Le projet éolien attire la foule à la MRC
Des opposants, mais aussi des gens favorables, ont assisté, mercredi soir, à Victoriaville, à la séance du Conseil de la MRC d’Arthabaska au cours de laquelle les élus se sont engagés en faveur de l’aménagement d’un parc éolien sur le territoire.
Avant qu’ils ne répondent aux questions de l’auditoire en fin de séance, les élus ont d’abord accepté le maire de Victoriaville, Antoine Tardif, comme nouveau membre au comité de développement énergétique. Ils lui ont confié la responsabilité du dossier. « Ce soir, a-t-il dit d’emblée, nous nous engageons pour un projet énergétique d’envergure qui répondra aux enjeux environnementaux majeurs que nous connaissons. Nous nous engageons en faveur d’un projet dont les retombées seront exceptionnelles pour nos communautés. »
Antoine Tardif a fait valoir que l’énergie éolienne fait partie intégrante de la stratégie du gouvernement du Québec pour faire face à la crise énergétique sans précédent qui nécessitera de nouveaux approvisionnements en électricité dès 2027. Comme Hydro-Québec lancera sous peu un nouvel appel d’offres en vue de l’ajout de 1500 mégawatts d’énergie éolienne, la MRC d’Arthabaska doit se positionner à ce sujet. « Il y a une opportunité à saisir et nous sommes à la croisée des chemins. La MRC d’Arthabaska pourrait en fournir jusqu’à 400 mégawatts grâce à un parc éolien sur le territoire des municipalités de Saint-Albert, Victoriaville, Sainte-Élizabeth, Warwick et Sainte-Séraphine. Ce projet nous apparaît inspirant, car il fait appel à une énergie verte et propre », a souligné le maire de Victoriaville, ajoutant que la création d’un tel parc permettrait aussi à la région de réaffirmer son leadership en matière de développement durable au Québec.
Les importantes retombées, estimées à 300 M $ sur 30 ans si la MRC devenait partenaire d’un projet à 50%, pourraient permettre à la MRC et aux municipalités de réaliser plusieurs projets concrets, comme la création de nouveaux parcs, de fonds agroenvironnementaux ou le reboisement de secteurs, par exemple.
« Ce soir, a-t-il expliqué, nous signifions notre intention de devenir un partenaire financier d’un éventuel projet. Notre engagement vise à clarifier nos attentes envers d’éventuels partenaires. Ils savent maintenant que la MRC veut s’assurer que son territoire et chacune de ses municipalités puissent bénéficier des retombées socioéconomiques que représenterait un tel projet éolien dans notre région. »
La réussite d’un tel projet, cependant, nécessite l’acceptabilité sociale, a assuré Antoine Tardif, tout en annonçant que les élus iraient à la rencontre des citoyens pour les informer, mais aussi pour écouter « avec respect » leurs préoccupations légitimes. Une première rencontre se tient d’ailleurs aujourd’hui (jeudi) à Sainte-Élizabeth-de-Warwick. D’autres devraient avoir lieu le 18 avril à Saint-Albert et le 24 avril à Warwick.
Le maire Tardif s’est dit optimiste. « Je crois que les retombées qui sont importantes et récurrentes pour la communauté méritent qu’on y accorde une grande attention. Il s’agit d’une opportunité pour toute la région et je pense qu’on pourra mener à terme un projet qui sera bénéfique pour l’ensemble de nos citoyens tout en étant à l’écoute de leurs préoccupations », a-t-il signalé.
Le Conseil de la MRC, par ailleurs, a autorisé un montant de 100 000 $ destiné à la réalisation d’études d’opportunités et pour recourir au besoin à des experts. « On ne sait pas si le projet sera retenu, si les citoyens vont l’accepter, mais il faut se préparer. Si la population en veut, il faudra étudier sérieusement le projet », a indiqué le directeur général de la MRC, Frédérick Michaud.
Période de questions
Producteur de Sainte-Élizabeth-de-Warwick, Rémi Barmettler a été le premier à s’adresser aux élus en partageant son impression que la MRC semblait davantage s’intéresser à une multinationale plutôt qu’aux citoyens. « C’est impardonnable des éoliennes dans un milieu habité sur des terres cultivables », a-t-il lancé.
À cela, le préfet Christian Côté a répondu que le choix fait par les élus est de consulter. « On n’a rien imposé. La population choisira. »
En plus des possibles référendums dans les municipalités, il existe un autre forum où les citoyens peuvent faire part de leurs appréhensions de nature sociale, économique et environnementale, a renchéri Frédérick Michaud. « Tout projet éolien est soumis au Bureau d’audiences publiques en environnement. »
De son côté, Jean Morin de Sainte-Élizabeth-de-Warwick s’est étonné de voir qu’un homme comme le préfet Christian Côté qu’il qualifie de rassembleur puisse être derrière « un projet qui vient diviser les communautés ».
Le producteur se dit incapable de comprendre qu’on puisse accueillir des éoliennes sur les plus belles terres du Québec. « On a perdu le sens du patrimoine. Pourquoi l’agriculture n’est-elle pas considérée comme faisant partie patrimoine, ces terres que nos ancêtres ont défrichées? Nos fermes sont belles, sont propres, sont dynamiques. Allez-vous nous foutre des éoliennes dans le décor? Désolé ça n’a aucun sens », a-t-il exprimé.
Jean Morin a aussi laissé entendre que tout ne semblait pas très propre. « Êtes-vous hors de tout conflit d’intérêts? », a-t-il questionné.
Le maire de Saint-Albert, Claude Thibodeau, a fait savoir qu’il s’est retiré du dossier, se disant en conflit d’intérêt.
Le préfet Christian Côté a balayé du revers de la main cette allégation, expliquant qu’il n’a fait que jouer en toute neutralité le rôle de préfet. « Le préfet a un job à faire. J’ai été approché par une compagnie qui produit de l’énergie et qui veut s’installer au Centre-du-Québec à la demande du gouvernement. Comme préfet, je l’écoute et j’amène le tout au conseil d’administration de la MRC. Ce n’est pas à moi à décider », a-t-il confié.
Devant l’opposition au projet dans sa municipalité, Jean Morin a invité la mairesse Claire Rioux et les conseillers « à mettre leurs culottes », sans quoi il lui demande « de démissionner ou d’aller travailler pour Boralex ».
La mairesse Rioux a fait savoir que la population tranchera : il y aura référendum.
Pas d’imposition
À la question de Valérie Dumas de Warwick à savoir si la MRC pouvait se servir d’un règlement de contrôle intérimaire pour autoriser le projet éolien advenant qu’une municipalité ne modifie pas sa réglementation, le préfet a indiqué que la MRC n’a pas emprunté cette avenue. « C’était une option possible, mais ce n’est pas le choix qu’on a fait. On fait le choix de consulter la population et de l’informer. »
« Ultimement, a repris Antoine Tardif, chaque municipalité aura la responsabilité de consulter sa population. Si vous êtes mobilisés et que vous n’en voulez pas, ce sera refusé, mais on sera allé au bout du processus avec des soirées d’information et de consultation pour faire le tour de la question, analyser les pour et les contre, les visées en développement durable et les retombées économiques. »
Un autre citoyen, Harold L’Heureux de Warwick, a manifesté son incompréhension devant « l’acharnement que vous avez à vouloir procéder rapidement » alors que la partie est loin d’être gagnée, des projets éoliens se dessinent aussi dans le secteur de Nicolet.
Le DG de la MRC, Frédérick Michaud, a reconnu qu’il existe encore beaucoup d’incertitudes et qu’on en est qu’au tout début du processus.
Désapprouvant l’idée d’implanter des éoliennes sur des terres agricoles, Harold L’Heureux a invité les élus à respecter « leur bible », leur schéma d’aménagement du territoire qui place l’agriculture au cœur des préoccupations.
Une résidente de Saint-Christophe-d’Arthabaska, Nathalie Croteau, s’est interrogée à savoir comment on pouvait s’assurer d’avoir une information fiable, qui ne soit pas teintée d’un côté, afin de connaître les impacts véritables.
Frédérick Michaud a partagé cette préoccupation alors qu’on peut être inondé de différentes données.
Les informations, qui se renouvellent constamment, proviennent notamment du gouvernement, mais aussi de la Fédération québécoise des municipalités. « Il y a déjà 27 parcs éoliens. On se base sur quelque chose de réel. Ça nous donne une idée », a précisé M. Michaud.
Reste, a-t-il dit, que le dernier mot reviendra à la population. « C’est la population qui doit décider. C’est un dossier trop majeur. »
En faveur
Olivier Lavertu, producteur laitier à Warwick, agit comme porte-parole, avec le producteur Éric Houle de Victoriaville, d’un regroupement d’une quarantaine de producteurs favorables au projet éolien dans le berceau du développement durable, majoritairement des jeunes, a-t-il noté. « On a à cœur le respect du choix de tous. Mais vu la demande énergétique grandissante, nous voulons nous engager à y répondre et ainsi contribuer à l’essor de notre région. On entend déjà parler des points négatifs d’un projet comme celui-là, mais personne n’ose s’avancer pour faire valoir les avantages », a-t-il soutenu.
Son regroupement souhaite une rencontre avec les élus dans les plus brefs délais pour discuter de la création d’un fonds agroenvironnement. Un tel outil aiderait à soutenir la réalisation de projets agroenvironnementaux, comme la protection des rivières.
« On demande aussi un assouplissement des réglementations pour s’assurer qu’il n’y ait aucune perte de superficie du garde-manger des c entricois », a-t-il signalé.
Le maire de Victoriaville a accueilli favorablement cette offre de rencontre. « Il y aura, en effet, tout un partenariat financier à développer, a-t-il formulé. Il est clair que s’il y a des retombées économiques importantes, elles pourront être réinvesties dans le secteur agricole qui nous en cher en lien avec nos valeurs de développement durable. »
En fin de séance, un agriculteur de Warwick, Fernand Béliveau, qui se décrit comme un gars de cœur, craint une perte de liberté. « Le jour où tu tendras la main pour ne recevoir que des graines, tu seras muselé et tu n’auras plus rien à dire. Faites attention à vos choix, faites attention à votre agriculture », a-t-il imploré.
Ce dossier est teinté de beaucoup d’émotions, a-t-il relevé, parce que « tous les agriculteurs sont amoureux de leur terre ». « L’esclavage, je n’en veux pas et l’éolien, on n’en a pas besoin », a-t-il fait savoir.
La rencontre, somme toute, s’est déroulée dans le respect. À quelques reprises, le ton a monté, obligeant le préfet à ramener les gens à l’ordre, mais sans plus.