Antoine Tardif dénonce la décision de la SAQ de quitter le centre-ville 

Le maire de Victoriaville, Antoine Tardif, s’insurge contre la décision de la Société des alcools du Québec (SAQ) de quitter le centre-ville de Victoriaville pour déménager sa succursale vers l’ouest dans le secteur de la rue de l’Aqueduc. 

Cette décision a été communiquée le 14 juin aux autorités municipales lors d’une visite de l’équipe du développement immobilier de la SAQ. Dès lors, la Ville n’a pas tardé à réagir. Dans une lettre datée du 26 juin, le maire Tardif a manifesté, au président et chef de la direction de la SAQ, Jacques Farcy, son profond désaccord face à une telle décision tout en l’invitant à ne pas aller de l’avant avec le déménagement de la succursale.

Jacques Farcy lui a répondu, par lettre, le 12 juillet, en faisant valoir que son organisation, soucieuse de proposer la meilleure offre possible, au meilleur emplacement possible, est aussi tenue d’atteindre des objectifs rigoureux de saine gestion. « Depuis quelques années, nous cherchons à mieux rejoindre la population dans son ensemble sur votre territoire et nos clients qui vivent davantage à l’ouest de Victoriaville », écrit-il.

Une analyse du marché, poursuit-il, a démontré que l’activité commerciale permettant une bonne complémentarité pour les clients de la SAQ se concentre davantage sur la rue de l’Aqueduc. « La décision de la SAQ, précise Jacques Farcy, n’est pas de retirer des services à la population de Victoriaville, mais de mieux la desservir en déplaçant son point de vente du centre-ville vers un pôle commercial qui lui permettra d’offrir une complémentarité de services aux clients. »

Une implantation sur la rue de l’Aqueduc, observe-t-il aussi, permettrait aux deux succursales (succursale Sélection et succursale SAQ) de se retrouver plus éloignées l’une de l’autre offrant ainsi, selon lui, une couverture plus optimale du territoire en plus de réduire « la cannibalisation du marché ». Un appel d’offres en vue d’un déménagement est attendu d’ici la mi-octobre.

Une décision incohérente

Pour le maire de Victoriaville, la décision ne tient pas la route. Il y voit une incohérence vis-à-vis les orientations du gouvernement en matière d’aménagement du territoire. Une décision d’autant plus choquante, note-t-il, que c’est à Victoriaville, au début de l’été, que la ministre des Affaires municipales et de l’Habitation, Andrée Laforest, annonçait sa nouvelle politique sur l’aménagement du territoire. « Elle mentionnait d’ailleurs que l’État devait faire preuve d’exemplarité, que les centres-villes devaient être privilégiés dans le développement », souligne Antoine Tardif.

En page 29 du plan de mise en œuvre de la Politique nationale de l’architecture et de l’aménagement du territoire, on peut lire que « les centres-villes, les cœurs de quartiers et les noyaux villageois constituent de forts attraits où se concentre une variété de commerces et de services essentiels à la vitalité des communautés. Ils offrent un levier de développement économique et touristique, et même de revitalisation pour certains milieux ».

Le premier magistrat rappelle toutes les actions déployées pour revitaliser le centre-ville. « On a réinvesti massivement dans le centre-ville pour le reconstruire, on a mis sur pied des incitatifs financiers pour créer des logements et attirer des commerçants. Le taux d’inoccupation des locaux commerciaux au rez-de-chaussée a chuté drastiquement de 16% à 5% au cours de la dernière année. Nous sommes au cœur d’un processus en vue de l’établissement d’un hôtel au centre-ville. On a récemment eu une nouvelle concernant l’implantation d’une nouvelle clinique médicale. Tout va bien pour le dynamisme du centre-ville. Et la première mauvaise nouvelle qu’on reçoit provient du gouvernement lui-même »,  regimbe Antoine Tardif.

De plus, le maire de Victoriaville ne manque pas de souligner la contribution de 800 000 $ octroyée par Québec en août 2021 pour le déploiement d’un plan de relance du centre-ville afin de consolider son rôle de pôle commercial, culturel et résidentiel. « Quitter notre centre-ville pour s’installer près d’une zone résidentielle à faible densité comme vous le souhaitez peut sembler une occasion d’affaires pour la SAQ, mais s’avère contradictoire avec les directives gouvernementales en matière d’aménagement du territoire et les orientations du conseil municipal », a fait savoir Antoine Tardif au président et chef de la direction.

Jacques Farcy a dit comprendre la volonté des élus victoriavillois de répondre aux exigences du plan d’aménagement du territoire, mais, prend-il le soin de préciser, « la SAQ est tenue de répondre à des obligations commerciales ainsi qu’économiques ».

Le maire Tardif qualifie « d’extrêmement décevante » cette réaction du grand manitou de la SAQ. « La SAQ, plaide-t-il, doit tenir compte des orientations gouvernementales et prendre conscience que, dans ses obligations, figure l’appui au cœur des agglomérations et des communautés. La SAQ ne peut, à elle seule, à partir de son siège social de Montréal, affaiblir et remettre en cause ce que les élus de deux niveaux de gouvernement identifient comme essentiel pour l’organisation des services dans nos communautés. »

Des démarches ont été entreprises auprès de différents ministères. Le maire de Victoriaville a même discuté du dossier avec la ministre Laforest. « Elle louangeait la Ville en lien avec son dynamisme au centre-ville et, pourtant, elle nous dit avoir les mains liées avec la société d’État. Voilà toute la problématique, qui décide? », questionne-t-il.

L’État doit donner l’exemple, clame-t-il. « Comme si, à Victoriaville, on demandait aux citoyens de faire de la récupération et du compostage et que nous, à la Ville, on jetait tout aux poubelles. Il faut faire preuve d’exemplarité. Chez nous, on le fait dans nos pratiques et on s’attend la même chose du gouvernement et de ses sociétés d’État », fait valoir le maire Tardif tout en demandant à la SAQ de revoir sa décision pour Victoriaville et invitant aussi le gouvernement du Québec à mettre en place un mécanisme quelconque pour faire respecter les orientations gouvernementales, notamment pour les centres-villes.

La décision de la SAQ de quitter le centre-ville ne serait pas reliée à sa rentabilité. « J’ai posé la question. On m’a tout de suite rassuré, on m’a dit qu’elle était profitable, qu’elle fonctionnait relativement bien, mais qu’ils pensaient pouvoir augmenter leurs ventes en se relocalisant plus vers l’ouest. Cependant, il n’y a rien de confirmé. Ce ne sont que des études, des hypothèses sur lesquelles ils se basent pour faire ce changement », observe-t-il.

L’ouest, de plus, n’est aucunement le centre-ville, précise le maire. « Pourtant, le gouvernement du Québec nous demande de planifier notre développement, de faire des plans particuliers d’urbanisme, de mettre en place des actions pour offrir des services à la population dans les périmètres urbains, dans les centres-villes. C’est comme si la SAQ n’était pas tenue de considérer tout cela. C’est ce qui est choquant », exprime Antoine Tardif.

Et frustrant d’autant plus, renchérit-il, que la Ville a toujours agi comme un bon partenaire. « La Ville a fait des accommodements pour accueillir la SAQ où elle se trouve actuellement. On a aménagé un stationnement et démoli l’équivalant de cinq logements abordables. La Ville a toujours été un bon partenaire, toujours présente pour soutenir ses activités et aujourd’hui dans un claquement de doigts, on nous annonce avoir pris une décision d’affaires. Cela va clairement à l’encontre de tout ce que la Ville travaille et des orientations que nous demande le gouvernement comme ville », soulève-t-il.

S’il n’est pas du genre à frapper la table du poing et à y aller de déclarations fracassantes, Antoine Tardif reconnaît qu’il doit maintenant prendre le micro pour tenter de renverser la vapeur. « Je collabore efficacement avec nos partenaires, je suis toujours en mode solution. Mais aujourd’hui, si je prends la parole, c’est parce que j’ai l’impression d’avoir épuisé toutes mes options et je veux que ça se rende dans l’espace public afin d’amener le gouvernement à agir autrement. »

Le maire de Victoriaville exige que les orientations gouvernementales soient prises en compte par les sociétés d’État. « Sinon, c’est inquiétant, dit-il. Mais j’ai quand même espoir que la SAQ reviendra sur sa décision ou que le gouvernement décide d’une quelconque façon de faire appliquer ses orientations. »

Le départ de la SAQ, croit-il, constituerait un dur coup pour l’économie du centre-ville. « Les commerces du centre-ville sont tous bien conscients de l’attractivité qu’exerce la SAQ, mentionne le maire Tardif. Si les consommateurs viennent pour la SAQ, ils en profitent aussi bien souvent pour consommer autour. Pour les commerçants qui ont vécu une période difficile avec la pandémie, d’apprendre deux ans plus tard le départ de la SAQ a l’effet d’un coup de massue en pleine face. »

La Ville a tendu, par ailleurs, la main à la SAQ pour l’accompagner si elle souhaite déménager sa succursale ailleurs au centre-ville pour mieux combler ses besoins. Mais pour Jacques Farcy, un site alternatif « ne répond pas aux préoccupations de notre étude de marché et ne permet pas d’atteindre les avantages commerciaux et économiques requis de la part de la SAQ ».

« Ça ne nous fait pas plaisir, mais pas du tout! »

La Société de développement commercial (SDC) du centre-ville de Victoriaville réagit aussi vivement au possible départ de la SAQ. « Ça ne nous fait pas plaisir, mais pas du tout », lance la présidente Myriam Gauthier. La SDC, note-t-elle, travaille ce dossier avec le maire Antoine Tardif et la Chambre de commerce et d’industrie Bois-Francs-Érable. « Nous sommes en train de coordonner nos actions et nos paroles afin de mettre plus de pression sur la SAQ pour qu’elle revienne sur sa décision », précise Mme Gauthier.