Retour à une vie sans horaire pour Richard Pedneault

À la fin du mois, Richard Pedneault prendra sa retraite. Il quitte donc son poste de directeur et conservateur du Musée Laurier qu’il occupe depuis 30 ans maintenant.

Ce sera donc pour lui un retour à une vie sans horaire, ce qu’il appréciait tant dans ses jeunes années. En effet, revenant sur d’autres époques de sa vie (avant son arrivée à Victoriaville en 1988), M. Pedneault confie qu’il a eu une vie un peu bohème rappelant ses années au Saguenay et les nombreuses villes où il a habité. Malgré ces nombreux déplacements, il avoue qu’il s’est toujours plu dans la région de Victoriaville où il a choisi de demeurer pour la retraite et même après. En effet, il a déjà acheté son lot au cimetière Saint-Christophe…

Il se souvient d’ailleurs qu’il était en transit chez sa sœur à Rouyn-Noranda lorsqu’il a appris qu’il avait obtenu le poste au Musée Laurier. «Je venais ici pour deux ans seulement. Et je voulais seulement être conservateur. Mais le poste de direction venait avec. J’ai donc fait les deux parce que quand on me donne des responsabilités, je les assume», souligne-t-il.

Lors de sa première journée de travail, il n’avait pas d’endroit pour habiter. Il n’avait pas pensé à ça avant d’arriver. «Je suis resté une semaine à l’hôtel Central (à 6 $ par nuit) et je mangeais au Café Alice. Je n’avais pas d’auto.»

Lorsqu’il a mis les pieds au Musée Laurier pour la première fois, il a vu l’ampleur de la tâche qui l’attendait. «On m’a dit qu’on entrait ici comme dans un moulin. J’ai donc commencé par changer les clés et mettre en place des mesures de sécurité», a-t-il expliqué bien installé dans son petit bureau du Musée qu’il fréquente encore tous les matins (les après-midi il les passe à l’Hôtel des postes).

Puis il s’est occupé des fils «qui passaient partout», de faire installer la climatisation (en 1989), d’acheter la Maison Fleury et, bien entendu, de préparer des expositions.

«La première fois que je suis passé devant l’Hôtel des postes, je me suis tout de suite dit que ce serait un endroit parfait pour faire des expositions», note-t-il. Les lieux ont été inaugurés le 23 juin 1996 (soulignant le centième anniversaire de l’élection de Wilfrid Laurier comme premier ministre du Canada), après un long parcours du combattant notamment pour trouver le financement nécessaire. C’est d’ailleurs l’achat de ce bâtiment, situé à quelques pas du Musée Laurier qui figure en tête de liste lorsqu’on lui demande son plus grand accomplissement des 30 dernières années. «Ça a été un gros projet et à partir de là, ma réputation de gestionnaire a été faite», estime-t-il.

Il faut aussi mentionner la restauration du Musée Laurier en 2010 qui a nécessité des investissements de 600 000 $, la désignation de l’endroit comme Lieu historique national (en 2000), la mise en place du Musée de la poste, l’augmentation des collections et bien d’autres encore. «Tout cela avec le même budget pendant 23 ans», insiste-t-il.

Parmi ses pires moments, il note le décès d’Arthur Villeneuve, survenu à peine 6 heures après le vernissage de son exposition au Musée Laurier (le 14 mai 1990). «Ça m’a fait quelque chose. Je me suis presque senti coupable», confie-t-il. L’événement avait été un grand succès où plusieurs centaines de personnes avaient voulu rencontrer le grand peintre. «Une exposition bizarre du début à la fin. C’est le seul artiste que j’ai connu qui faisait affaire avec un avocat pour l’exposition. Et quand nous sommes allés chercher les œuvres à La Baie, il voulait que nous soyons escortés par des policiers avec des gyrophares», se rappelle-t-il. Bien sûr, cela n’a pas été le cas…

Un autre moment difficile (qui a heureusement bien tourné) s’est déroulé alors qu’il travaillait à l’achat de l’Hôtel des postes et qu’il a appris que Denis Roy venait de l’acheter. «Mais il a été bon joueur et lorsqu’il a su ce que je voulais en faire, il me l’a gardé», se souvient-il.

Le verglas de 1998 est un autre cauchemar dans les souvenirs de Richard Pedneault. Les pannes électriques causées par le verglas lui ont fait craindre pour le système de chauffage du Musée Laurier (il a même reçu un appel de la centrale d’alarme lui disant que le feu était pris, ce qui n’était pas le cas) et les gicleurs de l’Hôtel des postes l’ont aussi rendu nerveux à cette époque.

La beauté

De toutes ces années passées au musée, ce qu’il retient c’est la beauté. C’est cela qui l’a encouragé à réaliser des projets, des rêves. «D’ailleurs, j’ai toujours exposé des œuvres que j’aimais», dit-il en mentionnant les Jean-Paul Ladouceur, Claude Bibeau, Alfred Laliberté et Suzor-Coté bien entendu.

C’est sûrement la vérité parce que si on lui demande de choisir une œuvre qu’il voudrait apporter à son départ, il mentionne, après réflexion, «Le rémouleur», une toile de Joseph St-Charles qu’il présente actuellement à l’Hôtel des postes.

S’il indique qu’il va redevenir l’homme qui n’a pas d’horaire, à la retraite, la beauté et la création feront partie de ses passe-temps. En effet, il aime dessiner, écrire, lire et ne s’en privera pas. Il prendra également du temps pour s’occuper de sa santé lui qui a eu un sérieux avertissement (un infarctus) en mai 2016. «J’ai 67 ans. Je vais prendre mon temps, vivre et voir davantage ma famille», espère-t-il. Richard Pedneault laisse les lieux en bonne santé (physique et financière) et n’a pas l’intention de jouer les belles-mères. Bien sûr, il garde un attachement au Musée Laurier et à l’Hôtel des postes, mais passe à un autre chapitre de sa vie. «La maison est en ordre. Il y a un peu de maintenance à faire, mais rien de majeur», fait-il remarquer.

Et à celle qui lui succèdera (eh oui il s’agit d’une femme même si on n’a pas encore dévoilé son identité), il conseille seulement de «vivre selon ses moyens» et rappelle que «la créativité, c’est l’espoir de l’humanité». Selon lui, c’est lorsqu’on a peu de moyens pour faire quelque chose que cette créativité doit prendre sa place.

Il souhaite qu’on garde de son passage au Musée Laurier la mémoire de quelqu’un qui a beaucoup aimé ce qu’il a fait et qui n’a pas perdu son temps. «J’ai adoré ça, sinon je ne serais pas resté», termine-t-il.