Rouler pour faire tomber les préjugés
VICTORIAVILLE. Atteint du VIH (Sida), Sylvain Bérubé de Saint-Jean-sur-Richelieu a entrepris un long périple à vélo, un grand tour du Québec de 3000 km qu’il a entrepris jeudi dernier (4 septembre). Sylvain Bérubé a décidé de rouler pour abattre les préjugés et donner un sens à sa vie.
Mardi, il a quitté Montréal pour s’amener à Victoriaville. Une crevaison a quelque peu retardé son arrivée au local de l’organisme BLITS (Bureau local d’intervention traitant du Sida) de la Place communautaire Rita-Saint-Pierre.
À 17 h, le cycliste fait son apparition dans le stationnement. Tout sourire, l’homme demande un peu d’eau fraîche avant de s’entretenir avec le www.lanouvelle.net.
Sylvain Bérubé parle un peu de lui. Natif du Bas-du-Fleuve, l’homme a jadis été directeur d’usine, ayant aussi déjà possédé son entreprise. «J’ai toujours aimé communiquer, toujours aimé le contact avec les gens», note-t-il.
Père de deux grands enfants, hétérosexuel, Sylvain Bérubé a fréquenté la même femme pendant 15 ans. «J’ai toujours payé mes impôts, toujours travaillé de 70 à 80 heures par semaine», dit-il.
Le malheur a frappé il y a quatre ans, en 2010. Terrible diagnostic : l’homme est atteint du virus du VIH.
Pendant un an, Sylvain garde le secret. «J’ai grandi dans une famille avec les mêmes foutus préjugés de cette maladie-là, raconte-t-il. Ça n’a pas été facile les premières années. Je me suis isolé, enfermé. Je n’osais pas en parler. Je me disais que j’allais perdre mon monde, mes amis.»
Un an après avoir reçu son diagnostic, l’homme décide de s’ouvrir sur sa maladie. «J’échangeais avec les gens, c’était intéressant, dynamique. Mais dès que j’avouais avoir le VIH, en le disant, tu sens automatiquement une barrière s’installer chez l’autre. Et ça me tue», lance-t-il.
L’homme devient émotif en se remémorant certains événements. «Le rejet des autres, c’est ce que je trouve le plus difficile. Mais c’est pour cela que je vais me battre et continuer mon chemin», souligne-t-il.
Des préjugés tenaces
Sylvain Bérubé se souvient de la paranoïa au milieu des années 80 au sujet du VIH.
«Je travaillais dans une usine. Et on arrêtait la chaîne de montage si quelqu’un se coupait et saignait, dit-il. Je pensais qu’aujourd’hui, les gens avaient évolué, qu’ils avaient moins de préjugés. Mais je me suis carrément trompé. Ils ont les mêmes préjugés qu’il y a 25 ans.»
L’homme avoue certains moments de découragement, reconnaît avoir songé à mettre fin à ses jours, pas plus tard qu’il y a environ deux mois.
«Un après-midi, je ne me sentais pas bien, relate-t-il. J’ai fermé les yeux : Seigneur, fais quelque chose ou on arrête ça là.»
À ce moment, un air de Marjo lui parvient à l’oreille, un bout de chanson où la rockeuse chante «où aller?»
«J’ai alors décidé que j’allais rouler à vélo, peu importe où aller puisque, de toute façon, personne ne m’attend. Et je voulais faire ce périple seul pour trouver un sens à tout ça.»
Le hasard, Sylvain Bérubé n’y croit pas tellement. «Rien n’arrive pour rien. Il existe une raison à ma maladie. Et puis, j’aime m’exprimer, j’ai une facilité à communiquer. Alors, j’ai fait le lien. Je parlerai de cette maladie dont personne ne parle. Je vais la prendre, la décortiquer et tenter de la faire comprendre aux gens. Et si j’arrive à sensibiliser, ne serait-ce qu’un seul jeune, je pourrai dire, mission accomplie», observe-t-il.
«Apprenez à me connaître»
L’homme ne cache pas son découragement devant la réaction des gens face aux personnes vivant avec le VIH, par exemple, certains qui s’essuient les mains après une poignée de main.
Et puis, la maladie n’affecte pas que des «junkies» ou des clochards. «Il y a du bon monde, fait-il remarquer. Des gens l’ont attrapé par une transfusion sanguine ou par une relation sexuelle non protégée. Moi, je ne me suis jamais «shooté», je ne viens pas de la rue, j’ai travaillé toute ma vie. Et aujourd’hui, je suis un déchet de la société. Apprenez à me connaître avant de me juger.»
Avec Internet et toutes les sources d’information, l’homme s’étonne que persistent de vieux préjugés. «Je n’ai rien contre l’ignorance, mais aujourd’hui, si tu es ignorant, c’est que tu veux le rester.»
Sylvain Bérubé trouve difficile de vivre dans la solitude. «J’ai besoin des gens. L’être humain a besoin d’amour et de tendresse. C’est la seule chose dont tu as besoin. Quand tu n’as plus cela, tu n’as plus rien.»
Incapable aujourd’hui de travailler, il tente de lancer un message à la société. «Ne nous crachez pas dessus, donnez-nous la main. Voilà ce dont on a besoin. Mais les gens ne comprennent pas», estime-t-il.
Dans son périple de 3000 km, qui le mènera jusqu’en Gaspésie, jusqu’au Nouveau-Brunswick et sur la Côte-Nord, l’homme rencontrera des gens, prononcera parfois des conférences sur les infections transmises sexuellement et par le sang et sur la prévention du suicide, comme à Gaspé et à La Malbaie. «Je veux donner un sens à ma vie et à cette maudite maladie, tenter de changer la vision des gens, explique-t-il. Si personne ne se bat et n’ose s’ouvrir la trappe, les choses ne changeront pas. Moi, je fais le tour du Québec pour en parler. Ceux qui veulent m’écouter m’écoutent.»
Sylvain Bérubé a bien l’intention de se battre, d’aller au bout de ses idées, de ses opinions, de ses valeurs. «Quand je parviendrai au bout du chemin, signale-t-il, j’aurai trouvé pourquoi je suis rendu là.»
De toute son aventure cycliste, il prépare un genre de CD d’information, de documentaire dont il compte de servir dans ses futures conférences dans les écoles, notamment. «Je souhaite montrer la nécessité de faire preuve de courage dans la vie, de ne pas baisser les bras, de garder espoir. Ce sont les rêves et l’espoir qui font vivre», conclut-il.
Les intéressés à soutenir Sylvain avec un don peuvent consulter le site qu’il a créé, www.donnezausuivant.org. Chaque jour, on y retrouve, entre autres, une vidéo de sa randonnée cycliste qui l’amène à pédaler, en moyenne, de 70 à 75 km par jour.
Le cycliste remettra l’argent recueilli au cours de son périple à la prévention du suicide et à la recherche sur le cancer.
L’homme mijote aussi un projet de formation dans les écoles pour sensibiliser les jeunes aux dangers du Web, aux arnaques et sur les façons de les prévenir.