Manufacturiers innovants : trois entreprises d’ici révèlent leurs «secrets»

«N’ayez pas peur!», «Écoutez vos clients et agissez en conséquence!» et «Et ne jamais penser que c’est fini; même à 75 ans, il faut garder la flamme allumée!» Voilà les trois conseils qu’ont respectivement prodigués Stéphanie Chagnon de Fruit d’or, Christian Poudrier de Posi-Plus et Alexis Boulanger de Boulanger.

Les trois ont été invités à participer à un panel animé par Suzanne Blanchet ayant fait carrière chez Cascades et qui assume le rôle d’ambassadrice de l’Initiative manufacturière qu’a créée, il y a un an, Investissement Québec.

Près d’une centaine de personnes, des gens de l’industrie et des intervenants dans le secteur ont participé à ce déjeuner-causerie qu’organisait Investissement Québec au centre des congrès du Victorin de Victoriaville.

Le panel figurait à ce copieux menu, comprenant aussi les exposés de Sylvie Pinsonneault , vice-présidente aux initiatives stratégiques chez Investissement Québec, Antoine Audy-Julien, stratège d’affaires chez Deloitte, Guylaine Mathieu, directrice régionale pour Investissement Québec au Centre-du-Québec et Karl Anctil, conseiller en développement économique au ministère de l’Économie, de la Science et de l’Innovation (MESI).

Il s’agissait de la deuxième visite d’Investissement Québec à Victoriaville, venu au printemps présenter ses dix solutions pour «dynamiser» le secteur manufacturier, l’inciter à innover en termes de produits, dans ses procédés de fabrication et de commercialisation, a expliqué Mme Pinsonneault.

«Il faut bouger rapidement», conseille M. Audy-Julien, invitant les entreprises manufacturières à prendre le virage 4.0. L’entreprise 4.0 sera celle qui aura fusionné ses actifs physiques, numériques et humains, a-t-il expliqué. Et où le «robot sortira de sa cage» pour travailler en collaboration avec le soudeur, a donné comme exemple Mme Pinsonneault.

Fruit d’or

«On s’évalue à 3.3», estime Stéphanie Chagnon, vice-présidente exploitation chez Fruit d’or, le plus grand joueur au monde pour la transformation des canneberges biologiques. L’entreprise qui réalise un chiffre d’affaires de 110 millions $ et exporte ses produits dans 52 pays et fait travailler 240 personnes dans ses quatre sites n’a cessé d’innover, a expliqué Mme Chagnon. Fruit d’or a développé toute une série de produits, «créant la demande» avec ses canneberges séchées, ses jus et purées aseptiques. Elle transforme même le bleuet.

L’incendie qui a détruit son usine en 2015 de Notre-Dame-de-Lourdes a constitué une «opportunité» pour Fruit d’or de se doter d’installations plus sophistiquées à Plessisville. «Ce ne sont pas les épreuves qui nous caractérisent, mais la façon dont on se relève», a ajouté Mme Chagnon, précisant que 22 mois après le démarrage de sa nouvelle usine, Fruit d’or avait pu livrer plus de 30 millions de livres de canneberges séchées, un rendement record pour l’entreprise fondée en 1999 par Martin Lemoine. Le commerce en ligne où les clients à travers le monde pourraient effectuer leurs commandes et en suivre les étapes de livraison fait partie des projets de Fruit d’or qui vise doubler son chiffre d’affaires d’ici deux ans.

Chacun des panélistes, incluant la représentante de Fruit d’or, a fait allusion aux difficultés de recrutement de la main-d’œuvre, l’introduction de la technologie bousculant des manières de faire et les quarts de soir rebutant les travailleurs.

Chez Fruit d’or, pour la première fois, on a fait appel à de la main-d’œuvre étrangère pour du travail à temps plein dans les usines. L’entreprise a lancé un appel de candidatures jusqu’au Mexique afin de pourvoir huit emplois; 560 Mexicains ont manifesté leur intérêt. Fruit d’or s’occupera de leur dénicher des logements et de quoi s’intégrer dans la communauté plessisvilloise.

Plus haut, plus bas

Président-directeur général de Posi-Plus de Victoriaville, Christian Poudrier a indiqué que l’innovation était le moteur qui avait fait naître l’entreprise en 1981, des mains et du cerveau de son père, aussi patenteux qu’ingénieux.

L’entreprise est, notamment, le seul fabricant d’élévateurs à nacelles au Canada, employant 175 personnes, réalisant un chiffre d’affaires de plus de 25 millions $ et qui vend 80% de ses produits (grues tarières, manipulateurs de tourets, etc.) à l’extérieur du Québec.

Posi-Plus ne manque pas de projets voulant étendre ses marchés extérieurs aux États-Unis, en Europe et au Chili. M. Poudrier a dit qu’il souhaitait développer des produits qui permettraient de travailler plus haut (jusqu’à 100 pieds) et creuser plus bas (jusqu’à 20 pieds).

L’entreprise a investi 2 millions $ pour s’agrandir, se doter de nouvelles machines («elles étaient plus vieilles que moi, c’est vous dire! »».

M. Poudrier s’est beaucoup attardé sur la main-d’œuvre, disant que l’entreprise était à revoir son flot de production pour se rendre plus flexible, pour raccourcir les délais de livraison.

Pour cela, il faudra trouver les moyens de favoriser la conciliation travail-famille et parce qu’il est laborieux de combler les quarts de soir, revoir peut-être l’organisation du travail de jour. «Pour que les gens aient du plaisir à travailler.»

Se réinventer

De la troisième génération de Boulanger, Alexis, actuel président de Roland Boulanger, a fait sourire l’auditoire en rappelant que son grand-père faisait peur à son banquier. «Il a toujours été à l’affût des nouvelles technologies et était toujours prêt à investir.»

Si le mot innovation a ponctué tout le déjeuner-causerie, le mot «investissement» a émaillé les propos de tous ceux ayant pris la parole, incluant M. Boulanger.

Fondée il y a 75 ans, l’entreprise warwickoise a interconnecté ses huit sites, de ses scieries jusqu’à son usine de transformation. Au 21e rang du top 200 des entreprises manufacturières québécoises, elle fait travailler quelque 400 personnes et réalise un chiffre d’affaires de 70 millions $, vendant 20% des produits hors Québec.

«Nos Chinois sont Chiliens», a dit le président de Boulanger, parlant des compétiteurs et de l’importance de constamment se réinventer et de développer de nouveaux produits. L’entreprise fabrique moulures et composants et, s’est associé un partenaire pour distribuer des plafonds à caissons suspendus. Il envisage l’avenir avec optimisme rêvant d’une usine de transformation modernisée et ayant pu diversifier ses marchés.

L’automatisation transforme la nature du travail, M. Boulanger disant que pour recruter un opérateur de chariot élévateur il fallait peut-être se tourner vers les «jeunes gamers habiles avec le joystick. À l’instar de Posi-Plus, Boulanger devra trouver les moyens de faire une place à la génération qui pousse. On est tous pour le changement… sauf quand il survient dans sa cour, a-t-il conclu.

 

Quelques informations supplémentaires

  • Le Centre-du-Québec est considéré comme une exceptionnelle région manufacturière, alors que ses 719 entreprises représentant 23% du PIB, ce qui est presque deux fois plus qu’au Québec (14%).
  • Lancée il y a un an Investissement Québec a déjà injecté 422 000 000$ dans des projets d’innovation, lui qui avait réservé une enveloppe de 825 millions $ pour trois ans. L’enveloppe est aussi garnie par le ministère de l’Économie, de la Science et de l’Innovation.
  • Une campagne de promotion sera lancée en 2018 par l’Initiative manufacturière pour valoriser les métiers auprès des jeunes. «Pour leur faire voir que l’industrie n’est pas en déclin», a indiqué Sylvie Pinsonneault.
  • Parmi les dix solutions au plan pour «dynamiser» le secteur, il y a celle cherchant à adopter et à adapter le modèle «dual» par lequel, la formation fait vivre à l’élève des cours en classe et un stage en entreprise, cela dans la même semaine.
  • On trouvera plus d’informations sur le soutien financier et technique que peut offrir Investissement Québec sur son site http://www.manufacturiersinnovants.com/