Le cavalier urbain acquitté sur toute la ligne

Environ huit mois et demi après avoir quitté la région, Jean Roy, connu comme étant «le cavalier urbain», a fait un retour à Victoriaville, mercredi, au palais de justice, où deux procès l’attendaient.

Celui que les Victoriavillois ont vu maintes fois circuler à dos de cheval dans les rues a été acquitté de toutes les accusations auxquelles il faisait face. Jean Roy a d’abord subi son procès pour des événements survenus en soirée le 2 juillet 2017 à la Place Sainte-Victoire où se tenait un spectacle musical. Le ministère public l’accusait de méfait pour avoir troublé la quiétude lors du spectacle, d’entrave au travail d’un agent de la paix et de possession de cannabis.

Le procès, présidé par le juge Simon Ricard de la Cour du Québec, a permis d’entendre cinq témoins. La poursuite, représentée par Me Michel Verville, a appelé à la barre trois témoins, le policier Marc-André Normandin de la Sûreté du Québec et deux témoins civils, dont Elliot Morin, l’employé de la Ville responsable des spectacles à la Place Sainte-Victoire. En défense, Jean Roy s’est fait entendre, de même qu’un ami, François Hébert.

L’agent Marc-André Normandin de la SQ a été le premier témoin entendu. (Photo www.lanouvelle.net)

Le policier de la SQ a raconté ses interventions auprès de l’accusé ce jour-là, dont l’événement qui a mené à l’arrestation. Les policiers avaient été informés qu’avant le spectacle, le cavalier urbain a circulé sur le site avec son cheval. «Des citoyens nous ont interpellés pour dire qu’ils trouvaient cela inacceptable. Pour d’autres, c’était dangereux», a indiqué l’agent Normandin. Alors qu’une vingtaine de musiciens s’exécutaient sous le petit chapiteau devant plus de 200 personnes, Jean Roy, sans cheval cette fois, mais avec son chien, s’est pointé, se dirigeant vers la scène pour s’asseoir sur  le bord, alors que son chien s’est retrouvé dans la foule auprès de François Hébert, l’ami du cavalier.

Pour le policier Marc-André Normandin, il est clair que Jean Roy nuit au spectacle (d’où l’accusation de méfait). Mais avant qu’il n’intervienne, l’employé de la Ville a interpellé le cavalier urbain, l’invitant à partir. «Je lui ai dit qu’il ne pouvait prendre place sur la scène. Je n’ai pas eu de réponse de sa part», a-t-il indiqué.

Le policier, peu après, est intervenu. «Devant son refus d’obtempérer, je lui ai appliqué une technique d’escorte pour le faire quitter vers la rue Saint-Louis. Mais je l’ai projeté au sol lorsqu’il a fait preuve de résistance. Je l’ai arrêté et menotté, a-t-il expliqué. Durant l’intervention, il ne cessait de crier qu’on allait être dans la merde. Quand nous avons quitté avec lui, j’ai entendu la foule applaudir, les gens étaient contents de notre intervention.»

Me Guy Boisvert a défendu Jean Roy (à l’arrière). (Photo www.lanouvelle.net)

En contre-interrogatoire, l’avocat de Jean Roy, Me Guy Boisvert, l’a questionné sur la pertinence de l’entrave au spectacle. «Quel geste a-t-il posé pour entraver? Vous ne lui avez fait part d’aucun motif pour l’arrêter», a soutenu l’avocat. «Mon but était de faire cesser l’infraction pour que les gens puissent continuer de profiter tranquillement du spectacle», a répliqué l’agent Normandin.

Pour sa défense, le cavalier urbain a soutenu qu’il faisait l’objet d’acharnement et d’intimidation de la part des policiers. «Je me sentais harcelé, intimidé, voilà pourquoi j’ai quitté Victoriaville pour Sainte-Anne-des-Plaines. J’ai toujours mon cheval et mon chien. Je continue de faire ce que je faisais. Je n’ai plus de problème avec les policiers, ni avec personne», a-t-il fait valoir. Jean Roy nie avoir résisté à son arrestation le soir de 2 juillet 2017. S’il a bougé lorsque le policier l’a saisi, c’était pour prendre son cellulaire et filmer l’intervention comme il l’a fait à maintes reprises dans le passé. «J’étais bien assis. Je n’avais pas l’intention d’aller sur scène et de perturber le spectacle», a-t-il fait savoir.

Le jugement

Après une réflexion d’environ 75 minutes, le juge Ricard a fait connaître sa décision, indiquant, d’entrée de jeu, qu’il n’avait pas à décider si Jean Roy avait enfreint avec son cheval un règlement municipal. «Ce que le Tribunal doit décider, c’est si le policier avait un motif raisonnable de croire à une infraction et s’il avait le pouvoir de procéder à une arrestation», a noté le magistrat qui a conclu par la négative. Même que, selon le juge, «le policier n’a pas agi dans l’exercice de ses fonctions». «Quelle infraction commet-il?, s’est questionné le président du Tribunal. S’il a pu être dérangeant plus tôt avec son cheval et son chien, la preuve (pour l’événement en soirée) ne supporte la commission d’aucune infraction criminelle. Si le policier pouvait croire subjectivement que Jean Roy nuisait au spectacle, la preuve, objectivement, ne le supporte pas.»

D’ailleurs, la vidéo, filmée par un citoyen et présentée lors du procès, montre Jean Roy assis sur le bord de la scène. «Il n’y a pas foule à proximité de la scène. Il y a amplement d’espace. Rien ne semble entraver la vue du spectacle, a fait remarquer le juge Ricard. On a une vue très claire de la scène. Rien n’empêche la transmission du son. L’accusé est immobile, semble même silencieux et ne touche à rien.»

Le juge l’a donc acquitté de l’accusation de méfait, mais aussi de l’accusation d’entrave. «Dès qu’il eut atteint M. Roy, le policier l’a agrippé par un bras, et le policier reconnait même ne pas l’avoir informé d’un motif pour l’arrêter», a souligné le magistrat. Quant à l’accusation liée au cannabis, elle est tombée au début de la preuve de la défense quand Me Boisvert a présenté une mention de non-lieu, acceptée par le Tribunal. «En l’absence totale de preuve, vous êtes acquitté», a conclu le juge.

Me Michel Verville pilotait le dossier pour la poursuite. (Photo www.lanouvelle.net)

Quant au deuxième procès qu’il devait subir pour bris de condition et possession de cannabis à la suite d’une arrestation survenue un mois après la première, Me Verville a fait savoir que le ministère public n’avait pas de preuve à offrir, ce qui a mené à des acquittements.

Le cavalier urbain a accueilli avec satisfaction la décision de la Cour. «Je suis très heureux, surtout pour dire à la population de Victoriaville que mes façons de faire ont toujours été pacifiques», a-t-il dit à la sortie de la salle d’audience. Jean Roy dit n’en vouloir à personne, pas même aux policiers. «La majorité des policiers à Victo sont de bons policiers. Mais il faut faire attention à ce qu’on fait, a-t-il confié. Il ne faut pas regarder les choses de façons émotives.»

Le cavalier urbain s’est même permis un message pour la population. «Je n’ai rien gagné là-dedans. Mais j’espère que les gens vont continuer à circuler avec leurs animaux. Cela fait du bien aux gens, c’est rassembleur, a-t-il fait valoir. Avec l’intolérance d’aujourd’hui, j’espère que ça aidera Victoriaville à comprendre qu’on n’est pas toujours obligé de payer quelqu’un pour faire de l’amusement animal. On est capable chacun d’amener son petit côté pour faire du bien aux gens. Arrêtez d’avoir peur d’avoir peur. Ayez confiance!»