Signaleur happé : Christian Nadeau présente ses excuses

VICTORIAVILLE. Christian Nadeau, 48 ans, de Saint-Ferdinand, regrette, le matin du 29 janvier 2013, d’avoir conduit son véhicule en état d’ébriété très avancé et d’avoir heurté au bras, Michel Girard, un signaleur routier, sur un chantier de la route 165 à Plessisville.

«J’aurais voulu le faire avant, mais je m’excuse auprès de M. Girard et de sa famille pour tous les torts, les blessures et tout le stress et l’angoisse que j’ai pu leur faire», a-t-il exprimé, jeudi avant-midi, lors des représentations sur la peine.

Le matin de l’accident, Christian Nadeau, avait appelé une maison de thérapie à Thetford Mines. Il s’y rendait au volant de son véhicule lorsque la collision s’est produite. Mais Nadeau avait un taux d’alcool dans le sang, près du coma éthylique, soit 320 mg d’alcool par 100 ml de sang, ce qui signifie quatre fois la limite légale.

«Ma plus grave erreur, c’est de ne pas avoir appelé un proche, un taxi ou un ami pour me reconduire», a-t-il souligné.

La veille, il avait aussi, dit-il, téléphoné au centre de thérapie pour régler son problème de consommation d’alcool. «Ma conjointe voulait que j’aille réfléchir. Je me suis senti rejeté, abandonné. Dès lors, j’ai décidé de me reprendre en main», a-t-il relaté.

Christian Nadeau a complété avec succès une thérapie de 31 jours. «J’en suis fier, très satisfait. Je participe toujours aux réunions des Alcooliques anonymes. J’ai même commencé, a-t-il noté, à faire des partages, à raconter aux participants mon histoire sur les effets néfastes de la conduite avec les capacités affaiblies.»

Contre-interrogé par la procureure aux poursuites criminelles et pénales, Me Ann Marie Prince, le résident de Saint-Ferdinand a reconnu une rechute de consommation survenue après sa thérapie et qui a mené à son arrestation pour bris de condition. La cause est pendante devant la Cour. «Les mots me manquent pour expliquer mon geste, peut-être que je n’avais pas fait le deuil de toutes ces années de consommation. Ce soir-là, a-t-il rappelé, je ne me rendais pas à cette soirée chez des amis pour consommer. Mais j’ai sans doute oublié d’où je venais, l’accident et les torts causés. Le lendemain, j’ai pleuré toute la journée.»

Il s’agit, a-t-on dit, de sa seule rechute. «Par la suite, j’ai fait des démarches, des appels téléphoniques. On m’a dit que c’était normal une rechute. J’ai fait appel à des proches pour éviter que ça ne se reproduise», a-t-il soutenu.

La Couronne réclame la détention

Avant d’entreprendre ses représentations, la représentante du ministère public, Me Ann Marie Prince, à l’invitation du juge Jacques Trudel de la Cour du Québec, a rappelé les faits.

Elle a ainsi rappelé que, sur un chantier de travaux sur la route 165 à Plessisville, Christian Nadeau, qui travaillait alors comme superviseur des travaux de voirie pour la Municipalité de Sainte-Sophie-d’Halifax, conduisait avec un taux d’alcoolémie quatre fois plus élevé que la limite permise. Il est entré en collision avec des panneaux et des cônes avant de heurter, avec le rétroviseur, le bras du signaleur avant de s’immobiliser contre un véhicule.

«La victime éprouve encore des douleurs aux bras, bien qu’elle soit non permanente. M. Girard doit prendre de la cortisone, il fait encore des exercices chez lui. Et il s’est présenté à quatre rendez-vous de physiothérapie», a indiqué la représentante de la poursuite, notant que la victime a préféré ne pas prendre la parole lors des représentations sur la peine.

Me Prince a fait valoir au magistrat que, dans le but d’une dissuasion générale» pour dénoncer le fléau de ce genre de comportement dans la société, une peine de détention ferme entre quatre et six mois lui apparaissait appropriée.

Elle a notamment insisté, comme facteurs aggravants, sur les circonstances, sur le fait qu’il y avait sur le chantier plusieurs signaleurs, que les conséquences auraient pu être encore plus dévastatrices, tout en précisant le taux élevé d’alcoolémie et les blessures subies en plus des séquelles psychologiques. «Une dissuasion générale est nécessaire pour éviter ce genre de comportement qui doit être sanctionné», a plaidé Me Prince qui réclame aussi une interdiction de conduire pendant trois ans et une probation de deux ans incluant une interdiction de consommer de l’alcool et la poursuite de son suivi chez les Alcooliques anonymes.

Des travaux communautaires souhaités par la défense

«Plus de peur que de mal dans cette affaire», a observé, d’entrée de jeu, l’avocat de Christian Nadeau, Me Guy Boisvert, tout en s’interrogeant à savoir s’il était nécessaire de détenir son client. «Oui, c’est un délit objectivement grave, mais subjectivement, les séquelles subies sont moindres que dans d’autres dossiers», a-t-il fait remarquer.

Me Boisvert a également fait valoir le rapport présentenciel positif. «Monsieur est sincère, il admet sa responsabilité, il a exprimé des remords. Il a une situation personnelle stable, une conjointe, trois enfants. Il était et est toujours un actif pour la société, a signalé Me Boisvert. Il ne présente pas une structure de personnalité délinquante et il s’est mobilisé pour prendre en main son problème d’alcool. Il admet une rechute qui lui a toutefois fait prendre conscience de l’importance de maintenir sa sobriété, ce qu’il fait depuis avril 2013.»

Par ailleurs, Me Boisvert a soutenu que la médiatisation de l’affaire, et sa récupération par l’Association des signaleurs routiers, a eu un effet dissuasif certain. «Le fait que la victime soit un signaleur a eu des conséquences plus importantes. Il a été stigmatisé plus qu’un autre, ce qui a de quoi rassurer puisque mon client est suivi plus qu’un autre», a-t-il mentionné.

Christian Nadeau, selon son avocat, respectera à la lettre les conditions que pourrait lui imposer le Tribunal pour assurer sa réhabilitation sociale.

Me Boisvert estime que dans son cas, l’imposition de travaux communautaires servirait bien les fins de la justice. «Une peine de prison le priverait du bénéfice de l’emploi qu’il occupera au printemps (la réparation de bateaux) en plus de le priver de revenus pour sa famille. C’est la situation idéale pour des travaux», a soutenu l’avocat ajoutant qu’à limite, si le juge concluait à la nécessité d’une détention, il devrait imposer une peine discontinue de prison qui permettrait à l’accusé de maintenir son emploi.

«Il y a d’autres moyens que la détention, a ajouté Me Boisvert. Six mois d’emprisonnement, ça donnerait quoi? La médiatisation a fait son chemin. Le critère de dissuasion est satisfait.»

Le juge réfléchit

Après avoir entendu les deux procureurs, le juge Jacques Trudel a fait savoir qu’il voulait s’accorder une période de réflexion, notant au passage le rapport présentenciel très favorable pour l’accusé.

À un moment, le magistrat a fait lire à Christian Nadeau une lettre rédigée par la victime et ses proches. «Les personnes expriment ce qu’elles ont vécu, mais elles ne semblent pas en garder rancune envers vous. Cela peut vous aider à poursuivre dans la bonne direction», a souligné le juge Trudel.

Le président du Tribunal fera connaître sa décision le 8 juin à 14 h.