Interdiction d’exercer sa pratique auprès des femmes

Le Victoriavillois Léo Bernier, un travailleur social jadis à l’emploi du Centre de santé et de services sociaux d’Arthabaska-et-de-L’Érable, ne pourra plus exercer auprès d’une clientèle féminine.

Ainsi a tranché le Tribunal des professions dans une décision rendue le 2 mai concernant cet individu qui, en septembre 2012, a reconnu, entre septembre 2010 et septembre 2011, avoir posé des actes dérogatoires à la dignité de sa profession en tenant des propos et en posant des gestes abusifs à caractère sexuel à l’égard d’une femme.

Cette cliente, aux prises avec une problématique de santé mentale, sortait d’une hospitalisation en psychiatrie et nécessitait un suivi à l’externe.

C’est en mars 2010 que la dame a entrepris son suivi avec Léo Bernier avec qui elle a développé une confiance et une bonne relation, souligne le jugement du Tribunal.

Mais environ six mois plus tard, le thérapeute a commencé à lui parler «des limites de l’échange verbal et de l’importance de l’utilisation du corps, des massages pour exprimer ses émotions».

Entre le début de juin et la mi-juillet 2011, Léo Bernier lui a prodigué quatre massages, peut-on lire, dont deux sur tout le corps, y compris les seins.

Le travailleur social lui a aussi remis, au cours des rencontres certains documents, dont un DVD intitulé «Sexualité» portant, notamment sur la fellation, le cunnilingus, le point G, la sodomie, les jeux érotiques, la domination et les vibrateurs.

Il lui a aussi remis son autobiographie contenant des chapitres traitant du bondage, de discipline, de domination, de soumission, de sadomasochisme. Il y aborde notamment les règles de base pour être un bon soumis, les limites de la personne soumise, les étapes dans le développement d’un échange de pouvoir érotique.

Bernier a admis avoir prêté le matériel à sa cliente, reconnaît avoir prodigué des massages à des fins supposément thérapeutiques, mais il a nié le caractère sexuel des messages et a soutenu avoir respecté le code d’éthique des massothérapeutes et celui de son ordre professionnel des travailleurs sociaux.

Une plainte a donc été portée contre Léo Bernier le 18 janvier 2012. Le 20 septembre de la même année, à la première journée d’audience devant le Conseil de discipline de l’Ordre des travailleurs sociaux et thérapeutes conjugaux et familiaux du Québec, Bernier a plaidé coupable aux deux chefs qui lui étaient reprochés.

Or, la décision du Conseil,  concernant la sanction, ne viendra que le 7 mai 2015, après deux ans et deux mois de délibéré, une durée «inacceptable» pour le Tribunal des professions.

En appel

Le Conseil de discipline a imposé à Léo Bernier une radiation temporaire de deux ans en plus de le soumettre, le cas échéant, à une formation de 60 heures en éthique et déontologie.

Cette sanction a été portée en appel, tant par le syndic de l’Ordre que par Léo Bernier, le syndic la jugeant trop clémente, et Bernier l’estimant trop sévère. Mais tous deux ont considéré que la décision était insuffisamment motivée et qu’elle omettait de considérer plusieurs facteurs essentiels à la détermination d’une sanction disciplinaire adéquate.

Le Tribunal des professions a donc analysé le dossier. Dans son jugement, il qualifie de «très graves» les gestes posés par le professionnel, des gestes qui ont eu des répercussions sérieuses, notamment sur l’état de santé mentale de la dame qui a subi une rechute.

«Il ressort de la preuve qu’il a non seulement abusé de la confiance établie avec sa cliente… mais qu’il a aussi tenté de l’influencer et de susciter son intérêt pour ses propres penchants sexuels atypiques. Le matériel qu’il lui a remis, incluant son roman autobiographique, comporte un contenu fortement suggestif, explicite et même pornographie», indique le Tribunal, soulignant aussi, en parlant de Léo Bernier, du «caractère envahissant de sa démarche».

Quant aux massages prodigués devant supposément aider la dame à exprimer ses émotions avec son corps, ils sont, de l’avis du Tribunal, «une duperie pour pouvoir se livrer à des attouchements et à des gestes ambigus à caractère sexuel».

Pour le Tribunal, même si Léo Bernier déclare avoir réalisé que son comportement n’était pas adéquat et qu’il ne le répèterait pas, «le professionnel ne comprend apparemment pas la portée de ses gestes. Son témoignage, livré dans le but de nier la véracité de certains faits, revêt une très forte tendance disculpatoire. Il cherche à convaincre le Conseil que ses gestes visaient à éduquer, à informer et à aider sa cliente.»

De l’avis de Tribunal, le risque de récidive est important, «particulièrement en regard de la clientèle féminine», Bernier ne s’étant manifestement pas livré à un exercice d’introspection et n’a rien fait non plus pour permettre sa réintégration à l’exercice de la profession.

En agissant comme il l’a fait, Léo Bernier, selon le Tribunal, «a détourné son activité professionnelle pour la mettre au service de ses propres fantasmes».

Il a trompé sa cliente, discrédité la profession, des gestes qui, pour le Tribunal, méritent, au moins, une radiation temporaire de cinq ans.

Cette sanction est d’ailleurs déjà purgée puisque Léo Bernier n’a pas exercé sa profession depuis février 2012.

Le Tribunal a également prononcé une limitation permanente du droit d’exercice auprès de la clientèle féminine.

Une amende de 2500 $ lui a aussi été imposée, tout comme l’obligation, s’il souhaite une réinscription à son ordre professionnel, de suivre une formation en éthique et en déontologie, une formation sur la tenue de dossier et prendre part à un stage supervisé de 60 heures axé sur le rôle du travailleur social, la détermination et le respect de son mandat, le respect des frontières et limites dans la relation professionnelle, l’identification des situations de risque de conflits de rôle et d’intérêts.