Profession : créateurs d’univers de jeux de table

Lina Cossette et David Forest forment un couple dans la vie. Ils sont aussi partenaires de travail et se spécialisent dans la création d’univers et de visuel pour les jeux de table (game boards). Une profession rare qui leur permet de vivre de leur créativité.

C’est à partir de leur maison de Warwick qu’ils travaillent à donner une image aux jeux de table. Actuellement, c’est sur «Tidal Blades Heroes of the Reef» qu’ils planchent. D’ailleurs, une campagne de sociofinancement de 24 jours pour ce projet vient de se terminer et a permis d’amasser la somme de 782 918 $ pour que la compagnie américaine Druid City Games puisse amener le jeu sur les tablettes des magasins et les tables des joueurs.

Une période qui aura été assez active pour le couple qui, régulièrement, publiait des messages (imagés bien sûr) sur la page Quickstarter afin d’encourager les gens à contribuer financièrement. L’objectif de 75 000 $ a rapidement été atteint, ce qui, selon David, est très commun. «Les jeux de société sont très populaires sur Quickstarter. Et le surplus accumulé permet d’améliorer le jeu», explique-t-il.

Pour le couple, il est important que ce jeu, sur lequel ils ont travaillé environ une année (et ce n’est pas fini) puisse voir le jour. Surtout que pour celui-là, ils verront le nom de leur entreprise, Mr. Cuddington, sur la boîte. Autre nouveauté, ils auront des droits d’auteur pour le jeu de même qu’un pourcentage des ventes et des produits dérivés.

En effet, collaborant avec Druid City Games depuis quelque temps, l’éditeur leur a offert de créer un univers selon leurs goûts et ils ont intégré la mécanique d’un jeu de société par la suite (c’est l’inverse habituellement). Une autre première pour le couple de Warwick qui est de plus en plus connu et apprécié dans ce domaine.

Ils ont donc voulu créer un univers avec une thématique nouvelle et beaucoup de couleurs, rendant le tout très attrayant. On se retrouve donc au sein d’un monde marin où les personnages inventés et originaux gravitent. «Juste pour la boîte, on a fait 35 itérations», précise David.

Un peu par hasard

C’est depuis 2014 qu’ils sont entrés dans ce monde, un peu par hasard. Ils ont étudié l’animation tous les deux du côté de Montréal, mais se sont rencontrés par la suite. David a travaillé en animation chez Ubisoft et Lina comme illustratrice en jeux vidéo. Le couple cherchait un projet commun pour les soirées et étaient adeptes des jeux de table. Ils ont donc élaboré un portfolio avec un jeu imaginé afin de le présenter aux compagnies. «Il fallait montrer ce dont on était capables», explique Lina.

C’est ce qu’ils ont fait du côté du Board Game Geek (BGG), ce qui leur a permis d’obtenir un premier contrat, lançant la roue qui ne s’est pas arrêtée depuis.

Le duo Mr. Cuddington s’occupe de pratiquement tout le visuel des jeux sur lesquels il travaille. De la boîte aux boutons, en passant, bien sûr, par les différentes cartes nécessaires ou les planches. On commence par leur remettre un prototype du jeu avec les composantes. Ensuite, Lina et David lisent les instructions et jouent un peu, question de comprendre le but, mais aussi la mécanique. Ensuite, à l’ordinateur, ils se mettent à l’œuvre pour mettre en image et rendre le plus attrayant possible le jeu. Il arrive également qu’ils soient invités à donner leur opinion ou leurs commentaires.

Le travail réalisé pour le jeu Tidal Blades Heroes of the Reef.

Ayant contribué au développement visuel de plusieurs jeux (ils en ont une vingtaine à leur actif), ils ont développé une belle relation, une amitié même avec les éditeurs de jeux qui sont canadiens, américains ou même australiens. La qualité de leur travail est désormais reconnue et ils sont en mesure de vivre de leurs contrats. Ils savent adapter le style de leurs illustrations selon les thèmes, allant des jolis personnages avec des couleurs vives pour les destiner aux enfants, aux univers plus sombres et aux personnages plus sérieux des jeux pour adultes. «Nous recherchons des projets qui nous permettent de nous améliorer, de faire des choses que nous n’avons jamais faites», soulignent-ils.

C’est au grenier de leur maison qu’ils ont installé leur bureau et leurs ordinateurs. Côte à côte, ils créent les personnages, les paysages et les images en parfaite symbiose. Dans une bibliothèque, tout près, les jeux qu’ils ont «habillés» de leurs illustrations sont bien en vue. Plus loin, une table, spécifiquement dédié aux jeux de société (avec un couvercle pour mettre en pause les longues parties) leur permet de se distraire ou de découvrir de nouveaux jeux.

Ils sont ensemble 24 h sur 24, dans la vie comme au travail et savent l’apprécier. Pas de disputes ou de frictions au sein du couple qui a également deux jeunes enfants. Ils se complètent au travail, elle aimant particulièrement créer les personnages et lui étant davantage dans les détails. Quelques marches séparent le bureau de la maison et ils sont très heureux d’avoir choisi Warwick (elle vient de Notre-Dame-de-Ham et lui de Richelieu) pour s’établir eux qui, à la limite, pourraient travailler d’une île déserte (qui a l’électricité et Internet naturellement).

Santorini, un autre réalisation de Mr. Cuddington

Un passe-temps toujours populaire

Le jeu de table (ou de société) est très populaire un peu partout à travers le monde. Différents événements ont lieu également pour les amateurs de ce passe-temps. Lina et David y participent de temps en temps et y sont souvent reconnus. On leur demande même de signer des boîtes de jeux, comme les rock stars, ce qui les fait bien sourire. Ils ont également à leur actif un prix, remporté récemment, lors du concours québécois 3 Lys (récompensant les meilleurs jeux), dans la catégorie «personnalité ludique».

Mr. Cuddington n’a pas encore fait le tour du jardin en ce qui concerne le jeu de table, ce qui fait que Lina et David souhaitent continuer dans ce domaine. Ils espèrent poursuivre cette création qui sort de l’ordinaire, toujours en gardant cette liberté qu’ils ont gagnée avec leur talent. Même s’ils n’ont que 29 ans (tous les deux), ils se considèrent chanceux de pouvoir faire ce «travail de rêve» qui leur laisse une belle liberté. Ils se considèrent aussi privilégiés d’avoir des clients avec qui ils ont développé, même à distance, une belle relation. «Ça rend la job encore plus facile», apprécient-ils.