Pesticides : Jean-Marc Labonté n’est pas impressionné

«C’est mieux que rien, mais ce n’est pas assez!», commente Jean-Marc Labonté au sujet de la décision de Québec de resserrer la réglementation sur l’usage des cinq pesticides les plus à risque. Parmi eux, les néonicotinoïdes sont visés, ceux-là ayant des effets nocifs reconnus entre autres sur les pollinisateurs comme les abeilles.

Le président de Miel Labonté avait été invité à la conférence de presse ayant eu lieu à Château-Richer lundi, convoquée par la ministre du Développement durable, de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques.

Il a préféré s’abstenir, parce qu’il savait qu’on y «jouerait du violon», qu’il aurait trépigné sur sa chaise. La réglementation ayant fait l’objet de fuites dans les médias, ne représente à ses yeux qu’un timide pas dans la bonne direction.

«Je ne suis pas impressionné par cette nouvelle réglementation. Ça fait trois ans que je me bats au sujet des pesticides. Pas plus tard que l’an dernier, je me suis poigné avec le président de la Fédérée lui parlant des effets mortels de l’utilisation du <@Ri>Roundup<@$p> sur les colonies d’abeilles. Et le <@Ri>Roundup<@$p> ne figure pas à la liste des produits visés. Il est vrai que l’apiculture n’est pas aussi importante que l’agriculture!»

Jean-Marc Labonté soutient que les pesticides sont surutilisés dans le monde agricole, que «les fermiers se font avoir» et qu’on leur vend «des cochonneries» dont ils n’ont pas besoin. Il dit que parce qu’un agriculteur détecte la présence d’un insecte nuisible dans son champ, ses voisins s’empressent de traiter le leur… «en prévention».

«Et c’est rendu qu’aujourd’hui, les agriculteurs qui veulent acheter des graines de semence non enrobées (de néonicotinoïdes) doivent les attendre huit ou neuf mois et les payer beaucoup plus cher.»

Tout n’est pas négatif, souligne M. Labonté, dans les nouvelles dispositions sur l’usage des pesticides, évoquant l’obligation d’obtenir la prescription d’un agronome pour les acheter et les utiliser. Cinq pesticides sont visés, trois néonicotinoïdes, l’atrazine et le chlorpyrifos.

Reste que «sur le terrain», le président de Miel Labonté se demande s’il y aura suffisamment de personnel pour vérifier et faire appliquer la réglementation.

«Tout cela est très complexe. Les apiculteurs travaillent étroitement avec les fermiers. On peut comprendre que ces derniers veuillent protéger leurs récoltes. Mais lorsque, au printemps, avant de semer leur blé d’Inde, ils épandent des pesticides pour éradiquer les mauvaises herbes comme le pissenlit, ils tuent automatiquement les abeilles qui ont l’habitude de butiner ces pissenlits.»

Le problème se complexifie du fait que dans certains cas, les abeilles meurent au champ et pas dans la ruche, ce qui rend plus laborieuses les recherches sur ce qui, précisément, leur a été fatal, poursuit-il.

Jean-Marc Labonté dit encore qu’il ne se produit à peu près plus de miel au Québec. «Contrairement à l’Ouest canadien où il y a des champs pleins de fleurs. Ici, au Québec, la vache devenue une machine à lait a été enfermée dans l’étable, de sorte qu’il y a moins de trèfle à fleurir au champ.»

Le président de l’entreprise victoriavilloise croit que la nouvelle réglementation n’améliorera pas nécessairement le sort des abeilles qui butinent jusque dans un rayon de cinq ou six kilomètres autour de leur ruche.

La ministre Melançon estime, pour sa part, que la nouvelle réglementation constitue une «solution réglementaire équilibrée pour protéger la santé des agricultrices et agriculteurs, des écosystèmes aquatiques et des pollinisateurs». Elle a ajouté que ses dispositions devraient réduire de façon significative l’utilisation des pesticides les plus à risque. Les producteurs devront d’ailleurs tenir un registre des pesticides qu’ils utilisent, les détaillants devront déclarer leurs ventes annuelles et le ministère publier le bilan des ventes au détail.

«Sept erreurs à corriger»

De leur côté, représentant quelque 11 000 producteurs, les Producteurs de grains du Québec estiment «restrictive et contreproductive» la réforme du règlement sur les pesticides.

Ils considèrent qu’elle est la «septième erreur» de la gestion gouvernementale à leur endroit, eux qui auraient souhaité que l’utilisation des substances les plus dangereuses s’inscrive dans le plan agroenvironnement de fertilisation plutôt que d’opter pour une approche par prescription obligatoire. Celle-ci, selon eux, pourrait entraîner des effets pervers.

Les Producteurs de grains lancent d’ailleurs une campagne «Des sept erreurs à corriger» réclamant de chacun des partis politiques, incluant le Parti libéral, qu’ils prennent des engagements à corriger les «sept erreurs» du passé visant l’industrie québécoise de la production de grain.