L’«autre monde» d’Alain Rayes, où il doit faire un certain deuil

POLITIQUE. D’emblée, Alain Rayes répond qu’il adore son nouveau job de député de Richmond-Arthabaska. «C’est un autre monde, dit-il, j’ai l’impression de retourner à l’école», souligne l’ex-maire de Victoriaville qui a également un passé de prof et de directeur d’école.

S’il dit que cette fonction lui procure plus «d’oxygène» que lorsqu’il était à la mairie, il admet qu’il a dû faire un certain «deuil» de ne plus pouvoir être à la tête d’une organisation, de prendre une part active aux décisions. Et puis, ajoute-t-il, la «joute parlementaire» à laquelle il est appelé à participer implique de la «partisanerie», laquelle a atteint un paroxysme au cours de la campagne électorale.

Une fois élu, oui, admet-il, il lui faut composer avec la ligne du parti. «Mais il est faux de penser que les députés se font tout dicter.» Comment, lui qui a toujours montré un visage positif, vit-il dans l’opposition, à devoir adopter le mode critique et réactif? Il répond que son rôle parlementaire consiste à «surveiller le gouvernement».

Ayant fait du sport toute sa vie, il compare l’arène politique à un ring où deux boxeurs s’affrontent et à la fin du combat sont capables d’une accolade. «En politique, c’est pareil, on peut avoir des idées à défendre et le faire en tout respect.»

Ces quatre années – et M. Rayes compte bien se retrouver dans un gouvernement conservateur au prochain scrutin fédéral – lui permettront de bien maîtriser ses fonctions parlementaires. Ces 100 premiers jours (mercredi) lui ont servi à s’installer. À son appartement de Gatineau, son bureau au Parlement, à s’entourer d’une équipe, à aménager son bureau de circonscription au 3, rue de la Gare et à ouvrir (à compter de la semaine prochaine) deux autres bureaux, un à Windsor, l’autre à Asbestos. Le premier est ouvert le mardi matin, l’autre le mardi après-midi.

Le futur chef

La décision du parti de se donner un nouveau chef le 27 mai 2017 est «géniale», selon lui. Il aurait été précipité, croit-il, d’organiser une course culminant au congrès de mai 2016. «Et il n’y a aucune urgence.»

Une telle campagne nécessite temps, argent et appuis, souligne-t-il. En se donnant plus de temps, les conservateurs pourraient s’attirer des candidatures de l’extérieur, croit encore le député Rayes. Lui-même ne vise pas la chefferie, répond-il. «J’ai trop de croûtes à manger, j’ai mon anglais à peaufiner et le Canada c’est grand et la politique fédérale est une grosse machine.»

Le député de Richmond-Arthabaska a toujours eu l’intime conviction qu’il pouvait avoir une influence au sein du Parti conservateur. Dès le lendemain de son élection, il profitait de la tribune que les médias nationaux lui offraient pour livrer son message environnemental, dire que cette défaite du Parti conservateur pouvait constituer une opportunité de se questionner à cet égard. «Non, ce n’était pas la première fois que j’en parlais. Je l’avais fait aussi pendant ma campagne électorale», réplique-t-il.

À la tête de sa formation politique, il espère que le prochain chef soit quelqu’un d’ouvert, qui va justement questionner les positions du parti sur l’environnement. L’«ouverture», l’«attitude» et l’«image» face aux médias constitueront aussi des critères à ses yeux. Et il devra être bilingue. «Il nous faut la meilleure personne qui nous permettra de gagner la prochaine élection et qui fait en sorte que le Québec soit bien représenté.»

C’est l’essoufflement d’un gouvernement conservateur mal aimé et malmené par les médias qui lui a valu la défaite le 19 octobre dernier, croit le député Rayes. «Parce que, entre ce qui ressort des Vincent Marissal de ce monde, des médias comme La Presse et Radio-Canada et l’opinion publique, je crois qu’il y a un grand écart.»

L’élection d’un gouvernement libéral s’est jouée en quelques jours, soutient encore le député conservateur. «Je ne crois pas que les gens ont voté pour les déficits.» Se dépeignant comme un conservateur progressiste qui a choisi cette formation principalement pour sa gestion des finances, de la sécurité publique et de la taxation, il parle du discours «jovialiste et rêveur» du chef libéral Justin Trudeau. «Il traite, avec beaucoup de légèreté, des sujets comme la lutte au terrorisme, l’accueil des réfugiés, la légalisation de la marijuana, des baisses d’impôt supposément à coûts nuls.»

«On a dit du gouvernement conservateur qu’il n’avait pas de cœur. On paraît avoir du cœur quand on dit qu’on accueillera 25 000 réfugiés avant Noël, mais qu’on est incapable d’y parvenir.» Père de trois enfants, le député Rayes dit qu’il se verrait mal les mettre en garde contre la marijuana devenue légale. Il ne les inciterait pas non plus à faire un stage humanitaire au Burkina Faso ces temps-ci. «Le Canada doit faire sa part dans la lutte à l’État islamique, même si on est un petit joueur.»

Au menu parlementaire du nouveau député pour 2016, il y aura aussi ce projet de réforme électorale, un enjeu trop important, soutient-il, pour que le gouvernement agisse sans référendum. La politique fédérale, cela semble loin, poursuit-il, mais elle a des incidences sur des enjeux aussi locaux que l’agriculture et les infrastructures.