Violence conjugale… «pourquoi elles restent là?»

«Mais pourquoi elles restent là?», s’interrogent encore certains en entendant parler de ces femmes victimes de violence conjugale. Subsiste encore un préjugé tenace à cet égard, affirme Julie Croteau, directrice générale de la maison d’hébergement La Volte-Face.

Lors d’un 5 à 7 au Complexe l’Évasion, le soir du 6 décembre, l’organisme a souligné la Journée nationale et de commémoration contre la violence faite aux femmes. C’était aussi pour La Volte-Face l’occasion de souligner le 15e anniversaire de sa fondation.

À cette sempiternelle question qui se pose à l’égard des femmes victimes de violence, Mme Croteau emprunte l’image et les mots du personnage d’Anne qu’a incarné ce soir-là la présidente d’honneur de l’activité, Hélène Desperrier.

«Prends une grenouille, mets-la dans l’eau bouillante, elle va réagir, elle va essayer de s’ôter de là. Mets-la dans un chaudron, dans de l’eau froide pis allume le rond. Elle va s’habituer à la chaleur, peu à peu, à petit feu. Pis a va finir pour mourir, sans s’en rendre compte.»

En huit minutes, la directrice artistique et comédienne du Parminou a campé le rôle de cette Anne qui finit par quitter son conjoint au terme de plusieurs années de «flèches invisibles», de «mots qui font mal», de crises, de ces «coups de foudre» qui peuvent finir par tuer.

Le mouvement #moiaussi n’a pas provoqué plus d’achalandage à La Volte-Face au cours des derniers mois comme cela a été le cas chez les CALACS, répond Julie Croteau.

Elle dit toutefois que le mouvement de dénonciation a incité les hébergées de La Volte-Face à oser parler des violences sexuelles dont elles sont aussi victimes. «Elles n’osaient pas parler de cela, se disant qu’après tout il s’agissait de leur mari.»

Par son allocution, Julie Croteau a toutefois voulu rendre hommage aux femmes et aux enfants qui s’abritent sous le toit de La Volte-Face, louant leur force, leur courage, leur résilience. Elle s’émerveille de les voir se transformer entre leur entrée et leur sortie de la maison d’hébergement.

«Je vois des femmes entrer dans la maison le dos courbé, le regard éteint et ressortir les épaules hautes, le dos droit et le regard vivant. Je vois des femmes qui reprennent le pouvoir de leur vie. Je ne vous dis pas qu’elles n’ont pas peur de toutes ces étapes qui les attendent : les démarches légales, l’insécurité financière, faire face aux menaces de l’ex-conjoint, mais elles foncent, elles foncent malgré la peur!»

Et Julie Croteau voit des enfants qui redeviennent des enfants, des enfants qui ont compris que n’était pas leur faute «la chicane dans la maison». «Des enfants qui dorment, qui ont retrouvé l’appétit et qui se sentent enfin en sécurité!»

Peut-être parce que La Volte-Face prend de plus en plus sa place, que la population est plus sensible à la cause, croit la directrice générale, la maison d’hébergement a pu amasser beaucoup plus que l’an dernier (12 890 $) avec son annuel tirage (16 prix). L’argent sert à défrayer une partie de la facture d’épicerie pour les hébergés.

En 15 ans, la Maison a accueilli 2300 femmes et enfants.