«Le Québec doit s’éloigner du pétrole», plaide Dominic Champagne

VICTORIAVILLE. Le metteur en scène bien connu et réalisateur du film sur le dilemme Anticosti, Dominic Champagne, a rappelé, jeudi matin, aux participants au Forum Développement durable à Victoriaville, que le Québec se trouvait à l’heure de choix importants et qu’il fallait, selon lui, se rallier à «la nécessité de s’éloigner du pétrole» et doter la province d’un plan crédible pour s’en affranchir.

La portée du message des militants de la gauche et des écologistes a ses limites, a confié M. Champagne, invitant les décideurs à faire entendre leur voix. «La classe des gens d’affaires et des décideurs doit se manifester. Elle est trop silencieuse. Vous devez faire entendre votre voix parce que les projets se multiplient», a souligné le réalisateur, citant les cas de Cacouna, de Sorel-Tracy, de la Gaspésie et d’Anticosti.

«On veut nous faire croire, a-t-il ajouté, que c’est la voie de la prospérité. Mais c’est un mensonge. La raison scientifique estime que la grande majorité du pétrole doit demeurer dans le sol.»

Dominic Champagne note qu’on aurait dû tirer leçon d’une tragédie comme celle de juillet 2013 à Lac-Mégantic. «Le pétrole constitue une énergie qui amène la mort, non seulement celle d’êtres humains, mais des conditions mêmes qui favorisent la vie. On multiplie les projets de pipeline et de transport maritime du pétrole alors qu’il faut s’en éloigner», a-t-il fait valoir.

Le réalisateur et metteur en scène constate que l’industrie pétrolière constitue un lobby extrêmement puissant, qu’elle n’hésite pas à utiliser le placement média lorsqu’elle apprend que l’homme portera son message sur les ondes à des heures de grande écoute. «L’industrie, lentement, mais sûrement, prépare son retour sur le terrain», observe Dominic Champagne.

Parce que les gouvernements subissent l’influence de l’industrie, qu’ils n’hésitent pas à assouplir les règles, l’artiste dit fonder l’espoir sur la société civile pour passer en mode solution.

Dominic Champagne a fait valoir deux principes à maintenir : les énergies propres et le partage de la richesse. «Or, la tendance actuelle se dirige vers des énergies de plus en plus sales au profit du 1%», a-t-il fait remarquer.

«Un courage politique est nécessaire pour que le Québec puisse aller dans la bonne direction. Mais la classe politique, a-t-il déploré, est influencée par un lobby puissant.»

Les solutions existent, soutient Dominic Champagne. «Il faut désinvestir dans la combustion du pétrole et du gaz, mais il y a un manque de volonté politique.»

En réalisant son documentaire sur Anticosti, le réalisateur a constaté chez les gens, comme c’était le cas dans la vallée du Saint-Laurent pour le gaz de schiste, «le même sentiment d’impuissance et de résignation».

«L’industrie et le gouvernement disent qu’il s’agit, si cela se fait selon les normes, la voie de la prospérité. Mais la science, a-t-il insisté, nous dit de ne pas aller de ce côté.»

«On ne change pas de la bonne manière»

Avant l’entrée en scène de Dominic Champagne, les participants au Forum DD ont pu entendre Pierre-Olivier Pineau de l’École des hautes études commerciales de Montréal.

Les changements qui s’opèrent en matière énergétique ne vont pas, selon lui, dans la bonne direction. «On ne change pas de la bonne manière. On ne se prépare pas pour faire face aux défis du futur», a-t-il dit, faisant remarquer, par exemple, que le parc automobile croît plus rapidement que la population.

«De plus, on aime de plus en plus les gros véhicules, les VUS», a-t-il noté.

Même à court terme, la venue de voitures électriques ne se traduira pas, estime-t-il, par des gains importants. «On doit s’attaquer au problème plus grave, le parc automobile», a-t-il soutenu, exposant aussi un autre «sacré problème», celui des bâtiments.

Les ménages deviennent plus petits, la taille des logements augmente et on rencontre un problème d’accumulation des biens matériels. «Il faut se donner les moyens collectivement de mieux faire les choses dans les déplacements, le logement, notamment. La clé du succès n’est pas de faire moins, mais de faire mieux. Nos choix individuels doivent être cohérents avec l’avenir meilleur que l’on souhaite», a conclu M. Pineau.

En direct de Houston

La plénière matinale réservait, pour la fin, un invité en direct de Houston, David Saint-Jacques, astronaute pour l’Agence spatiale canadienne.

L’astronaute à bord d’un vaisseau et l’humain sur Terre vivent une situation semblable, selon lui. «La survie de l’astronaute dépend de son véhicule alors que l’être humain dépend de sa planète», a-t-il exprimé, affirmant aussi que la Terre, vue de l’espace, montre qu’il s’agit d’une planète fragile. «Il n’y a aucun tuyau pour lui amener de l’eau et de l’air. Elle est toute petite et flotte dans le vide de l’espace», a-t-il dit.

L’astronaute canadien a, par ailleurs, fait état de l’esprit de collaboration qui anime les pays en matière du programme spatial. «Même en 1975, à l’époque de la guerre froide, les Américains et les Russes travaillaient ensemble. Aujourd’hui, les programmes sont tous internationaux. La station spatiale internationale constitue un succès de politique et de collaboration jamais vue. Un exemple à suivre», a souligné M. Saint-Jacques, précisant aussi que le programme spatial et le développement durable se ressemblaient, en ce sens que les deux font face à des ressources limitées.

L’observation de la Terre de l’espace «rend plus sage», a souligné l’astronaute. «Cela amène un plus grand respect pour l’endroit d’où on vient.»

Questionné par l’animateur et journaliste Jean-François Lépine à savoir s’il était inquiet face aux changements climatiques, David Saint-Jacques, à ce chapitre, a fait savoir qu’il faisait confiance aux scientifiques.

Les ambitions spatiales, a-t-il noté, s’appliquent également à la vie sur Terre dans l’espoir de vivre mieux sans mettre en péril l’avenir.

Interrogé aussi sur la récente explosion d’un vaisseau cargo, David Saint-Jacques, n’a pas caché la déception des intervenants. «Mais il est important d’apprendre de ce qui s’est passé. Il faut avoir la sagesse d’apprendre de nos erreurs, a-t-il reconnu. C’est un rappel comme quoi c’est difficile d’aller dans l’espace.»