350 m.
« Si l’éblouissement du soleil est la cause de ce tragique accident, la collision est survenue parce qu’un véhicule faisait obstacle dans la voie où circulait légitimement l’autobus », affirme le coroner, ajoutant « qu’il ne s’agit pas d’un obstacle fortuit, la présence du camion-nacelle résulte de travaux planifiés, sans que soient mises en place des mesures de protection suffisantes pour assurer tant la sécurité des usagers que celle des personnes affectées à ces travaux ».
Une signalisation adéquate, souligne le coroner, aurait permis au chauffeur d’autobus « d’être alerté plus en amont de l’obstacle à plus d’une occasion par les panneaux déposés sur les 350 m avant l’arrivée sur le site ».
Relevant que la CNESST a la charge de la formation et de la prévention des accidents sur les lieux de travail, le coroner note que l’employeur est le premier responsable de la sécurité des travailleurs. « Dans le cas de travaux impliquant l’occupation totale ou partielle de voies publiques, il (l’employeur) doit s’en référer au Tome V portant sur la signalisation routière pour mettre en place les moyens prévus et éprouvés et ainsi assurer, et la sécurité des travailleurs, et la sécurité des usagers de la route. Le plan déterminé doit être soumis au gestionnaire de la route », précise Me Bélisle.
Ce dernier reconnaît la complexité que peut parfois représenter l’élaboration d’un plan de protection d’aire de travail, sans compter que la mise en place des mesures qui en découlent peut comporter un important coût financier. « Toutefois, les compromis sur la protection de la vie humaine ne sont pas acceptables », fait valoir le coroner.
Pour assurer une meilleure protection de la vie humaine, plusieurs intervenants doivent être mis à contribution, estime Me Bélisle, afin de rendre plus efficace le respect des normes réglementaires touchant les moyens à déployer sur les chantiers exécutés sur les routes.
Les recommandations
Le coroner Bélisle formule, à l’intention de la CNESST, du ministère des Transports et de la Mobilité durable du Québec et au ministère de la Sécurité publique, quatre recommandations.
À la CNESST, le coroner recommande de poursuivre et d’intensifier ses efforts de sensibilisation et de formation auprès des entreprises et des travailleurs portant sur la signalisation routière et plus particulièrement sur le contenu du Tome V.
Il suggère aussi, avec la collaboration de l’Union des municipalités du Québec (UMQ) et la Fédération québécoise des municipalités (FQM), de mettre en place un programme de formation de base du personnel des municipalités pour leur permettre de mieux jouer leur rôle dans le cadre de leur responsabilité en matière de signalisation routière lors d’activités de travaux sur les routes.
Me Bélisle recommande, par ailleurs, au ministère des Transports et de la Mobilité durable, d’accorder aux municipalités l’accès gratuit au Tome V portant sur les normes de la signalisation routière.
Enfin, sa recommandation au ministère de la Sécurité publique consiste à rappeler aux corps policiers l’importance pour leurs patrouilleurs de porter une attention particulière aux travaux en activité sur les routes et aux abords des routes et de signaler à la CNESST toute situation pouvant représenter un enjeu de sécurité pour les travailleurs et les usagers de la route.
En février 2023, la CNESST avait rendu public son rapport qui mettait en lumière deux causes pour expliquer la collision : le fait que le camion nacelle entravait partiellement la voie et une déficience de la méthode de travail utilisée.