Explosion d’un cabanon : le citoyen a gain de cause contre Promutuel Bois-Francs

La Cour supérieure du Québec rejette la demande en dommages-intérêts de Promutuel Bois-Francs à l’endroit d’André Goudreault dont le cabanon a été soufflé par l’explosion d’un bidon d’essence tôt le matin du 11 avril 2017 sur la rue Crochetière à Victoriaville.

Au moment de l’explosion survenue vers 6 h 30 ce matin-là, André Goudreault se trouvait au sous-sol de sa résidence, tandis que sa conjointe Pierrette Lavigne était attablée pour le petit-déjeuner.

Dans son jugement rendu le 2 mai, la juge Claudia P. Prémont de la Cour supérieure du Québec rapporte que l’homme a entendu sa femme crier. Le lustre de la salle à manger venait de tomber soudainement sur la table.

Le résident a rapidement monté et a constaté que des objets du cabanon ont été projetés entre la haie de cèdres sur le côté de sa résidence et l’abri d’auto. « Plusieurs vitres de la maison ont volé en éclats et divers items de la maison jonchent le sol, brisés. Il sort à l’extérieur et constate que la porte du cabanon a été projetée de l’autre côté de la rue. Il est en état de choc. Heureusement, personne n’a été blessé », écrit la juge.

Des dommages importants ont été causés à leur résidence ainsi qu’à des biens meubles et à un véhicule appartenant à leurs voisins.

Les pompiers ont informé le résident que l’explosion est survenue en raison d’une fissure du bouchon d’évent du bidon d’essence qui a laissé ainsi s’échapper des émanations. L’homme ignorait que le bidon était endommagé.

À la fin de l’été 2016 précédant les événements, l’homme, fidèle à son habitude, avait rangé son bidon d’essence comme il le fait depuis 10 ans à côté du barbecue à l’entrée du cabanon.

Entre le moment de l’entreposage et l’explosion, André Goudreault est entré plusieurs fois dans son cabanon, s’y rendant chaque semaine pour y quérir différents objets. « Il ne détecte aucun problème, bris ou odeur émanant du bidon », souligne la juge. Aucun odeur ni changement notable non plus lors de sa dernière visite dans le cabanon en mars 2017.

C’est sa conjointe qui a été la dernière à visiter le cabanon, la veille de l’explosion pour y récupérer un moustiquaire à installer. « Elle affirme ne pas avoir eu à déplacer le bidon ni avoir constaté d’odeur  particulière ou d’élément anormal », indique la magistrate. 

Dans cette affaire, Promutuel a indemnisé les voisins pour une somme d’un peu plus de 218 500 $, puis a poursuivi André Goudreault alléguant « son défaut d’avoir entreposé adéquatement le bidon d’essence ayant causé l’explosion et donc, les dommages.

André Goudreault s’est défendu en alléguant un cas de force majeure et a soutenu avoir renversé la présomption du Code civil du Québec en démontrant qu’il avait fait preuve d’un comportement sans faute quant à la garde, la conservation et la surveillance du bidon d’essence.

Par force majeure, explique la cour, on entend un événement imprévisible par une personne raisonnablement prudente et diligente dans les mêmes circonstances. La personne poursuivie doit démontrer qu’une personne raisonnable et prudence dans les mêmes circonstances n’aurait pas été en position d’exécuter, elle non plus, l’obligation à laquelle elle était tenue.

Dans le présent cas, la juge Prémont conclut qu’il n’était pas possible pour André Goudreault de prévoir l’explosion. « Selon la preuve entendue à l’audience (tenue le 4 novembre 2021), rien n’aurait permis à quelqu’un, dans les mêmes circonstances, d’empêcher la survenance de cet événement par quelque geste que ce soit », fait-elle valoir, ajoutant que le résident n’a bénéficié d’aucun indice qui aurait pu lui permettre de réagir et d’éviter cet événement causé par un bris qui ne pouvait être détecté par une personne raisonnable dans les mêmes circonstances.

Par ailleurs, la compagnie d’assurance a insisté sur le caractère dangereux de l’essence qui se trouvait dans le bidon et qui méritait, selon elle, une attention particulière du citoyen. Promutuel a soutenu, devant le tribunal, que les obligations du résident et l’analyse de son comportement doivent être empreintes d’une plus grande rigueur.

L’analyse de la preuve a cependant amené le tribunal à conclure qu’une personne diligente et raisonnable et placée dans une situation semblable n’aurait pas agi différemment.

La juge observe que le bidon ne se trouvait pas près d’une source de chaleur ou d’un objet qui aurait eu un impact sur sa détérioration ou la survenance de l’explosion. « Il a entreposé son bidon d’essence dans un endroit considéré comme approprié et sûr, au lieu de le laisser à l’intérieur de sa résidence. Il n’a jamais remarqué d’odeur d’essence émanant du bidon qui aurait laissé présager un bris ou une fissure, a-t-elle rappelé. Cela est confirmé par son épouse qui visite le cabanon la veille de l’explosion. »

Le tribunal en conclut donc que la preuve générale d’absence de faute a été faite et que rien n’obligeait le citoyen à en faire plus malgré la dangerosité de l’essence qui, d’ailleurs, note la juge, ne fait l’objet d’aucune obligation d’entreposage, d’inspection ou de vérification particulière lorsque conservée en si petite quantité.

La juge a donc rejeté la demande de Promutuel, considérant que le résident « a agi comme toute personne raisonnable dans les circonstances et n’a commis aucune faute dans la surveillance ou l’entreposage du bidon ».