Faire l’amour est un art

Qui peut penser aujourd’hui que l’amour est un art? Pourtant, bien des maîtres nous ont enseigné que l’amour était une virtuosité à classer parmi les plus grandes, les plus nobles vertus de la vie; qui plus est, elle est la plus difficile à mettre en pratique.

Effectivement, l’apprentissage à l’amour me fut pénible et difficile. Je me souviens, adolescent, que l’amour était pour moi un mystère; en fait, j’étais tout mêlé! La religion m’imposait des péchés d’impureté que mon corps et mon esprit me créaient quand je voyais et admirais l’objet de mon désir amoureux; Dieu, qui m’aimait pourtant(?), m’avait ainsi créé : mauvais garçon, presque méchant envers ma propre personne et toutes les beautés de ce monde… Qu’est-ce donc qu’aimer me suis-je demandé durant des décennies après ma puberté. Quel fouillis!

Par chance, j’ai fait des études sur mon âme, mon être et mon corps, et je pense avoir démystifié l’amour. De toute évidence, c’est tout un art que d’aimer et c’est autre chose que la seule mécanique de la passion sexuelle : aimer c’est « action », alors que l’acte sexuel est "passion". Il y a un grand respect de l’autre quand l’amour se vit : pas question d’abuser de sa volonté. L’acte sexuel ne soulage qu’un appétit?; son résultat est éphémère alors que celui de l’amour sème souvent pour longtemps. L’acte sexuel est sans réelle création alors que l’action d’aimer crée, donne à l’autre dans cet esprit du don, fortifie soi et l’autre mutuellement. L’amour, le véritable, ajoute à tous.

Il est question de l’urgence d’ajouter des cours de sexualité au secondaire; pour ma part, ayant compris très tard dans ma vie ce que pouvait être l’art d’aimer, je pense modestement qu’il serait plus opportun d’enseigner très tôt à l’adolescence cet art à l’amour. Peut-être que de la sexualité naît l’amour comme le veut Freud, mais je pense par expérience qu’il faudrait d’abord enseigner l’amour et son mystère : la mécanique sexuelle étant innée et passive, l’acquisition de l’amour, comme de tout art, exige effort à l’apprentissage de la connaissance; que de mieux pour apprendre un art que de le pratiquer tôt dans la vie et, souvent! L’amour est un art à apprivoiser et son acquisition est prioritaire pour sortir du fouillis actuel. Pour une société plus juste et prospère, pour un réel respect de l’égalité entre les femmes et les hommes, sans cet apprentissage à cet art d’aimer, toute société stagne, régresse même. L’histoire nous l’a tant enseigné.

L’habileté à aimer doit s’enseigner avant celle de copuler. Les fruits de l’art d’aimer ne se récolteront certes qu’à long terme, et encore, rien n’est garanti. Mais il faut commencer à semer si nous voulons récolter. Ça, ça urge.

L’art d’aimer ne s’apprend pas en écoutant des chansons d’amour; celles-ci sont beaucoup plus des berceuses qui ne font que nous endormir. Je m’en souviens trop bien…

La connaissance de cet art d’aimer existe bel et bien depuis plusieurs siècles; il reste à l’apprendre et à le pratiquer tous les jours, de la puberté jusqu’au trépas. Et c’est à l’école que notre jeunesse doit recevoir les rudiments de cet art pour les mettre en pratique très tôt dans la vie.

François Champoux

Trois-Rivières