«Ouvrez-vous à la différence», lance Jean-Marie Lapointe

Invité par le Regroupement d’organismes de personnes handicapées du Centre-du-Québec (ROPHCQ), l’animateur et comédien Jean-Marie Lapointe a pris la parole, mercredi soir, lors d’une conférence virtuelle à l’occasion de la Semaine québécoise de la déficience intellectuelle.

C’est le Défi sportif, dont il assume le rôle de porte-parole depuis une vingtaine d’années, qui, a-t-il dit, lui a fait découvrir «le merveilleux monde des personnes ayant des limitations». «Plus je découvrais ce monde différent du mien, plus je m’intéressais à l’humain derrière le handicap», a-t-il souligné à son auditoire qui a atteint près de 90 personnes.

Jean-Marie Lapointe a soutenu que ses 20 ans d’engagement auprès des personnes qui ont des handicaps ont complètement changé sa vie.

Au départ, pourtant, le conférencier ne connaissait pas le monde du handicap. «Je n’avais pas de personnes handicapées dans mon univers», a-t-il noté, avant de relater une touchante anecdote remontant à ses tout débuts comme porte-parole du Défi sportif.

Le premier jour, a-t-il relaté, un miracle s’est produit alors qu’on lui avait demandé de prendre la parole, lui qui se trouvait, en état de panique, devant ces gens différents, avouant qu’il ne se sentait pas à sa place. «Jonathan, atteint de trisomie 21, a traversé la salle en courant et en criant : c’est Jean-Marie Lapointe! Il a monté sur la scène et m’a fait un gros câlin. Il me serrait fort et me brassait», a-t-il raconté.

En conférence virtuelle, mercredi soir (Capture d’écran)

Sur le coup, Jean-Marie ne se sentait pas bien du tout. Mais ça n’aura duré que quelques secondes. Les deux gars se trouvaient cœur à cœur. Jean-Marie dit avoir senti son amour pur. «Ces personnes n’ont pas de filtre. Je lui ai dit : t’es donc ben fin! À ce moment, il n’y avait plus de différence, plus de trisomie. J’étais tellement content d’être connecté à son cœur. Il a changé ma vie», a-t-il exprimé.

Jean-Marie Lapointe a réalisé que s’il éprouvait un malaise ou une difficulté dans sa façon de se comporter en raison de la différence de Jonathan, ce dernier, lui, n’en avait aucun.  «Il m’a amené à être plus dans l’instant présent comme lui. Il y a une pureté là-dedans. Cela a révolutionné ma vie. Le Défi sportif m’a fait sortir de ma zone de confort et à aller vers la différence», a-t-il témoigné.

Le Défi sportif s’échelonne sur une semaine, 10 jours, en fait, maintenant. Mais il faudrait plus, selon lui. «Ça me fait de la peine pour les 51 autres semaines où ces gens qui ont des handicaps n’auront pas la reconnaissance, ne seront pas applaudis. Ces personnes qui sont souvent ignorées, tassées par la société. Quand je pense au rejet, à l’abandon, au jugement et au fait qu’elles sont pointées du doigt, ça me fait de la peine. Ça serait le fun que ça ne dure pas juste une semaine», a soutenu le conférencier, ajoutant que ces gens ont besoin d’attention, d’être aimés et acceptés, mais n’ont surtout pas besoin de pitié.

Jean-Marie Lapointe n’apprécie guère le vocable tolérance. «C’est comme dire je t’aime pas trop, mais je vais t’endurer. Je préfère plutôt les mots ouverture, bienveillance, acceptation et inclusion. C’est ce que je veux voir un peu partout sur la planète», a-t-il confié.

Le bénévole au grand cœur a aussi de la difficulté avec certaines étiquettes en santé, comme DI pour désigner la déficience intellectuelle. «Mettre des étiquettes, c’est limitant et insultant. J’ai eu l’idée d’inverser les lettres pour ID, intelligence différente. Quand on réalise cela, ça signifie que c’est à moi de m’adapter à lui, de trouver une façon originale de faire passer mon message», a-t-il expliqué.

Au cours de la conférence, on a diffusé la bande-annonce du documentaire Le Défi Pérou auquel il a participé en 2008. Six adultes trisomiques accompagnés notamment de six étudiants en éducation spécialisée, ont effectué l’ascension du Machu Picchu et participé à de l’aide humanitaire dans des villages. «Ça me touche de revoir ça, de beaux êtres humains lumineusement différents, mais malheureusement, dans la société, on ne les inclut pas assez. On ne leur donne pas assez de chances», a-t-il signalé.

En plus du Défi sportif, Jean-Marie Lapointe donne de son temps dans l’accompagnement d’enfants en fin de vie, agit comme bénévole auprès des itinérants, des jeunes aux prises avec des problèmes de dépendance et auprès d’une ressource pour personnes souffrant de troubles alimentaires. «Le bénévolat m’a enrichi, m’a ouvert le cœur et m’a permis de devenir une meilleure personne», a-t-il observé.

En côtoyant les personnes différentes, Jean-Marie Lapointe a développé, a-t-il dit, la capacité à être dans l’instant présent, à vivre ses émotions telles qu’elles se manifestent.

Il se réjouit d’être allé à la rencontre des différences. «C’est une belle leçon pour moi, mais aussi un enseignement pour autrui. Ouvrez-vous à la différence, peu importe laquelle. Cette différence enrichit notre humanité», a-t-il fait valoir, tout en citant Saint-Exupéry : «Si tu diffères de moi, loin de me léser, tu m’enrichis.»

Derrière le handicap se trouve un bel être humain. «Le problème, c’est que les gens s’arrêtent au handicap. Mais je peux comprendre, je l’ai déjà fait, j’ai déjà été niaiseux. Tout est une question d’enseignement. Il nous faut tasser l’ignorance. C’est pourquoi, notre job, c’est d’éveiller les consciences. Ma job, c’est de brasser avec les émotions et le cœur», a-t-il fait remarquer.

La situation avec les années

Patrick Paulin, directeur général du ROPHCQ (Capture d’écran)

En réponse à une question posée, Jean-Marie Lapointe dit avoir observé, en 20 ans, un certain changement. «Est-ce que ça a changé assez? Non! On doit continuer de changer, il y a beaucoup de travail à faire, mais je crois que nous allons dans la bonne direction», a-t-il soutenu, tout en imageant que la société, tel un grand paquebot, requiert du temps pour changer.

À cela, la directrice générale de la Société québécoise de la déficience intellectuelle, Anik Larose,  a aussi reconnu certaines avancées, notamment au chapitre de la représentation de la personne dans les médias. «Tranquillement, le regard change dans la société», a-t-elle exposé.

Mais elle ne peut faire autrement que de se montrer plus critique envers la classe politique. «Je suis plus critique envers une réelle volonté politique de voir les choses changer. Je suis un peu déçu. J’aimerais davantage d’engagement», a-t-elle signifié.

Elle dit croire quand même «qu’on s’en va dans la bonne direction». «Mais il faut plus de soutien. Les organismes communautaires font des choses extraordinaires, portant tout à bout de bras, notamment le financement. Il y a un coup de roue à donner», a mentionné Mme Larose.

En conclusion, le directeur général du ROPHCQ, Patrick Paulin, a salué les intervenants, remerciant Jean-Marie Lapointe «pour être un ambassadeur par le travail que tu fais, par la vulgarisation de la différence que tu fais, pour ce combat pour l’inclusion».

Des remerciements aussi pour Anik Larose. «Vous livrez un combat extraordinaire, vous êtes notre lien avec le gouvernement. Ne lâchez pas, on a encore du travail, même si on a avancé depuis 20 ans», a-t-il conclu.