Une expo brisée mais toujours compréhensible

Depuis quelques semaines, Gino Carrier expose ses photographies au Boisé-des-Frères-du-Sacré-Cœur de Victoriaville. Tout allait bien pour la vingtaine d’œuvres, sauf depuis quelques jours où des impressions sur ciment ont été abîmées.

En entrevue téléphonique, l’artiste originaire de Princeville, qui habite Montréal depuis plusieurs années, a expliqué qu’il était décevant de voir que des plaques avaient été abîmées et s’est lui-même rendu sur place pour voir l’ampleur des dégâts qu’on lui avait signifiés. «J’ai choisi de les mettre à l’extérieur à cet endroit. C’est désolant parce que j’y ai mis beaucoup de travail et investi de l’argent. Mais ça va avec le titre de l’exposition, «Dualité» : on brise ou non…»

Tout de même, il a décidé de laisser le tout en place, jusqu’au 29 septembre comme prévu. «Le bris des images ne dérange pas leur compréhension», estime-t-il.

Les photos imprimées sur de grandes bannières et accrochées aux arbres, elles, n’ont pas subi de dommages pour le moment. Pour ce qui est des plaques de ciment sur lesquelles l’artiste a imprimé des photos, plusieurs ont été cassées, volontairement ou non, et même déplacées. «À quel point c’est du vandalisme? C’est peut-être des enfants qui voulaient voir de près», ou bien un accident de curiosité espère-t-il.

De son côté, il assume son choix. En effet, avec cette exposition, dans le boisé, il s’agit d’un retour aux sources, lui qui a étudié au Collège des frères du Sacré-Cœur pendant deux ans. «J’ai planté des pins dans la pinède à l’époque. Quand j’ai vu l’appel de candidatures, j’ai tout de suite voulu y mettre mes images. Ça fait un bon lien avec mon histoire personnelle», explique-t-il.

Des plaques de ciment sont cassées.

Quant à la démarche qui l’a mené à l’impression sur plaque de ciment, Gino explique qu’il a tenté le médium alors qu’il travaillait à la réalisation de maquettes avec cette matière. «J’avais un restant et j’ai vu que ça adhérait bien sur la styromousse», se souvient-il. En plus, avec son projet de photographies d’ombres, prises en ville, l’impression sur ciment fait presque comme si le coin de rue ou le bout de trottoir avait été arraché. «Je voulais amener la photo à un autre niveau», dit-il encore.

Il est parvenu à trouver un moyen de personnaliser chaque plaque avec des bas-reliefs pour en augmenter le contraste. Pour lui, il s’agissait d’une première impression sur des plaques du genre, une façon de faire pas très commune.

Et pour les photos, aucune retouche manuelle, seulement quelques manipulations comme il aurait pu le faire en chambre noire, avec de l’argentique.

Du côté des sujets, Gino a laissé une grande part au hasard pour les trouver. Il savait ce qu’il cherchait et se postait, attendant de pouvoir prendre le cliché, recherchant la dualité des forces cachées. Pour ce qui est du choix du médium, il allait de soi pour l’artiste qui fait de la photo depuis 20 ans. «J’ai toujours photographié les gens», ajoute-t-il. Mais pour ce projet, ce sont les ombrages qui deviennent les personnages.

Désormais, Gino travaille dans une grande entreprise, au service à la clientèle. Il a découvert que, de cette façon, il est davantage en mesure de réaliser ses projets personnels que lorsqu’il agissait à titre de photographe professionnel. «Et je prends au sérieux ce que je fais, sans me prendre au sérieux toutefois», note-t-il.

Pour lui, l’art est vivant et il souhaite que les gens, qui passeront voir son travail au Boisé-des-frères-du-Sacré-Cœur, apprécieront. «De mon côté, j’avais envie de voir les plaques au sol, à peu près dans l’angle de la pose de rue», termine-t-il. Il s’agit d’une seconde exposition dans la région pour le photographe, l’autre remontant à 1998.