Vanessa Tremblay déboutée par la Cour d’appel

VICTORIAVILLE. À la suite d’une audience tenue le 5 mai, le plus haut tribunal du Québec rejette l’appel de Vanessa Tremblay et maintient ainsi le verdict de culpabilité rendu par un jury le 9 février 2012 pour le meurtre au premier degré de Rémy Allaire. L’homme a été sauvagement assassiné à Victoriaville le 9 août 2010. Son corps démembré a été retrouvé deux jours plus tard dans une chambre du motel Claire Fontaine de Plessisville.

La décision de 24 pages du juge Jean Bouchard, à laquelle souscrivent les juges Allan R. Hilton et Manon Savard, a été rendue mardi.

La Cour d’appel, dans son arrêt, rappelle les deux théories, dont celle de la poursuite voulant que Vanessa Tremblay et le coaccusé en attente de procès Patrick Lavoie ont agi de concert, que Tremblay a poignardé la victime et que Lavoie, en raison de la violence des coups portés, l’a frappée à la tête.

Pour le ministère public, par ailleurs, les aveux à deux codétenues constituent la preuve de son intention de causer la mort de Rémy Allaire.

La défense, elle, soutenait que Lavoie était le seul meurtrier, que le comportement de Vanessa Tremblay après le meurtre était attribuable à la crainte que Patrick Lavoie lui inspirait et à la domination qu’il exerçait sur elle, et que les témoignages des codétenues étaient faux.

Questions en litige

L’avocat de Vanessa Tremblay, Me Dominic Bouchard, a fait valoir quatre éléments pour justifier l’appel et obtenir un acquittement ou un nouveau procès.

L’avocat estimait que le juge François Huot de la Cour supérieure avait erré en droit en limitant, à une seule question, le témoignage du psychologue Hubert Van Gijseghem.

À ce sujet, la Cour d’appel conclut que le magistrat a eu raison de limiter le témoignage de l’expert et que la précision apportée à sa directive était suffisante pour que la conduite de l’appelante (Vanessa Tremblay) après le meurtre ne soit pas mal utilisée par le jury.

Deuxièmement, Me Bouchard soutenait que le juge a erré en exposant au jury une interprétation de la preuve qui rehaussait de manière indue la crédibilité des deux principaux témoins de la poursuite, Lori-Ann Day et Josée Chouinard (les codétenues).

Dans sa décision, la Cour d’appel indique que cet élément ne peut être retenu, précisant notamment la mise en garde adressée, dans ses directives, par le juge Huot rappelant «qu’elles (Day et Chouinard) n’avaient pas hésité à mentir dans le passé lorsqu’il y allait de leur propre intérêt et qu’il était dangereux de prononcer une condamnation sur la foi d’une preuve non confirmée de ce genre».

La Cour d’appel précise aussi que le juge a expliqué au jury comment composer avec les antécédents judiciaires des deux témoins. «En second lieu, lit-on aussi dans la décision, chaque fois que le juge réfère au témoignage de Lori-Ann Day et Josée Chouinard, il y oppose celui de l’appelante, respectant ainsi les règles de l’équité.»

Le plus haut tribunal de la province estime aussi que le juge Huot a correctement procédé à une récapitulation de la preuve rattachée au droit comme l’enseigne la Cour suprême.

La Cour d’appel réfute aussi la prétention de la défense à l’effet que le juge, dans ses directives au jury, aurait pris indûment position sur la crédibilité de l’accusée, créant du même coup une forte probabilité d’influence sur le jury.

La Cour considère comme «une goutte dans l’océan» le fait que le juge aurait attiré l’attention du jury sur une certaine réponse de l’accusée, ce qui, a plaidé Me Bouchard, pouvait signifier que sa cliente n’était pas crédible.

Quant aux propos très sévères tenus par le juge Huot à l’endroit de Vanessa Tremblay après le verdict, la Cour d’appel les juge inappropriés, mais rejette l’idée qu’ils puissent soulever un doute quant au caractère objectif des directives.

Le magistrat, on s’en souviendra n’avait pas mis de gants blancs. «Manifestement, le jury n’a pas cru votre version. Moi non plus d’ailleurs. C’est fort compréhensible, car votre témoignage, accusée, était cousu de fil blanc… Vous joignez, a-t-il dit alors, le club très peu sélect des meurtriers et des assassins… Les gestes que vous avez posés correspondent à un assassinat pitoyable, à une boucherie inqualifiable, la pire abomination qu’il m’ait été donné de voir au cours de mes 23 ans de pratique en droit criminel… Je ne peux même pas qualifier vos gestes de bestiaux. Non, même les animaux les plus féroces, les plus cruels, les plus sanguinaires ne se livreraient jamais à pareille ignominie sur un de leurs semblables… Les actes que vous avez commis, accusée, dépassent l’entendement et nous conduisent tout bas aux abysses de la bassesse humaine.»

Le juge Huot lui avait aussi exposé une photo de la tête de la victime. «Regardez la tête décapitée de cet homme qui a été sacrifié sur l’autel de la bêtise et de la cruauté humaines. En vérité, je vous le dis, accusée, la peine que je m’apprête à vous infliger, ne sera pas la pire sentence. Non. Votre pire sentence sera d’emporter avec vous l’image de cette victime mutilée dans la froidure de votre tombeau…»

La Cour d’appel note qu’avec de telles paroles, le juge a manqué à son devoir de réserve. «Je ne suis pas disposé cependant, a écrit le juge Bouchard, à y voir là un manquement pouvant entacher l’équité ou l’équilibre de ses directives que j’ai lues et relues avec attention.»

Le juge Bouchard précise aussi, à l’exception des propos en question, ne retenir aucun autres propos ou commentaire du juge au cours de son exposé final pouvant indiquer une absence d’impartialité ou de neutralité.

«Certes, l’indignation du juge est palpable, mais le procès en est à son 24e jour et on ne saurait lui faire reproche d’avoir sa propre opinion rendu à ce stade avancé des procédures, encore qu’il eut mieux valu qu’il la garde pour lui-même», écrit le juge de la Cour d’appel, ajoutant aussi qu’à ce moment, le travail des jurés était terminé.

L’appelante (Vanessa Tremblay) n’a donc pas su démontrer que le juge ne s’est pas convenablement acquitté de sa tâche.

Enfin, au sujet du quatrième motif d’appel soulevé, la défense soutenait que le juge avait erré en marginalisant la personnalité agressive et le rôle joué par Patrick Lavoie.

À l’argument évoqué à l’effet que le juge n’avait pas suffisamment souligné au jury les éléments de contrainte psychologique exercés par Lavoie sur Vanessa Tremblay, la Cour d’appel fait valoir que «le juge du procès n’est pas tenu de procéder à une récapitulation exhaustive de la preuve. Son obligation consiste plutôt à en faire un résumé concis et équitable… »

La Cour d’appel a conclu notamment que le juge Huot a correctement résumé la thèse de Vanessa Tremblay et qu’il a informé, en plusieurs occasions, le jury du fait qu’il devait considérer l’ensemble de la preuve, un élément suffisant pour pallier le risque que le jury se limite dans son analyse aux seuls faits rapportés par le juge.