Lorenzo Landry : un militaire du débarquement trop peu connu

 Dans le cimetière de Saint-Valère repose la dépouille de Lorenzo Landry (1905-1981). Ce célibataire, décédé dans la petite municipalité à 76 ans, a participé au débarquement de Dieppe en 1942 et mérite d’être mieux reconnu.

C’est ce qu’estime Stéphane Fournier, responsable de l’entretien de ce cimetière depuis 24 ans, qu’il connaît par cœur. Il est aussi pas mal féru sur l’histoire de la municipalité qui l’a vu naître et qu’il habite encore. Si dans « son » cimetière sont enterrés sept anciens combattants, il tenait à mettre la lumière sur Lorenzo Landry qui, à son retour de la guerre, a toujours vécu très discrètement et en solitaire à Saint-Valère. « C’est un p’tit gars d’ici que pas grand monde connaît, mais qu’il ne faudrait pas oublier », estime-t-il.

Selon le livre du 125e anniversaire de Saint-Valère, publié en 1986, Lorenzo Landry se serait enrôlé dans l’armée en 1942 et envoyé à Dieppe où a eu lieu le débarquement du même nom quelques mois plus tard (19 août). « Lui et ses compagnons n’étaient pas aussitôt débarqués que les Allemands les bombardaient. Lorenzon fut blessé au dos par des éclats d’obus et fait prisonnier pendant 26 mois », peut-on y lire.

Stéphane, de son côté, qui a entendu parler du militaire par des gens du village, s’est fait raconter que Lorenzo avait survécu au débarquement presque par miracle. « Il s’en est sorti parce qu’après avoir vu son camarade de guerre et ami être criblé de balles et mourir, il a mis son manteau troué. Il s’est ensuite étendu face contre le sol sur la plage pendant une journée entière, faisant semblant d’être mort pour se sortir de cet enfer », évoque-t-il. Il aurait ensuite été fait prisonnier par les Allemands et on ne sait trop à quel moment il est revenu dans la région.

« Il est rentré blessé physiquement et mentalement. Il marchait le dos courbé. C’était un homme très gêné qui est resté célibataire toute sa vie », relate-t-il. Sa grande timidité, et peut-être les relents de la guerre et de ce qu’il y a vécu, a fait en sorte qu’il vivait dans sa maison les rideaux toujours fermés. « Lucien Hébert du magasin général avait même accepté qu’il vienne faire ses achats après les heures d’ouverture », exemplifie-t-il. Et bien qu’il allait à la messe tous les dimanches, avec les autres paroissiens, il quittait avant la fin pour éviter la foule, s’est-il fait dire. « Il avait une vie triste et solitaire bien qu’il avait des amis au village », avance Stéphane.

Célibataire et sans enfant, il a toutefois un neveu toujours en vie, Jacques Landry. Ce dernier vient lui rendre hommage chaque année alors que Stéphane Fournier organise, pour ses vétérans, et ce depuis 2019, une petite cérémonie tous les 11 novembre. Quant aux six autres anciens combattants, Stéphane connaît bien entendu leur histoire et la raconte avec respect et passion. « Eux se sont mariés à leur retour et ont eu des familles. Lorenzo est toujours resté seul », déplore-t-il. Son travail au cimetière lui permet d’en apprendre toujours davantage sur sa municipalité et les gens qui l’ont habitée. « Il ne faut pas oublier », termine-t-il.