O-Si ferme ses portes… après 72 ans de présence au centre-ville

L’imminente fermeture du commerce O-Si qu’on a longtemps connu sous le nom de Langlois Fourrure mettra un terme à 72 ans de présence au centre-ville de Victoriaville. «C’est une décision d’affaires, pas une vente de faillite», précise Sophie Lemay, propriétaire du magasin, petite-fille du fondateur, Camille Langlois.

En compagnie de son oncle, André Langlois, qui a longtemps exploité l’établissement, Mme Lemay campe le contexte l’ayant menée à prendre la décision de fermer.

Les affaires s’étiolaient ces dernières années, «il faut savoir s’arrêter et cesser l’hémorragie», soutient encore Mme Lemay qui a consacré trente ans de sa vie à ce magasin dont elle a acquis des parts au décès de son grand-père en 2002; elle en est propriétaire unique depuis dix ans.

Les habitudes de consommation ont changé, explique-t-elle, l’achat en ligne devenant une tendance lourde. Des clients magasinent, essaient, photographient des étiquettes et retournent à la maison devant l’écran de leur ordinateur pour commander, illustre André Langlois.

Sans vouloir porter de jugement, Mme Lemay et M. Langlois estiment que le marché de détail ne peut plus miser sur la fidélité d’une clientèle. «Il faut être réaliste; sans blâmer les gens, il y a une certaine indifférence et pas d’incitation à l’achat local.»

«On a un très beau centre-ville», conviennent par ailleurs la nièce et l’oncle. Ce dernier n’a jamais caché son opposition à ce que disparaissent les aires de stationnement sur la rue Notre-Dame. Il s’était manifesté à maintes occasions lors de consultations publiques, disant se faire le porte-voix des clients du centre-ville.

Beaucoup d’efforts sont consentis pour animer le centre-ville admettent encore Mme Lemay et M. Langlois. «Mais ce n’est pas pendant ces activités, comme la parade du père Noël, que les gens entrent dans nos commerces.»

La fourrure n’a plus la cote

C’est sous la gouverne de la troisième génération que la boutique avait adopté l’appellation O-Si il y a sept ans pour, au-delà de sa vitrine, démontrer qu’elle avait su diversifier son offre, la fourrure n’ayant plus la cote. «Nous avons été les premiers à vendre des tuques avec pompons de fourrure», souligne Mme Lemay, parlant des accessoires garnissant aussi les étalages d’une diversité de manteaux. La commerçante se souvient qu’il y a 30 ans, Langlois nettoyait quelque 800 manteaux de fourrure par an. Aujourd’hui, c’est moins de 10, observe-t-elle. Des manteaux de fourrure, il ne s’en vend presque plus et les rares personnes qui les achètent ne les entreposent pas. André Langlois assure toutefois que les clients qui le faisaient encore seront référés à des commerces de confiance.

Fondé en 1946 par Camille Langlois et son épouse Thérèse Bergeron, le magasin a desservi longtemps une large clientèle, bien au-delà des limites de Victoriaville. André se souvient que son père n’hésitait pas à livrer un chapeau le soir à une cliente de Mégantic.

Le magasin a emprunté toutes sortes d’appellations, de Camille Langlois Fourrure à O-Si en passant par Langlois Fourrure et Manteaux Langlois. Pendant plusieurs années, le regretté comédien René Caron – le Todore Bouchonneau des Belles histoires des pays d’en haut – s’est fait l’ambassadeur promotionnel du magasin.

Mme Lemay avait donné autre ton et autre allure à sa publicité en mettant en valeur des femmes d’ici comme Karine Dupuis et Chantale Marchand portant des manteaux O-Si.

À vendre

La boutique est l’un des plus vieux établissements commerciaux du centre-ville, le Magasin Lainesse ayant été fondé en 1933, la bijouterie Métivier étant déménagée. O-Si est cependant un des rares à avoir maintenu son enseigne au même endroit.

La boutique occupe environ 40% de la superficie de l’édifice qui abrite aussi Chaussures Carel, la Boutique Lucie et l’étude de la notaire Anne-Marie St-Louis. Le commerce fermant, l’immeuble sera mis en vente.

Le magasin a été pris d’assaut le 3 janvier, première journée de la vente de fermeture. «On prévoit fermer le 31 janvier… si on se rend jusque-là», dit la propriétaire.

Mère de deux enfants, mamie depuis le 23 décembre, Mme Lemay se donne du temps pour décider comment elle réorientera sa carrière. Le commerce, surtout le créneau des vêtements, la séduit moins, mais le travail avec le public l’attire toujours. Quant à André, il dit avoir des projets personnels, outré de recevoir un chèque où il est écrit «pension de vieillesse», se montrant allergique au mot «retraite».

Les deux s’entendent pour saluer bien bas la clientèle… et pour donner un coup de chapeau aux membres de leur personnel, à ceux d’hier et aux quatre d’aujourd’hui. «Nous avons eu du personnel exceptionnel», soulignent-ils.