«S’occuper du monde», ce qu’André Bellavance considère faire le mieux

POLITIQUE. Avec, sur sa table un cartable vert de la Chambre des communes… qu’il lui faudra rendre, le député André Bellavance lâche un «C’est terminé!». Il le dit sans amertume, parce que, précise-t-il, «j’ai adoré ce travail, n’en ayant jamais eu un d’aussi valorisant.»

Dans quelques jours, André Bellavance ne sera plus député de Richmond-Arthabaska, lui que les électeurs ont choisi à l’issue de quatre scrutins depuis 2004. «Jamais je n’aurais cru, en 2004, que je serais député pendant onze ans! Je n’avais pas de plan de carrière. Souvent, j’entendais des collègues faire des plans, se fixer un moment pour mettre un terme à leur carrière. Moi, je n’ai jamais voulu faire ça. Je voulais m’éviter d’être déçu parce que ce n’est pas le député qui décide de son sort; ce sont les électeurs!»

D’autant, que, d’un gouvernement minoritaire à l’autre, André Bellavance dit qu’il ne disposait que de bien peu de temps pour démontrer ce qu’il pouvait faire. Ses adieux à la politique fédérale, André Bellavance les prépare depuis plus d’un an, depuis le 25 août 2014, moment où il a annoncé à la fois qu’il quittait le Bloc québécois et qu’il ne briguerait plus les suffrages au fédéral.

La retraite graduelle est paradoxalement plus difficile parce que, chaque fois qu’à Saint-Albert, à Victoriaville ou à Windsor, on lui manifeste reconnaissance et gratitude, c’est un coup d’émotion. Depuis plus d’un an donc, il siège à la Chambre des communes à titre de député indépendant. «Je me suis détaché tranquillement, mais je ne suis pas resté à la maison. J’ai continué à être avec le monde, ce que j’aime le plus.»

Tout aurait été différent!

Les choses auraient été bien différentes, dit-il, si, au moment du départ du chef Daniel Paillé en décembre 2013, Gilles Duceppe avait effectué son retour.

«Il n’y aurait pas eu de course à la chefferie, je ne me serais pas présenté, le nouveau chef Mario Beaulieu n’aurait pas tiré le Bloc vers le bas, le député Jean-François Fortin ne serait pas parti et moi non plus!», énumère le député.

Malgré tout, il croit encore à la pertinence de cette formation politique à Ottawa.

Il ne milite pas auprès du candidat bloquiste Olivier Nolin, parce qu’il a plutôt choisi de devenir chroniqueur pendant la campagne électorale fédérale.

«Je ne veux me fermer aucune porte», dit-il, évoquant les possibilités qui s’offrent à lui. Formé et ayant travaillé comme journaliste à la fin des années 1980, André Bellavance a toujours été attiré par les communications. Sa fonction de chroniqueur lui permet de continuer, de l’extérieur, à suivre l’actualité politique avec attention. Il s’est aussi forgé une spécialité dans les questions d’agriculture, lui qui a longtemps été le porte-parole de son parti en cette matière.

Et, il le répète, si la mairie de Victoriaville se libère, la fonction l’intéresse au plus haut point. «C’est une avenue politique intéressante parce qu’elle est non partisane. Au fond, ce que je fais de mieux, c’est de m’occuper du monde!»

Non, répond-il, la politique provinciale ne figure pas dans ses plans. Il dit avoir toujours décliné l’invitation à porter la bannière du Parti québécois. Il signale toutefois qu’il détient sa carte de membre du PQ… mais plus celle du Bloc.

Le député de 51 ans aime raconter ce qu’il a vécu au cours de ses onze ans à la Chambre des communes, même les quatre pires années où il s’est retrouvé, en 2011, un des quatre survivants bloquistes après le déferlement des députés orange.

«Il nous a fallu nous battre pour prendre notre place! À quatre ou tout seul indépendant, on n’est plus personne à la Chambre. Même avec dix ans d’expérience, on n’est plus rien, surtout aux yeux des nouveaux arrivés!»

Si, même indépendant, il a pu régler des problèmes dans le comté, il aurait été difficile pour lui de briguer un nouveau mandat avec ce statut. «Il est difficile dans un comté de faire élire un indépendant. Et puis, j’aurais eu l’air de vouloir étirer la sauce.»

Il souligne qu’il est un gars d’équipe. S’il a profité d’une certaine «liberté» au cours de la dernière année, moins partisan, il dit qu’il a aimé œuvrer avec l’équipe du Bloc ayant un projet et une vision. Et ce n’est pas parce qu’il ne faisait pas partie de l’équipe au pouvoir qu’il ne pouvait pas obtenir un rendez-vous avec un ministre pour lui exposer un problème, note-t-il.

Des frustrations, il en a vécu comme celles de ne pouvoir participer d’une question ou d’un commentaire à des comités parlementaires. «Et lors de déclaration ministérielle, il s’agit d’un seul député qui derrière le rideau dit «non» pour que le président de la Chambre te refuse l’autorisation à prendre la parole.»

Où iront les électeurs?

L’actuelle campagne électorale passionne André Bellavance. Il observe. L’Alberta qui se teinte d’orange. Le chef libéral Justin Trudeau qui se révèle autrement que par ses beaux cheveux. Le gouvernement conservateur qui doit défendre son bilan et qui agite le niqab aux yeux du Québec. «Pourtant, avec l’appui du Bloc, il aurait pu faire adopter des mesures dès 2006. Si cela avait été si important, pourquoi n’a-t-il pas réglé la question à ce moment?» Le dossier du niqab empêtre bien davantage Mulcair que Trudeau dont l’ADN est le multiculturalisme remarque encore le député.

Dans Richmond-Arthabaska, les gens sont en train de choisir et il y a une vraie lutte, croit-il. Alain Rayes compose avec des atouts, sa notoriété, le fait que le comté n’est pas hostile aux conservateurs, ayant gardé André Bachand. Mais il devra composer avec un comté rural qui n’apprécie pas les brèches dans le système de gestion de l’offre.

Dans son bureau de la rue Notre-Dame à Victoriaville, il n’y a à peu près que des boîtes empilées les unes sur les autres. «Il y a des documents qu’on doit détruire parce qu’ils renferment des informations personnelles, d’autres qu’on pourra transmettre au ou à la député (e).» André Bellavance ne manifeste vraiment de tristesse que lorsqu’il parle des membres de son équipe, entre autres, de Marya Portelance ayant été son adjointe principale dans la circonscription et de Christian Paquin, son adjoint parlementaire. «Tu n’es pas un bon député, si tu n’as pas une équipe avec toi», conclut-il.

Le parcours d’André Bellavance

*Fils de militants souverainistes, André Bellavance quitte le journalisme radio (CFDA à l’époque) pour devenir attaché politique du député bloquiste de Lotbinière Jean Landry en 1993.

* Au scrutin fédéral de 2000, il porte lui-même la bannière du Bloc dans Richmond-Arthabaska. Mais il est battu de peu par le député sortant André Bachand du Parti progressiste conservateur.

* Le 28 juin 2004, il est élu une première fois avec 55,55% des suffrages contre sa plus proche adversaire, la libérale Christine Saint-Pierre (32,22%).

* Au scrutin du 23 janvier 2006, il obtient un deuxième mandat, récoltant 47,89% des votes contre 32,22% pour son ancien patron, Jean Landry, devenu conservateur.

* Un troisième mandat lui est octroyé par 46,01% des électeurs au scrutin du 14 octobre 2008. Encore là, il était suivi par un conservateur, Éric Lefebvre (29,02% des votes).

* Le 2 mai 2001, il a obtenu un quatrième mandat à l’arraché, avec 33,8% des voix, talonné par la candidate néo-démocrate Isabelle Maguire qu’on n’a pas vue même sur des pancartes. À la faveur de la vague orange, elle avait obtenu 32,5% des votes.