Un pasteur baptiste condamné au pénitencier

Le pasteur baptiste Claude Guillot, qui a déjà sévi à Victoriaville, a été condamné à huit ans de pénitencier, jeudi, par le juge Christian Boulet à Québec.

En avril, Claude Guillot, âgé de 72 ans, a été reconnu coupable de 18 chefs d’accusation de voies de fait, de harcèlement et de séquestration à l’endroit de cinq victimes, des faits survenus entre 1982 et 2014 à Victoriaville et à Québec.

La plus jeune des victimes, Marc Levasseur, n’avait que 4 ans lorsqu’il a commencé à subir les foudres du pasteur Guillot alors qu’il fréquentait l’école La Bonne Semence dans le sous-sol de l’église baptiste évangélique de la rue Saint-Paul à Victoriaville.

Il a enduré les sévices pendant plus d’un an. Son pire souvenir, a-t-il déjà raconté, est la fois où le pasteur lui a infligé 22 coups de bâton.

En entrevue téléphonique, vendredi matin, avec le www.lanouvelle.net, Marc Levasseur dit avoir accueilli la décision du tribunal avec un très grand soulagement.

Le juge, dit-il, a évalué que Guillot aurait pu se voir imposer une peine de 15 ans, mais le principe de proportionnalité des peines militait pour une peine globale de huit ans de pénitencier. « On aurait aimé 10 ans, mais huit ans, c’est un minimum. En bas de ça, cela aurait été une insulte », souligne Marc Levasseur.

Ce dernier observe avec satisfaction qu’aucun facteur atténuant n’a été retenu alors qu’il existe plusieurs facteurs aggravants. « Cet homme, qui n’a aucun remords, a posé des gestes, a souligné le juge, pour briser, pour casser les enfants », indique M. Levasseur, heureux de tourner la page sur l’aspect criminel de l’affaire, mais heureux surtout que le pasteur soit mis hors d’état de nuire. « Il est fini. Il ne fera plus de mal. C’est ce qu’on voulait », affirme Marc Levasseur.

Abroger l’article 43

Les victimes de Claude Guillot, par ailleurs, plaident pour l’abrogation de l’article 43 du Code criminel canadien qui stipule que tout instituteur, père ou mère, ou toute personne qui remplace le père ou la mère, est fondé à employer la force pour corriger un élève ou un enfant, selon le cas, confié à ses soins, pourvu que la force ne dépasse pas la mesure raisonnable dans les circonstances.

Pour les victimes, la force raisonnable constitue une notion subjective qui varie énormément en fonction des perceptions de chacun et des convictions politiques, culturelles, religieuses et morales. « C’est sur la base de cet article que Claude Guillot se livrait à des châtiments corporels », fait valoir Marc Levasseur.

Les victimes estiment que l’article 43 du Code criminel viole le droit à l’égalité que l’article 15 de la Charte canadienne des droits et libertés garantit aux enfants, créant une distinction entre les enfants et les autres citoyens. 

Les enfants, plaident les victimes de Guillot, devraient jouir des mêmes protections contre les violences et les menaces d’agression que tous les autres citoyens canadiens, ce qui n’est pas le cas actuellement en vertu de l’article 43 qui accroît la vulnérabilité des enfants et les recherches démontrent, selon elles, les effets négatifs des châtiments corporels.

Le groupe observe aussi que les châtiments corporels infligés aux enfants constituent une violation en vertu de la Convention relative aux droits de l’enfant des Nations Unies, car ils sont constitués de violence qui cause des séquelles ou des souffrances physiques, mentales ou sexuelles. Il note, de plus, que le Comité des droits de l’enfant des Nations Unies a recommandé à plusieurs reprises dans la dernière décennie que le Canada interdise les châtiments corporels infligés aux enfants, disant même regretter, dans son rapport du 18 mai 2022, que le Canada n’ait toujours pas abrogé l’article 43.

Les victimes déplorent le retard du Canada en la matière, faisant remarquer que

64 pays dans le monde ont interdit les châtiments corporels entre 1979 et aujourd’hui, et qu’actuellement, 27 autres pays sont en processus de réformer leurs lois afin d’abolir les châtiments corporels envers les enfants.

Pourtant, rappellent les victimes, de multiples interventions, pétitions et actions demandant l’abrogation de l’article 43 ont été faites depuis des décennies, notamment par des sénateurs, députés, citoyens ainsi par plusieurs centaines d’organismes et regroupements au Canada. Même l’Association médicale canadienne, précise-t-on, a réclamé l’abrogation de l’article 43 depuis 2012, considérant que cet article protège les mauvaises pratiques d’éducation parentale.

« Ça fait 50 ans que des gens militent pour l’abrogation de cet article du Code criminel. Nous, on vient ajouter notre humble voix dans l’espoir de faire bouger les choses », précise Marc Levasseur sans vouloir se faire trop d’idées à cet effet.

Les victimes estiment que l’abrogation de l’article 43 doit passer la voie législative et non judiciaire et prient le gouvernement du Canada d’agir en ce sens. « Il est inacceptable qu’en 2022, le Code criminel offre comme moyen de défense ou autorise indirectement un parent à frapper, bien que modérément, son enfant », affirment les victimes.

Par ailleurs, le recours collectif entrepris contre Claude Guillot, l’Église baptiste évangélique de Victoriaville, l’Église évangélique baptiste de Québec-Est et l’Association d’églises baptistes évangéliques au Québec (AEBEQ) suit son cours.

Deux victimes pilotent le dossier, dont Marc Levasseur qui représente toutes personnes ou successions de personnes décédées ayant été victimes d’abus physiques et psychologiques de la part de Claude Guillot entre 1982 et 1984 alors qu’elles étaient mineures et qu’elles fréquentaient l’école La Bonne Semence de Victoriaville.  « On s’attend à ce que les audiences se tiennent à l’automne 2023 ou à l’hiver 2024 », conclut Marc Levasseur.