La condamnation de Lavoie vient clore un «chapitre de l’horreur»

TROIS-RIVIÈRES. Au palais de justice de Trois-Rivières, mercredi après-midi, le juge François Huot de la Cour supérieure du Québec a entériné la suggestion commune de la poursuite et de la défense en condamnant Patrick Lavoie à l’emprisonnement à vie sans possibilité de libération conditionnelle avant 20 ans.

C’est ce délai d’admissibilité qui a fait l’objet d’une proposition du procureur aux poursuites criminelles et pénales, Me Benoît Larouche, et son vis-à-vis de la défense, Me Louis Belliard.

À la suite de négociations entre les parties, Lavoie, 46 ans, a reconnu sa culpabilité, le 1er avril, à une accusation réduite de meurtre au deuxième degré relativement à la mort violente de Rémy Allaire survenue le 9 août 2010 dans le logement de l’accusé sur la rue Saint-Jean-Baptiste à Victoriaville.

Le corps démembré de la victime avait été retrouvé deux jours plus tard dans une chambre du motel Claire Fontaine de Plessisville.

Témoignage émouvant

En début d’audience, à laquelle assistaient une douzaine de membres de la famille Allaire, le procureur du ministère public a résumé, à la demande du magistrat, les faits de cette sordide affaire.

Par la suite, la conjointe de Rémy Allaire a fait la lecture d’une lettre empreinte d’émotions dans la laquelle elle fait état de l’enfer qu’elle a connu, des vies brisées, «dévastées à jamais».

«Il n’y a pas de mots, a-t-elle dit d’abord, pour décrire la mort atroce de son mari. Ça me lève encore le cœur aujourd’hui.»

Rien ne peut combler, a-t-elle souligné, le vide créé par la perte de l’être cher. «J’ai cheminé, mais ma vie ne sera plus jamais la même. Chaque événement me rappelle cruellement son absence. Nous étions et nous sommes encore une famille tricotée serrée. J’ai le soutien de mes enfants. Sans eux, il m’aurait été impossible de continuer», a mentionné Mme Allaire.

La dame a manifesté son soulagement devant le dénouement de cette horrible histoire. «Un autre procès nous aurait obligés de revivre l’atrocité, de revivre ce qu’ont fait deux êtres monstrueux. Revivre un procès aurait été insupportable», a-t-elle confié pour ensuite parler de nombreuses qualités de son époux.

«Mon mari était un homme pacifique, sans histoire. Un homme bon, accueillant, bon vivant et sans malice. Il était un père tendre, attentionné. On lui a enlevé les belles années qu’il lui restait, a-t-elle poursuivi. Un chapitre de l’horreur est clos. On peut tourner la page, mais on ne peut réécrire l’histoire. On doit aller de l’avant et vivre avec nos démons.»

Une suggestion raisonnable

En entérinant la proposition soumise par les parties, le juge François Huot l’a qualifié de «juste et appropriée», une peine respectant le principe de proportionnalité et tenant compte du degré de responsabilité morale de l’accusé, des circonstances aggravantes et atténuantes et du fait que la preuve était moins forte à son égard que celle de la coaccusée Vanessa Tremblay, condamnée au pénitencier à perpétuité en février 2012 après avoir été reconnu coupable, par un jury, de meurtre au premier degré (en raison de l’élément de séquestration avec les menottes).

«Accusé, levez-vous!», a lancé, d’un ton direct le magistrat qualifiant «d’odieux et de sordide» le crime commis envers M. Allaire.

En condamnant Vanessa Tremblay en 2012, le juge Huot avait tenu des propos cinglants. «J’avais exprimé le fond de ma pensée sur le crime commis. Il n’est pas nécessaire, ici, de les reprendre, mais je n’en pense pas moins, a-t-il dit. Les gestes posés traduisent chez vous un profond mépris de la vie humaine et une inqualifiable indifférence pour l’intégrité de la personne humaine.»

Le président du Tribunal a considéré comme facteur aggravant l’acharnement particulier dont Lavoie a fait preuve, sa conduite après le meurtre en démembrant le corps pour l’abandonner dans une chambre de motel et ses antécédents judiciaires (des antécédents en matière de violence, notamment).

«Patrick Lavoie, pour le meurtre crapuleux de Rémy Allaire, je vous condamne à l’emprisonnement à perpétuité et je fixe à 20 ans la période d’éligibilité à une libération conditionnelle. Garde, sortez l’accusé», a ordonné le juge Huot qui a ensuite souhaité bonne chance à la famille Allaire.

Commentaires des procureurs

Le procureur de la poursuite, Me Benoît Larouche, s’attendait à ce que le juge Huot entérine la suggestion. «Ce n’est pas un chiffre qu’on lance en l’air. On s’appuie sur la jurisprudence», a-t-il expliqué, tout en se disant soulagé, comme la famille, que le dossier soit enfin réglé.

Le plaidoyer enregistré par Patrick Lavoie, a souligné Me Larouche, évite la tenue d’un procès qui aurait duré environ six semaines où une trentaine de témoins auraient été entendus. «On a considéré aussi le côté humain, les émotions vécues par la famille. Mais, a aussi précisé le représentant de la poursuite, je devais composer avec le témoignage de Vanessa Tremblay qui n’a pas été crue une première fois puisqu’elle a été trouvée coupable.»

Interrogé à savoir si le dénouement avec Lavoie pouvait donner des munitions à Vanessa Tremblay pour demander une réévaluation de son cas, Me Larouche dit ne pas s’inquiéter du tout. «Pour moi, le dossier de Vanessa Tremblay est clos. La Cour d’appel s’est prononcée, l’appel a été refusé. Et le délai pour la Cour suprême est terminé.»

L’avocat de Patrick Lavoie, Me Louis Belliard, estime qu’il s’agit d’une peine sévère, comme il l’a évoqué devant le juge Huot. «Mais je pense qu’il s’agit d’une peine juste, a-t-il fait savoir aux journalistes à la sortie de la salle d’audience. La suggestion n’apparaissait pas déraisonnable au juge qui reconnaît que la qualité de la preuve était moins bonne que dans le cas de Vanessa Tremblay. La participation de M. Lavoie était moins claire.»

Patrick Lavoie, étant détenu depuis son arrestation en août 2010, pourrait demander, a expliqué son avocat, une libération conditionnelle dans un peu plus de 15 ans. «Si les autorités estiment qu’il peut sortir. Mais il s’agit d’un emprisonnement à vie. Il demeurera à jamais sous la responsabilité de l’État fédéral. S’il faisait un faux pas alors qu’il se trouve en liberté conditionnelle, il serait renvoyé en détention», a conclu Me Belliard.