Réseaux sociaux : des ninjas au grand cœur

Les ninjas se multiplient dans la province et le Centre-du-Québec n’échappe pas à cette tendance. On ne parle cependant pas ici d’adeptes du ninjutsu, mais bien du ninjatage! Il s’agit d’une tendance qui se répand sur les réseaux sociaux, soit celle d’offrir des cadeaux à de pures inconnues, habituellement en allant les déposer sur le pas de la porte de la personne choisie ou encore par la poste, méthode plus populaire durant la saison hivernale. Une tendance qui brise l’isolement, crée des amitiés et, parfois même, sauve des vies.

Angélique Côté et Marie-Josée Allard font partie du groupe Facebook Les Ninjateuses du Québec depuis la fin du printemps dernier. Habitant respectivement les municipalités de Pierreville et de Baie-du-Febvre, au Centre-du-Québec, les deux femmes ont choisi de s’investir pour faire plaisir à d’autres femmes, mais également pour se donner le droit de prendre soin d’elles.

Lorsqu’Angélique a rallié le groupe des ninjateuses, au début de l’été 2020, le groupe comptait environ 1000 membres. Aujourd’hui, il en compte un peu plus de 19 000! «J’habite la petite municipalité de Pierreville, jamais je n’aurais pensé que j’aurais pu vivre ça dans mon petit village! Juste la semaine passée, j’ai reçu sept ninjatages (cadeaux)!», s’étonne-t-elle.

Angélique explique cependant que c’est du donnant donnant. Pour chaque cadeau reçu, un cadeau doit être remis, question de ne pas briser la chaine d’échange et que les activités se poursuivent parmi les membres. «Le but, c’est de ne jamais être en dette, mais le retour n’est pas obligé d’être dans la même journée», nuance la ninjateuse. Il est cependant très important de remercier celle qui nous a «ninjaté» avec une publication sur le groupe. En fait, cela fait tout simplement partie des règlements du groupe.

Angélique et Marie-Josée cumulent à elles deux plus de 300 ninjatages (cadeaux envoyés) pour environ le même nombre de cadeaux reçus. Les cadeaux les plus populaires sur le groupe sont les produits pour le bain, les cahiers à colorier, les chandelles parfumées, du chocolat et des bonbons, et même des jouets sexuels! Tout ce qui peut faire plaisir aux chanceuses sélectionnées pour recevoir un colis-surprise!

Les membres auront parfois la chance de tomber sur un cadeau unique : un cadeau de grande valeur, ou encore un cadeau personnalisé fait à la main. «À Noël, j’ai envoyé un ensemble de plats à fondue, la fille capotait! C’est le fun de voir des réactions comme ça. C’est d’ailleurs ce genre de petits plaisirs qui nous motivent à continuer à participer», raconte la Pierrevilloise. «Oui c’est plaisant de recevoir, mais ça apporte tellement de bonheur de donner!», ajoute Marie-Josée.

Cette dernière raconte qu’elle a déjà reçu une toile d’une peintre de Shawinigan, qui est venue porter directement à sa porte sa création. «C’est rare, il faut être chanceux!», lance la Baievilloise avec joie. «Les filles ont aussi constaté, en regardant mes photos, que j’aimais les objets à carreaux, alors l’une d’entre elles a décidé de me confectionner un tablier à carreaux! Elle a réuni mes deux passions, parce que j’adore cuisiner!», raconte Marie-Josée.

À force d’échanger, que ce soit des mots par les réseaux sociaux ou des cadeaux, les ninjateuses finissent par développer de réelles amitiés. Les deux ninjateuses s’entendent pour dire que cela transparait grandement dans l’ambiance du groupe.

«Je me suis fait une amie avec qui je parle tous les jours. Elle habite Châteauguay. Elle a 40 ans, alors que j’en ai 23! Jamais on a l’impression d’avoir 20 ans de différence quand on se parle!», témoigne Angélique. Une amitié qui, sans le groupe de ninjateuses, n’aurait sans aucun doute jamais vu le jour.

Ces nouvelles amitiés qui se sont formées ont également permis à beaucoup de femmes de la province de briser l’isolement. «Plusieurs sont seules à cause de la pandémie, alors le groupe leur permet de retrouver ce qu’elles ne peuvent pas aller chercher ailleurs : le social, explique Marie-Josée. Moi-même, j’ai été en arrêt de travail pendant cinq mois et je peux confirmer que je m’ennuyais!»

Les origines du ninjatage

Le concept des Ninjateuses du Québec est inspiré des Wine ninja de l’Ontario, un groupe de femmes qui s’échangent… du vin! «J’ai adapté le concept à ma façon. J’ai toujours été une fille qui aime aider les gens, je voulais donc créer un mouvement qui ferait des bonheurs un peu partout», explique Julie Lavoie, fondatrice du groupe Facebook Les Ninjateuses du Québec.

Julie est par contre devenue victime de son succès. «Jamais je ne pensais que ce serait aussi gros! Je pensais qu’on serait 500 personnes environ. En même pas trois semaines, on était déjà 11 000 membres!», révèle-t-elle. La dame y investit d’ailleurs beaucoup de son temps, soit facilement huit heures chaque jour.

Visiblement, Julie Lavoie est venue répondre à un besoin en fondant son groupe. «Je suis contente, parce que j’ai réussi à en faire un groupe qui va au-delà des cadeaux. Les femmes s’y entraident, ce qui est très important pour moi. C’est fascinant de voir l’amour qu’elles se donnent», raconte-t-elle. C’est d’ailleurs grâce à ce soutien que plusieurs d’entre elles sont sorties de l’isolement et de la déprime. «Il y en a plusieurs qui m’ont écrit que mon groupe leur avait sauvé la vie. Une de mes modératrices m’a confié qu’elle pensait à l’aide médicale à mourir, mais que grâce au groupe, elle n’y pense plus. D’autres qui songeaient au suicide ont trouvé suffisamment de réconfort et d’entraide sur le groupe pour s’en sortir. Ce genre de messages arrive fréquemment, alors je pense que j’ai réussi mon coup», conclut Julie.