Le F.-A.-Gauthier, un navire pour mémoire
VICTORIAVILLE. Des 700 propositions qu’elle a reçues pour le nom du nouveau navire offrant le service de traverse entre Matane-Baie-Comeau et Godbout, c’est celle du Victoriavillois Michel Patry que la Société des traversiers du Québec a été retenue. Le traversier portera le nom de son grand-père, le F.-A.-Gauthier. Lui et sa mère, Marguerite Patry, fille de Félix-Adrien Gauthier, sont allés à la rencontre de ce gros et grand navire arrivé à Baie-Comeau le mois dernier, sorti tout droit des chantiers de la compagnie Fincantieri.
Et ils retourneront là-bas pour la cérémonie du baptême du traversier, lequel devrait transporter ses premiers passages quelque part en juillet.
Ce bateau a, entre autres, la particularité d’être le premier en Amérique du Nord à carburer au gaz naturel liquéfié.
Pour une bonne quarantaine d’années, c’est la mémoire de leur père et grand-père qui, pour Marguerite et Michel, flottera sur le Saint-Laurent. Ils en éprouvent une grande fierté, se disant, l’un et l’autre, que l’hommage est mérité… même si l’homme ne recherchait jamais les feux de la rampe.
Félix-Adrien Gauthier n’était peut-être pas un capitaine de bateau, souligne Michel, mais c’est lui qui a été l’instigateur et le promoteur du premier lien fluvial entre la Gaspésie et la Côte-Nord.
Entrepreneur, commerçant et maire de Matane (de 1960 à 1963), il a su mener à «bon port» une opération visant à créer la compagnie de navigation Traverse Matane-Godbout en 1959, parvenant à persuader une dizaine d’hommes d’affaires d’investir dans la construction d’un premier bateau, le N.-A.-Comeau en 1962 et d’un deuxième, le Sieur D’Amours en 1966.
D’emblée, Marguerite Gauthier- Patry parle avec affection et enthousiasme de l’homme et de l’entrepreneur que fut son père (1900-1983). «Je l’adorais!», dit la dame de 84 ans.
Elle évoque son jugement à toute épreuve, ses qualités de rassembleur. «Il était très exigeant, pour lui et pour les autres. Il acceptait les erreurs, jamais la bêtise», dit-elle. Et il a cultivé un féminisme d’avant-garde.
Elle se souvient de cette époque difficile au cours desquelles les deux grosses compagnies américaines de Matane avaient fermé leurs portes. C’était dans les années 1950. Elle parle des démarches que son père avait entreprises auprès du gouvernement fédéral pour obtenir un service de traversier, un lien entre les deux rives du Saint-Laurent, tout aussi commercial que vital.
Mais c’est sans subvention que M. Gauthier et les investisseurs qu’il avait réussi à convaincre ont fait construire le premier bateau.
Marié à Marie-Laure Saindon, M. Gauthier a eu quatre enfants, dont Marguerite, la troisième de la famille.
Margot, comme on l’appelle familièrement, s’est installée à Victoriaville en 1962 avec son époux, le chirurgien Paul-Émile Patry. Elle avait quitté Matane dès l’âge de 11 ans pour étudier à Bellevue. Le couple a vécu à Québec et en Angleterre et a mis au monde quatre enfants, Marie, Louise, Paul et Michel.
Plus haut, plus gros
Les descendants de M. Gauthier disent qu’en voyant l’immense navire, ils ont pu prendre la mesure du chemin parcouru en un demi-siècle.
«J’étais émue. Je voyais papa et je me disais qu’on était rendu loin dans la réalisation du projet de toute une région. Il a fallu des gens qui se relaient pour y parvenir!»
Parcourant la fiche technique du navire qui remplacera le Camille-Marcoux, Michel Patry rappelle que le premier bateau construit au coût de 800 000 $ pouvait transporter 100 passagers et 38 véhicules. Le deuxième en a coûté 2 millions $ et le Camille-Marcoux, mis à l’eau en 1976, a nécessité un investissement de 12 millions $.
Le F.-A.-Gauthier, bâti au coût de 148 millions $, transportera plus de passagers (800 au lieu de 600) et plus de véhicules (180 au lieu de 120) que son prédécesseur.