«Elle ne sentira jamais plus l’odeur d’une fleur»

«Elle a des séquelles à vie. Elle n’a plus les sens du goût et de l’odorat. Elle ne sentira jamais plus l’odeur d’une fleur», a relaté la fille de la victime happée par Tony Picard en soirée le 29 mai 2016 à Ham-Nord à l’intersection de la 3e avenue et de la route 161.

L’homme de 46 ans, qui habite Québec, a plaidé coupable à une accusation de conduite dangereuse causant des lésions. Il s’est endormi au volant pour ensuite percuter quelques poteaux, traverser un fossé, happer la dame et poursuivre sa route avec l’intention, selon lui, de s’arrêter au cimetière.

La fille de la victime témoignait pour la poursuite, en matinée, jeudi, à l’occasion des représentations sur la peine à imposer à l’accusé qui a pris le chemin de la prison pour six mois.

La femme de 46 ans a raconté ce qu’a vécu sa mère, les chirurgies, les fractures au bassin, un arrêt cardiaque, une greffe de la peau. «Son corps est vraiment mutilé», a-t-elle dit au juge David Bouchard qui a pu prendre connaissance de certaines photos.

«Ma mère a aussi subi un traumatisme crânien. Elle e été hospitalisée pendant trois mois, dont deux dans un état critique, en plus de quatre mois de réhabilitation. C’est encore difficile aujourd’hui. Elle a subi une chirurgie il y a deux semaines. Il en reste une autre pour aller vers la guérison», a-t-elle souligné.

Toutes ces conséquences montrent, a-t-elle noté, que tout ne s’arrête pas avec l’accident. «Il y a des dommages collatéraux pour les proches aussi. De voir une femme très vivante se retrouver avec les capacités amoindries, n’étant plus en mesure de passer l’aspirateur ou de préparer ses repas, c’est prenant!», a exprimé la fille.

Des regrets

Au moment du tragique accident, Tony Picard éprouvait des difficultés à dormir.

Interrogé par son avocat Me Denis Lavigne, Tony Picard dit n’avoir appris que le lendemain, par des enquêteurs, qu’il avait happé une dame.

«J’en ai pleuré pendant 15 minutes. Happer quelqu’un, c’est la pire affaire, je capote, a-t-il exprimé. J’ai des difficultés à dormir, je pense toujours à la dame. Je suis désolé. Si je pouvais prendre sa place, je le ferais. Je n’ai jamais voulu que ça arrive.»

Une suggestion commune

La procureure aux poursuites criminelles et pénales, Me Ann Marie Prince, a fait savoir que la poursuite et la défense proposaient une suggestion commune.

«En revisitant la jurisprudence, on constate que la fourchette de peines se situe entre 6 et 24 mois», a-t-elle souligné, en faisant état des facteurs aggravants et atténuants.

Me Prince considère, comme des facteurs aggravants, le fait que le conducteur ait poursuivi sa route, les sérieuses lésions subies par la dame et l’insouciance de l’accusé qui, malgré les signes de fatigue, n’a pas daigné s’arrêter.

En revanche, le plaidoyer de culpabilité, l’absence d’antécédent judiciaire, un dossier de conduite vierge et les remords exprimés constituent des facteurs atténuants.

En défense, Me Lavigne a fait valoir que son client a toujours mené une vie normale, qu’il ne présente aucun trait de délinquant. «Monsieur se reproche de ne pas s’être arrêté avant. Il a pris une très mauvaise décision. Mais depuis, il s’est mobilisé et a consulté un médecin pour son problème de sommeil», a indiqué l’avocat.

Par ailleurs, un seul point, l’interdiction de conduire, achoppait entre les parties.

Me Prince de la poursuite a suggéré une interdiction de 30 mois pour Tony Picard sous le coup d’une interdiction depuis l’accident.

Mais Me Lavigne a plaidé qu’une interdiction prolongée pouvait compromettre les acquis pour lui permettre d’être un actif pour la société.

La décision du Tribunal

D’entrée de jeu, le juge Bouchard a expliqué à Tony Picard que l’imposition d’une peine constitue un exercice de pondération devant tenir compte du principe d’individualisation, des facteurs atténuants et aggravants et rencontrer des objectifs comme la dénonciation et la dissuasion tout en favorisant la réinsertion sociale.

«Votre degré de responsabilité repose sur votre comportement. Vous étiez fatigué, vous le saviez et vous avez pris un risque en conduisant. Ce n’est pas un crime d’intention, mais votre comportement était à risque», a confié le magistrat, tout en considérant les blessures causées comme le plus important facteur aggravant dans cette affaire.

Pour le juge, la peine proposée de six mois de détention respecte la fourchette de peines et comporte les éléments de dénonciation et de dissuasion. «En vous isolant, la peine manifeste l’opprobre de la société. Conduire est un privilège, non un droit. Il faut dénoncer les comportements dangereux sur la route pour protéger la société qui considère ces comportements comme inacceptables», a conclu le juge Bouchard.

En plus de la peine de détention, Tony Picard sera soumis à une probation de deux ans avec un suivi de 12 mois. Il lui est interdit de communiquer avec la victime et ses proches.

De plus, l’homme de 46 ans devra effectuer 50 heures de travaux communautaires dans un délai de six mois à sa sortie de prison.

Enfin, le magistrat lui a imposé une interdiction de conduire de 12 mois.