«Elle avait 15 ans et ne pouvait consentir»

Dernier à s’adresser au jury après les trois avocats de la défense, le procureur de la poursuite, Me Éric Thériault, a plaidé pendant trois heures, lundi après-midi, au procès de Pierre-François Blondeau, Jean-Christophe Martin et Dominic Vézina, accusés de crimes à caractère sexuel sur une adolescente de 15 ans. Des faits qui seraient survenus lors d’une soirée «rave» pour les 15-25 ans en octobre 2014 au Complexe Sacré-Cœur de Victoriaville.

Dès le départ, le représentant du ministère public a fait savoir qu’il avait le fardeau de prouver hors de tout doute la culpabilité des accusés. «Ce fardeau n’est pas impossible à faire, a-t-il noté. Des condamnations, il y en a tous les jours. La preuve n’a pas à être parfaite. Elle doit être considérée dans son ensemble.»

Le procureur Thériault a ensuite enchaîné avec la question du consentement. «Elle avait 15 ans et ne pouvait consentir. C’est la règle de base. Il revient aux accusés de s’assurer d’avoir pris toutes les mesures raisonnables quant à l’âge», a-t-il indiqué, tout en ajoutant que la plaignante n’était, par ailleurs, pas en état de consentir en raison de son intoxication.

Le procureur de la poursuite a fait remarquer qu’en défense, les avocats ont peu parlé des lésions subies par la plaignante. «Par la répétition et l’intensité des gestes, il était prévisible qu’ils pourraient causer des lésions», a-t-il noté.

En parlant de la soirée à Victoriaville, Me Thériault a rappelé que les participants semblaient tous sur le «party». «Tous semblent avoir consommé quelque chose», a-t-il dit.

La plaignante, a-t-il soutenu, peu habituée de consommer, avait pris, dans l’autobus, cinq «shooters» de téquila, en plus d’un comprimé de méthamphétamine au cours de la soirée. Elle présentait, selon lui, une incapacité de formuler un consentement éclairé. «Mais les accusés, eux, affirment qu’elle était dans un parfait état», a-t-il mentionné.

«Et si on ajoute une gorgée d’alcool, cette consommation ne corrobore-t-elle pas ses trous de mémoire et ses flashs (souvenir)? Cela ne démontre-t-il pas son état d’intoxication», a questionné Me Thériault.

Par ailleurs, le procureur s’est aussi interrogé au sujet des lésions de la plaignante. «Comment aurait-elle pu consentir aux lésions subies, à six pénétrations vaginales et anales, à quatre fellations, aux attouchements dans le véhicule?», a-t-il lancé, rappelant que la biologiste, après analyse des prélèvements effectués sur la présumée victime, a détecté la présence de sperme provenant de deux profils différents. «Pourtant, aucun des accusés ne dit avoir éjaculé dans la plaignante. Personne non plus n’admet une relation anale. Cela fait-il du sens?», s’est demandé Me Thériault.

Pour le procureur, il était raisonnable, pour la plaignante, de croire en la possibilité d’avoir été droguée puisque ses souvenirs flous ont commencé quand elle aurait pris une bière ou un verre de l’accusé Dominic Vézina.

Me Thériault a rappelé que la jeune fille, dans son témoignage, affirme ne pas comprendre ce qu’elle fait, qu’elle n’a pas de contrôle sur elle-même et qu’habituellement, l’alcool ne lui fait pas perdure des bouts.

«Oui, on vous soumet qu’elle était fortement intoxiquée. On a dû la transporter dans la chambre. Elle a commencé à dégeler après l’épisode de la salle de bain. Elle a même refusé une invitation d’aller s’étendre sur un lit», a signalé le procureur.

Interrogée à savoir pourquoi elle n’a pas dit non, la plaignante, a souligné Me Thériault, a répondu qu’elle ne sentait pas la douleur, qu’elle n’était pas en mesure de penser. «N’est-ce pas un comportement témoignant d’une intoxication?», a-t-il questionné devant les 12 jurés, six femmes et six hommes.

Le représentant de la poursuite a fait valoir, même si aucun procureur n’a employé ces mots, que la défense tentait de dépeindre la plaignante comme «une menteuse pathologique» parce qu’elle a caché à ses parents sa sortie à Victoriaville.

Alors que les accusés soutiennent que l’adolescente semblait tout à fait normale, le maître d’événement du Complexe Sacré-Cœur, a noté Me Thériault, a relaté avoir vu une fille nue, gênée, chambranlante et qui avait l’air sur la brosse.

Aux accusés soutenant ne pas avoir fait preuve de violence, le procureur du ministère public rétorque avec la trousse médico-légale qui a révélé de nombreux hématomes, des sécrétions et odeurs anormales, un saignement vaginal. «Énormément de douleur et de symptômes», a précisé Me Thériault. «Les accusés n’avaient-ils pas intérêt à dire qu’ils ont été doux et bande mou? Vous achetez ça leur défense d’érection molle?», a-t-il questionné en s’adressant toujours aux membres du jury.

«Avec six pénétrations pendant plus ou moins trois heures, n’est-ce pas prévisible que cela puisse causer des lésions?», a-t-il poursuivi.

Effectuant un retour sur le témoignage de chacun des accusés, le procureur de la poursuite s’est interrogé à savoir s’ils avaient un intérêt à mentir, à minimiser ou à se protéger. «À vous de le déterminer», a-t-il dit aux jurés.

Me Thériault s’est étonné aussi de la théorie de la défense laissant entendre que la plaignante aurait inventé l’histoire parce qu’elle se sentait coupable. «N’oubliez pas qu’elle ne peut consentir», a-t-il rappelé.

Pourtant, selon lui, la jeune fille, en témoignant, n’en a pas rajouté, n’en a pas mis «plus que le client n’en demande».

La poursuite a soulevé qu’en défense, on a mis beaucoup de temps sur le site Tinder sur lequel le profil de l’adolescence n’affiche pas son âge véritable. «On y passe beaucoup plus de temps que sur la trousse médico-légale», a observé Me Thériault.

Enfin, la défense, a signalé le ministère public, a tenté de lui mettre sur le dos le fait qu’elle n’ait pas fait témoigner le couple présent dans la chambre de l’Auberge Hélène. «Ils ne voulaient pas collaborer, a fait savoir Me Éric Thériault. On voulait leur version dans la recherche de vérité, mais ils n’ont pas voulu.»

Le procureur a terminé sa plaidoirie peu avant 18 h. Le jury a ensuite obtenu congé. À moins d’avis contraire, il reviendra au palais de justice, jeudi matin, pour entendre, pendant plusieurs heures, les directives du juge François Huot de la Cour supérieure du Québec.

Les délibérations suivront par la suite. Les jurés demeureront séquestrés jusqu’à ce qu’ils parviennent à un verdict unanime pour chacun des chefs d’accusation pour chaque accusé.

Pierre-François Blondeau, Jean-Christophe Martin et Dominic Vézina font face à des accusations d’agression sexuelle avec lésions sur une adolescente de moins de 16 ans, d’agression sexuelle avec la participation d’une autre personne, de contacts sexuels et d’incitation à des contacts.