Bernard Beaudet estime n’avoir rien fait de mal

Au troisième jour de son procès, au palais de justice de Victoriaville, l’ex-directeur du Service de protection contre les incendies de Warwick, Bernard Beaudet, a témoigné, mercredi après-midi, soutenant, à plusieurs occasions, ne pas avoir mal agi.

Arrêté le 15 avril 2014 par l’Unité permanente anticorruption (UPAC), l’homme de 55 ans fait face à six chefs d’accusation de vol, fraude, abus de confiance, fabrication et usage de faux documents.

«C’est une expérience très difficile à vivre. Il y a des choses qui font mal», a-t-il souligné.

Interrogé d’abord par son avocat Me Mathieu Camirand, Bernard Beaudet a été engagé comme pompier à Warwick en septembre 1993 pour devenir directeur en février 1997 à raison de 24 h par semaine, puis à temps plein à la suite du regroupement municipal en 2000.

Son véhicule personnel, un Jeep Cherokee bourgogne, enregistré au nom de sa conjointe entre 2000 et 2012, puis à son nom cette année-là, se voulait aussi un véhicule d’urgence avec gyrophares intégrés. «J’utilisais mon véhicule en tout temps, tous les jours, pour tous mes déplacements. Je l’utilisais presque toujours pour mon travail, et peu souvent à des fins personnelles», a-t-il expliqué, tout en estimant qu’il faisait, chaque semaine, entre 300 et 400 km.

Questionné sur les cartes de crédit de la Ville de Warwick, Bernard Beaudet, a confié que la directrice générale Lise Lemieux, au départ, avait fourni trois cartes pour les véhicules du service d’incendie. «Il n’y a jamais eu de règles concernant leur utilisation», a-t-il soutenu.

Par la suite, l’une des cartes a été remise à la Ville, le service d’incendie en conservant deux, dont l’une, pour faciliter les choses, est conservée en tout temps au dépanneur Gaz Store Ultramar à l’intention des pompiers devant faire le plein de la flotte des véhicules d’intervention.

Bernard Beaudet a conservé l’autre carte de crédit, celle dont il se servait pour faire le plein.

Cette carte, pourtant, selon la prétention de la Ville, ne devait servir que si la carte de crédit du dépanneur était défectueuse ou lorsque les pompiers interviennent en dehors de leur territoire.

L’ex-chef pompier a reconnu, peut-être à trois ou quatre reprises, avoir utilisé la carte de crédit à des fins personnelles. «Mais chaque fois, j’ai effectué le remboursement à la Ville», a-t-il dit.

«Y a-t-il eu des suites à cela?», lui a demandé Me Camirand. «Pas du tout. On ne m’a pas rencontré à ce sujet», a-t-il répondu.

L’ex-directeur Beaudet inscrivait son kilométrage lors de ses déplacements à l’extérieur pour des réunions, des formations ou autres.

Mais pour les déplacements sur le territoire, il aurait été «ingérable», trop compliqué, de calculer le kilométrage chaque fois qu’il partait pour une urgence. «Cela coûtait moins cher à la Ville le fait que je fasse le plein plutôt que de tout calculer le kilométrage. De plus, j’ai toujours assumé le coût de l’immatriculation plus élevé puisque c’est un véhicule d’urgence, le coût des pneus. Le moteur aussi que j’ai dû changer à trois occasions», a-t-il fait valoir.

Ce procédé faisait son affaire. «Et je n’ai jamais eu de réprimande concernant l’essence utilisée pour mon véhicule dans le cadre de mon travail», a confié Bernard Beaudet.

Il utilisait la carte de crédit en sa possession pour faire le plein toutes les semaines et demie environ. Trois employés de la station-service ont témoigné du fait que l’ex-directeur incendie payait avec sa carte, et non avec celle que gardait l’établissement.

Bien sûr aussi qu’il a déjà fait le plein d’autres véhicules incendie et qu’il utilisait la carte en sa possession. «Une carte ou l’autre, ça ne faisait pas de différence, ce sont des cartes de la Ville», a-t-il dit.

Les pneus et les tableaux

Interrogé sur l’achat de huit pneus et de tableaux pour la nouvelle caserne, l’accusé, concernant les pneus, dit avoir agi avec l’autorisation de la directrice générale. «Elle m’a donné le OK, je l’ai fait», a-t-il noté.

Même chose pour les toiles. «Madame Lemieux connaissait ma capacité à dénicher des commanditaires pour défrayer les coûts. En 21 ans, en commandite, on a beaucoup donné à la Ville, la caméra thermique, les pinces de désincarcération, le poteau dans la caserne», a-t-il indiqué.

En contre-interrogatoire, Bernard Beaudet a reconnu que des problèmes financiers ont pu jouer dans le fait qu’il tarde à rembourser les pneus.

Le cas du pompier Michael Martel

S’il y a une erreur qu’il reconnaît, minime, selon lui, c’est la modification des heures sur des feuilles de temps, une action qu’il a répétée entre 5 et 10 fois, a-t-il signalé.

«On a eu des difficultés à avoir une force de frappe pour respecter les exigences du schéma de couverture de risque. C’est pourquoi j’ai modifié des heures pour augmenter, et non atteindre, notre force de frappe quand il manquait plusieurs pompiers», a-t-il expliqué.

«Cela ne changeait rien pour le pompier Michael Martel, ni pour la Ville. Donc, pour augmenter notre force de frappe, j’ajoutais un pompier sur les lieux de l’intervention», a précisé Bernard Beaudet, précisant que le non-respect des orientations ministérielles pouvait avoir des conséquences pour la Ville au chapitre de l’immunité en cas de poursuites.

Plus tard, a fait savoir l’accusé, différentes façons ont été adoptées pour tenter d’augmenter la force de frappe.

De plus, Bernard Beaudet a dit ne pas savoir que son agissement concernant les feuilles de temps allait causer des ennuis au pompier Martel avec l’assurance-chômage.

Par ailleurs, l’ex-chef pompier a qualifié de «très problématique» le travail à la caserne du jeune sapeur. «Oui, on a déjà parlé plus fort, mais la plupart des rencontres étaient cordiales. J’ai été très bon avec lui. Jamais je ne lui ai refusé un congé si ça n’allait pas. Je ne l’ai pas congédié. Il a décidé de partir», a fait valoir M. Beaudet, disant percevoir un peu de vengeance à son égard.

«Après mon arrestation, j’ai eu peu de support des pompiers», a-t-il dit, tout en évoquant l’aspect de vengeance de deux pompiers qu’il a dû suspendre à un certain moment pour des gestes non liés au service d’incendie.

Bernard Beaudet a relaté aussi qu’il ne conservait pas les feuilles de temps des pompiers puisqu’il les reproduisait sur un tableau XL et les imprimait ensuite. Mais, en janvier 2014, à la suite de la demande de la directrice générale, il a conservé ces documents.

En contre-interrogatoire, la procureure du ministère public, Me Isabelle Roy, a fait un retour sur sa déclaration faite aux policiers le 21 mars 2014, moins d’un mois avant son arrestation, déclaration dans laquelle il se dit conscient que cela peut paraître louche quand on regarde sa situation financière. Me Roy a évoqué les dettes de l’accusé, notamment vis-à-vis l’impôt. La Ville, selon lui, ne lui percevait pas assez d’argent sur ses paies.
Bernard Beaudet, dans cette déclaration, fait aussi état de sa mauvaise expérience comme propriétaire d’immeubles à logements.

Une déclaration dans laquelle il soutient aussi, à la demande de la directrice générale Lise Lemieux, d’avoir augmenté le nombre d’heures à un pompier en guise de remboursement pour la réparation effectuée sur un équipement et que la directrice générale avait refusée de payer puisque le garage en question n’était pas reconnu par la Municipalité.

«C’est la seule fois où Mme Lemieux a refusé de payer une facture que je lui présentais», a confié Bernard Beaudet.

«Je n’ai pas l’impression d’avoir fait quelque chose de mal à la Ville, a-t-il mentionné dans sa déclaration. Je n’ai jamais volé la Ville», a fait valoir Bernard Beaudet qui, bien que payé pour 31 heures et demie par semaine, travaillait beaucoup plus, de 50 à 60 heures, selon lui. «J’étais de garde la plupart du temps, sept jours par semaine, 24 heures par jour. Je prenais peu de vacances, c’est vrai. J’étais toujours à la caserne. J’aimais ce que je faisais. Je ne tenais pas compte de mes heures. La Ville n’a jamais été perdante pour les heures que je faisais», a-t-il exprimé.

Ajourné peu avant 17 h 30, le procès reprendra à 9 h 30, jeudi. Me Roy de la poursuite continuera son contre-interrogatoire en abordant la déclaration de l’accusé faite aux policiers le jour de son arrestation.